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  • : Le blog d'eve anne, Madrid.
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Heure d'Hiver

   

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   L'Hiver

 

 

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Vulnerant omnes
Ultima Necat

 

 

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Je suis comme je suis,
Je plais à qui je plais.

ego sum ego sum
sicut qui similis

 

 

 

 

Bonne Année



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Extraits

 

Rencontre en Forêt
carrefour11

J’ai fait une sortie hier soir en fin d’après midi, et je ne sais pas pourquoi, j’ai pris mon VTT au lieu du vélo. Dans les chemins de la forêt j’ai été doublée plusieurs fois par le même gros 4-4. J’ai eu l’impression que le mec voulait attirer mon attention. J’ai remarqué, au moment où il me doublait qu’il ne portait rien, il était torse nu. Nos regards se sont croisés, Puis il est parti loin devant. Il faisait doux, pas de vent, la forêt sentait bon. . . . . . . . . Un peu après, au coude du chemin, j’ai vu le 4-4 arrêté, dans un endroit où le chemin se rétrécissait, il n’y avait plus de place pour passer à droite, le taillis touchait la voiture, et un tout petit passage à gauche. 

La devise du Quebec
Hôtel du Parlement - Copie

Québec hiver 1876, en fin de matinée le soleil donnait à la ville gelée, les mille feux du diamant. Le froid était vif et les passants emmitouflés étaient peu nombreux. Pourtant, sur le trottoir ensoleillé, un homme ne semblait pas ressentir de gêne à déambuler tête nue, normalement vêtu, ou plutôt anormalement vêtu dans l’air glacé. Il n’avait pas de gants, et son regard bleu était perdu dans le rêve où il flottait. Il tenait à la main un petit rouleau de papier, et ce feuillet enroulé faisait de lui l’homme le plus heureux de la terre. Il suffisait de le regarder pour remarquer le sourire qui illuminait son visage d’homme intelligent et déterminé. Il venait d’avoir quarante ans, son allure était alerte, et son élégance impeccable attirait le regard.

Le testament de Benjamin  Briggs
Le testament de Benjamin Briggs

Les arbres du square Victoria commençaient à dérouler leurs feuilles. Florane-Marie D’Auteuil avançait à pas légers le long de la bordure du trottoir de la rue du Square Victoria. Malgré le soleil qui avait embelli la journée, l’air était encore frais. Elle tenait bien fermé contre sa gorge le col de fourrure de son manteau d’hiver. Florane était la fille d’un diplomate français décédé au cours de l’hiver dernier. Après un séjour de trois ans en Bavière. Elle vivait à Montréal depuis deux ans. Elle s’y plaisait mieux, et il y faisait moins froid qu’à Québec. Elle trouvait aussi la ville plus moderne et plus vivante. Elle ne venait pas souvent dans le parc, elle était généralement occupée dans l’institut où elle travaillait le plus souvent.

 Autoroute du Nord
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Autoroute du Nord, nuit de samedi à dimanche, 2 heures du matin, la chaussée est luisante, la pluie n’arrête pas de tomber, depuis des jours et des jours. Échangeur de Bapaume, les lumières de la cité toute proche se mêlent aux lumières bleues des gyrophares des ambulances et des voitures de gendarmerie. Les clignotants jaunes du Samu, et de puissants projecteurs éclairent une zone d’activité intense. De la fumée, des cris, des ordres jetés, des silhouettes fluorescentes s’agitent dans toutes les directions. Une très forte odeur d’essence s’est répandue, tout se déroule au milieu du bruit infernal des groupes électrogènes et des compresseurs. De l’autre coté du muret central les bolides ralentissent à peine sous l’œil préoccupé des gendarmes trempés.

            La Massane
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Les premières gouttes de l’averse s’écrasaient bruyamment sur les dalles de pierre. Lucile venait de refermer la porte du garage de l’hôtel, il était temps, à peine avait-elle reçu quelques gouttes. Elle adossa son vélo contre le mur et plaça avec soin l’antivol d’acier. Elle remonta directement à sa chambre par l’escalier de service. Il faut dire que l’équipement cycliste bariolé de réclames et de couleurs vives n’est pas tellement seyant pour les femmes habituées naturellement aux arcanes de l’élégance. Elle ouvrit tout de suite la fenêtre, et contempla avec ravissement l’orage au plus fort de sa fureur. Le tonnerre était d’une violence inouïe, et l’écho renvoyé par la montagne toute proche amplifiait les grondements incessants. 

Les Travers de Ms Philipson
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Le trajet entre Paris et Londres en Eurostar n’allait pas être suffisamment long pour calmer l’excitation de Magali. Elle regarda sa montre; dans 5 minutes ce sera le tunnel, et moins d’une heure pour arriver gare de Waterloo. Quinze jours auparavant, Magali avait quitté le lycée un peu plus tôt, pour absence de son professeur d’Anglais. C’est ce qui explique qu’elle ait elle-même ramassé le courrier dans l’entrée de l’immeuble cossu, rue de Turbigo, tout près de la place de la République. Au milieu d’un amoncellement de publicités, journaux, lettres etc, l’une d’entre elles lui était personnellement adressée. C’était une enveloppe anonyme, sans flamme ni cachet, ni marques reconnaissables. Elle attendit d’être à l’intérieur de l’appartement qui surplombait magnifiquement la capitale, pour ouvrir le pli qui, a priori, ne lui disait rien de bon. Elle monta directement dans sa chambre, d’où l’on découvrait toute la partie nord de Paris, jusqu’à la butte Montmartre, à demi visible dans la brume de printemps en cette fin d’après midi.

         La brosse à Dents
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Ce n’était pourtant pas un jour exceptionnel. Un samedi comme un autre, sauf que c’était l’été, que la chaleur était déjà accablante, et que je me sentais légère, en pleine forme et heureuse. Pourquoi ? Je ne saurais le dire, j’étais bien c’est tout. Madrid était une fournaise, mais cela faisait maintenant pas mal de temps que je m’y étais installée, et franchement, je ne regrettais rien. Ma fille était avec moi, et le samedi matin nous avions pris l’habitude de faire nos courses pour la semaine. Il était encore tôt, mais nous n’étions pas pressées, bien qu’étant attendues pour déjeuner à la finca où nous avions nos amis. Nos amis et nos habitudes, c’est là que nous avons logé avant de trouver cette petite villa du nord de Madrid, avec sa petite piscine et ses pins parasols. Cette villa, nous l’avons louée toute meublée. C'est-à-dire avec le minimum, ce qui lui donnait un genre particulièrement spartiate avec ses murs blancs et ses meubles foncés. On s’y était attachées, et pour nous, c’était le paradis. Nous n’avions plus que quelques achats de peu d’importance, mais je devais passer absolument à la pharmacie pour acheter de l’huile solaire.

 Résistance et Trahison
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Le 19 mai 1940 restera à jamais le jour le plus sombre de l’histoire d’Amiens. Tandis que le général de Gaulle, à la tête d’une division blindée, contient l’avancée des troupes allemandes dans le Vimeu et la région d’Abbeville, l’armée nazie bombarde la ville préfecture de la Somme. Tout le centre-ville et les gares de chemin de fer sont rasés. L’ancien secrétaire général de la Somme, Jean Moulin, apprend la nouvelle de la destruction de la ville, et revoit dans ses récents souvenirs la belle cité telle qu’il l’a connue, la préfecture d’Amiens et son propre bureau où il a travaillé au service de l’État. Il n’accepte pas que tout cela soit souillé par la présence ennemie. Amiens s’enfonce dans quatre années de souffrance et de terreur. La communauté amiénoise se divise. Certains acceptent la fatalité. D’autres la refusent et résistent. Et d’autres encore se mettent du côté des plus forts. Jean-Marc Laurent n’a que 16 ans en 1942 lorsqu’il entre dans le réseau “Centurie”. Simple cheminot, il intègre les FTP, unités combattantes clandestines. Il participe à de nombreuses opérations contre l’armée allemande.

  La Chapelle St Domice
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Depuis que Karen avait disparu, Adrianne vivait l'enfer. Elles étaient amies de longue date. Ce qui semblait être pour les autres une camaraderie d'adolescentes était en réalité un grand amour partagé. Karen et Adrianne poursuivaient avec brio leurs études de médecine. L'une serait Sage femme, et l'autre voulait être gynéco. Elles n'en étaient pas encore là, elles avaient encore quelques années à travailler comme des esclaves pour espérer arriver à quelque chose. Karen et Adrianne étaient des filles sans histoire. Discrètes, inséparables, Elles étaient admises et aimées par les étudiants de leur université. Elles étaient lesbiennes disaient quelques-uns, elles étaient amoureuses disaient les autres. Certains, les plus proches, disaient qu'elles s'aimaient passionnément. Toutes deux très jolies, leur sourire n'avait d'égal que le pétillement de leurs prunelles. Elles étaient gaies (joyeuses) elles aimaient la vie, elles aimaient le monde, les fleurs les animaux, elles étaient surtout le reflet du bonheur total. Mais tout cela, c'était avant. Avant ce terrible accident qui emporta en quelques secondes la vie de Karen. . .

              Aneseau
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Tout à côté du lieu dit « La Pierre aux Fées » à quelques pas du vieux château, à la lisière du grand bois qui bordait jadis le village de Folleville, elle vivait dans une pauvre chaumière. « La Vieille Dame » ! C’est ainsi qu’on l’appelait aux alentours, vivait en recluse, et ne sortait que le soir venu. On la craignait. On l’évitait .Elle possédait, dit-on, des pouvoirs démoniaques : « Elle jette des sorts, elle mène les loups les nuits de pleine lune …» C’est ce que l’on chuchotait, à l’abri des regards de peur d’être entendu de La Vieille Dame. Ou peut-être même des adeptes de ses remèdes ou de ses pratiques. En effet, on lui prêtait également bien d’autres pouvoirs, elle n’avait pas son pareil pour combattre la fièvre. De bon matin elle vous faisait marcher dans l’herbe d’un pré couvert de rosée, cueillir par-ci, quelques poignées de feuilles de plantain, les jetant par-là, derrière, sans vous retourner. La pratique était efficace, autant que celle qui consistait à guérir les maux de ventre en prenant à jeun une infusion de la deuxième pelure du sureau qu’elle avait cueilli à la nouvelle lune, en récitant une prière aux saints Côme et Damien.

     Destruction Massive
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Saddam est un homme qui doit être intelligent, et dangereux, Il a déclenché une guerre qu'il n'a pas su gagner, et s'en est pris plein les yeux. C'est maintenant un homme blessé, parce qu'il a perdu devant l'Occident et ça, il ne le pardonnera jamais. Il rumine sa vengeance et son esprit tordu imagine des milliers de scénarios tous plus terrifiants les uns que les autres. Il a beaucoup investi dans la fabrication des armes bactériologiques et chimiques, et les ateliers de fabrication de ces potions tragiques ont été vite reconstitués. Aujourd'hui il tient sa vengeance, il a convoqué ses fidèles pour leur faire part de son plan, leur demandant leur appui pour le mettre à exécution. En ressortant de son bureau, sur les trois "généraux" dans le secret, deux se sont suicidés, pour ne pas avoir à accomplir cette tâche, tant elle était terrifiante, irréversible et incontrôlée. Et le déroulement des opérations a commencé. L'arme absolue: Les Kurdes, et la compassion de l'occident pour les martyrs de l'Irak. Il fallait y penser.

  L'Infirmière d'Ambazac
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« Bonjour, excusez moi de vous déranger, je m’appelle Ghylaine, et je suis infirmière à Ambazac. » Laurence se retourna, et fut surprise de la vision qui s’offrait à elle. La jeune femme était assez jolie, la trentaine, brune et le visage assez fin. Elle était un peu plus grande, très mince, les cheveux mi-longs, coiffés « à la diable ». Le maquillage assez discret, un rouge à lèvres très rouge, les sourcils très noirs, les paupières ombrées. Un grain de beauté sur la lèvre supérieure gauche. Le premier examen était favorable. Ghylaine souriait, Laurence lui rendit son sourire. « Je suis Laurence, et je n’ai pas besoin de piqûres ! Que puis- je pour vous ? —Voilà, je vous ai aperçue au concert d’Aixe-sur-Vienne samedi soir. Je vous ai vue prendre des photos, j’en ai pris aussi, je vous propose que nous les regardions ensemble. » Le sourire ne l’avait pas quittée en prononçant ces mots. Laurence trouva l’idée excellente, quoique peut être un peu intéressée :

      Les Etoiles Eteintes
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Sarah restait dans le mausolée pour mieux méditer. Elle appréciait que le décor soit aussi sobre, que le lieu soit aussi calme, que la lumière soit diffuse, et la fraîcheur aussi agréable. Seul flottait dans l'air ce parfum de géraniums, mêlé à celui de la canne à sucre, omniprésent à Saint-Benoît de La Réunion. Elle tira la porte derrière elle. Coupée du monde extérieur, elle serait mieux pour prier et se recueillir sur la tombe de sa belle amie. Elle aimait ce mur de marbre brut, ce dépouillement de tout objet de culte: pas de croix, pas de Christ, pas de Maries. Dehors, les géraniums en fleur ceinturaient l'édifice, mais dedans, aucune fleur, que la pierre, le marbre, la lumière. Une plaque de bronze sculptée à l'effigie d'une jeune femme aux longs cheveux épars, au visage fin comme l'avait Florane quand elle était arrivée dans sa vie. Pour que cet endroit soit tel qu'il est, Florane avait dû en définir tous les détails elle-même. Sarah pensait que le service des pompes funèbres pourrait peut-être lui donner quelques détails sur les derniers jours de Florane, et peut-être, qui sait, lui faire rencontrer les gens qu'elle connaissait, ou même qu'elle fréquentait ?

      L'Adjudant Moreau
gendarmerie-nationale

Roger Lheureux arriva au 4 rue de Seclin. Il était 9 h 15. L’ouverture de la centrale était à huit heures. Quand il lança un « salut » à la ronde, aucun de ses collègues ne lui répondit. Roger n’était pas à proprement parler un bon copain, mais il était le numéro deux de la centrale syndicale départementale, et à ce titre, il était plus craint que respecté. Ce qui choquait ses collègues de travail, c’est qu’il arrivait régulièrement en retard, et généralement dans un état de violence éthylique mal dissimulé. Chaque matin, Roger faisait une halte au « Café de la Savonnerie » situé juste en face de l’usine qui produisait des millions de tonnes de lessive en poudre. Dans ce café, nul besoin de passer sa commande, le patron vous sert d’emblée un café accompagné d’une « bistouille ». La bistouille étant ce petit verre de genièvre qu’il fallait boire en premier lieu et vider le second verre dans le café. Souvent on remettait ça, et après la deuxième ou troisième bistouille, on allait travailler. À cette époque, les accidents du travail étaient nombreux, et bien sûr, l’employeur était toujours l’unique responsable.

        Un Douze Avril
Joëlle et moi

Un 12 avril …. Oui c’était un 12 avril, je m’en souviens très bien, c’était le jour d’anniversaire de ma maman, et j’étais allée déposer une potée de tulipes sur sa tombe, des tulipes perroquets rouges et blanches, ses préférées. C’était la fin de l’après midi, à l’heure où le soleil, bas sur l’horizon, allonge les ombres, et colore la nature du vert jaune des feuilles naissantes, du bleu de ciel et de blanc nuages. Il faisait beau, il faisait doux. Sur l’autoroute il y avait peu de circulation ou du moins elle était fluide. Pas d’excès de vitesse, j’étais en balade. Je rentrais chez moi, il me restait tout juste une demi-heure de trajet. J’arrivai à proximité d’une aire de repos : « Aire de Tilloloy Ouest » et machinalement je mis le clignotant, je ralentis dans la chicane et débouchai sur le grand parking. Je m’arrêtais souvent à cet endroit, d’abord parce que sur mon trajet habituel je n’ai pas tellement le choix, mais surtout pour le bois qui entoure ce parking, c’est vraiment très forêt, c’est superbe.

            Joyeuse Noelle
Joyeux Noelle

Pour moi, Noel est rarement joyeux. Ici, là où je vis, à Madrid, La Navidad se fête bien entendu, mais ce n'est pas le même Noel qu'en France. Les jouets pour les enfants sont offerts le jour de l'épi Fanny, La Navidad est surtout une fête religieuse, où la messe de minuit se paie l'intérêt général. Autre raison et pas des moindres, ma grande fille rejoint son père en France. Ainsi elle ne souffre pas d'un dépaysement total. Voir son père, c'est bien vite dit. C'est un homme orgueilleux, très occupé, pas du tout papa gâteau. Mais Axelle a le coeur sur la main et elle accepte avec le sourire l'accueil réservé de son papa. Heureusement, le papa s'est remarié, forcément, il avait besoin d'une esclave pour lui porter le café au lit. Cette esclave s'appelle Rachel. C'est une de mes amies, elle est très belle, nous nous aimons beaucoup, en secret bien sûr. Je crois qu'elle est plus jolie que moi, un peu plus jeune il est vrai, Nous nous voyons rarement maintenant que je suis expatriée. Elle s'occupe très bien de ma fille, elle l'adore, elle n'a pas d'enfant, tous ses efforts n'ont jamais abouti. Rachel est pharmacienne. Son officine n'était pas très loin de mon immeuble, ainsi je ne rechignais jamais à aller me chercher les rares médicaments que je prenais. J'ai toujours fait beaucoup de sport. Du vélo, de la piscine. C'est ce qui me vaut sans doute d'être encore présentable aux 44 ans que je viens de fêter il y a deux jours. Rachel aussi fait du sport, mais en vraie compiégnoise, elle a choisi de faire du cheval.

         Le Petit Laurent
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Entre son bonnet bleu et son masque de chirurgien, on ne voyait que ses yeux noirs. Pourtant, quand il tournait son regard sombre vers l’une ou l’autre d’entre nous, on comprenait instantanément ses désirs, sans qu’il eût prononcé la moindre parole. J’étais devant lui, et j’étais l’assistante de l’autre chirurgien qui lui faisait face. L’entente des deux hommes était remarquable, c’était le meilleur « bloc » de tout l’hôpital. Je passais les instruments qu’on me réclamait, tout en essayant de ne pas regarder le champ opératoire, je ne m’y habituerai jamais. Pourtant, délimité par le drap bleu ciel et les linges blancs tâchés de rouge, l’ouverture ne ressemblait à rien que l’on puisse identifier, sans être du métier. Moi je ne l’étais pas, je passais les outils, comme une autre fille aurait pu le faire aussi bien. Et pour ne pas regarder l’opération en direct, je portais les yeux sur le chirurgien aux yeux noirs, ou sur son assistante qui me faisait face, dont les yeux étaient d’un bleu sauvage. De l’assistante on ne voyait que la proéminence de son imposante poitrine.

 Le Chaos de Targasonne
Le Chaos de Targasone

Sur les hauteurs des Pyrénées-Orientales, la Cerdagne est un vaste plateau ensoleillé, un encorbellement entre le mont du Carlit, et celui de Puigmal, tous deux culminants aux alentours de 3000 mètres. La Cerdagne est à une altitude de 1600 mètres en moyenne, et elle a la particularité d’être une région fertile, bien que de haute montagne, puisque l’on y récolte des céréales, du blé principalement. On y vient de Perpignan par la route qui monte à Font Romeu, ou par le côté Espagnol en traversant l’Andorre. Dans la partie occidentale de la Cerdagne, on trouve un lieu particulièrement mythique, « Le Chaos de Targasonne » Plutôt qu’un lieu, on pourrait dire un pays, voire une région, puisqu’il s’étend sur 50km. Le Chaos est un amoncellement de roches granitiques -par exemple- dont l’origine et la formation ne paraissent pas évidentes. Curieusement, on trouve aussi ce genre de relief dans la forêt de Fontainebleau ou dans la Lozère.

        Le Coupe Chou
Le coupe chou-1

S’il existe un lieu magique à Paris, c’est bien la gare de Lyon. Pas cette gare TGV souterrainement austère et sans âme, mais la gare de surface, la vraie, celle qui fait vibrer le cœur dès que l’on aperçoit l’horloge, du boulevard. J’ai toujours aimé les trains, depuis ma plus tendre enfance quand, avec mes parents et ma sœur, nous partions à la mer. La Gare de Lyon à l’heure des grands départs est habitée d’un esprit particulier. Peut-être est-ce simplement la concentration des voyageurs en attente. C’est cette odeur particulière, faite d’humanité, d’ozone et de poussière. Ce grand espace face aux quais, animé de ses panneaux affichant les horaires, et les milliers d’yeux, levés vers les chiffres verts qu’ils ne semblent pas comprendre. Et puis ce sont tous ces jeunes avec sacs au dos, assis sur les murets des escaliers descendant au sous-sol. Ils fument, ils mangent d’énormes sandwiches, vident quantité de boîtes de bière ou de Coca. Ils dorment ou s’embrassent, l’amour des fois, se fout du décor. En haut de l’escalier, ce superbe restaurant : « Le Train Bleu » qui fit briller de ses ors, la redoutable Nikita, alias Anne Parillaud.

            Jolie Luna
Lena Gercke

Sur les pavés de la place St Jacques, Rachel avait beaucoup de difficulté à marcher avec ses talons aiguilles, et se casser un talon maintenant, ne serait pas pour lui remonter le moral ! Rien n’allait vraiment bien depuis une semaine. Elle avait du mal à effacer de son esprit ce qui s’était passé, et ce soir-là, elle n’avait pas envie de rentrer chez elle, et de se retrouver seule avec ses idées noires. Sa petite fille était pour le week-end chez sa grand-mère. Elle entra dans le café le plus proche. Le Coq d’Or l’un des plus joliment décorés de la ville. Elle n’était pas une habituée des lieux, d’ailleurs elle entrait rarement dans un café. Il y avait du monde, de la musique jazzy, de la fumée, comme dans tous ces endroits-là, en fin d’après-midi. Elle s’approcha difficilement du bar et demanda un Tonic. Le barman la servit, puis, son verre à la main, elle chercha dans la salle un endroit libre pour se poser.

            La Mante
Les DrusCouleur

Je la reconduisis à la porte. Les quelques pas qu’elle fit devant moi suffirent à provoquer mes plus secrètes fêlures. Sa démarche, ses bottines à hauts talons, son jean élimé aux fesses, ses fesses rondes perchées sur des jambes interminables, ce perfecto, qui était choisi sans doute uniquement pour mettre ses fesses en valeur, et cette chevelure de jais, coupée court, très bas sur la nuque, avec cette mèche savamment rebelle qu’elle remettait en place d’un mouvement de tête des plus étudié. Deux anneaux dorés apparaissaient alternativement au rythme de son pas décidé…..Elle s’arrêta sur le palier, se retourna… Gros plan sur une poitrine agressive, moulée dans un pull col roulé blanc. Visage bronzé, ses yeux noirs lancèrent un éclair, histoire d’humaniser son sourire crispé. Elle commença à descendre les degrés, je fermai la porte appuyai mon front sur le chambranle, et je restai ainsi les yeux fermés, imprégnée de ces images qui repassaient en boucle, dans mon souvenir immédiat.

      Les Jeux de St Elme
Les Jeux de St Elme

Juin 1999 ! décès de mon père, puis en octobre, celui de ma mère. Après 63 années de mariage, la pauvre femme n'a sans doute plus estimé utile de continuer à vivre. Ils ont ainsi rejoint au paradis, leur fille décédée neuf ans plus tôt, à l'âge de quarante-huit ans. Il avait quatre-vingt-sept ans, elle en avait quatre-vingt-deux. Ils ont donc élevé trois enfants : deux filles et le garçon que je suis. Quelques mois plus tard, il fallut se décider à tirer un trait sur la matérialité de leurs existences : Vendre la maison où nous avons grandi, et la débarrasser de tous les meubles et objets leur ayant appartenu. Voir la maison de notre enfance complètement vide fut pour ma sœur et moi, une douloureuse épreuve. Au moment de charger les derniers cartons, ma sœur me désigna celui qui était resté un peu à l'écart.

     Les Jours de Liesse
Les Jours de Liesse

Il faisait un temps superbe ce jour-là. Dans la petite bourgade de Saint André, cette petite ville touristique de Haute-Provence près du lac du Castillon, la saison touristique était à peine commencée. Pourtant, il y avait pas mal de monde en ville, et déjà quelques nageurs courageux dans les eaux glacées. Pour certains c’était déjà les vacances, mais pour d’autres, le travail était encore d’actualité. Il faisait déjà chaud. Pourtant, la ville est à neuf cents mètres d’altitude. Le soleil comme toujours dans cette région était de la partie. Derrière les baies vitrées des bureaux, les employés commençaient à souffrir de la chaleur. Heureusement, la matinée de travail touchait à sa fin. Guillaume avait l’impression que ses clients étaient convaincus, et qu’il remporterait ce marché difficile. Il était assez fier de cette présentation. Bien sûr, il n’était pas seul à avoir réussi à établir ce climat de confiance, qu’il sentait maintenant installé chez ses interlocuteurs.

   Les Tricots de Marguie
Les Tricots de Marguie

Marguerite Dupain était une femme au grand cœur. Pourtant on ne peut pas dire qu’elle avait été gâtée par la vie. Née de parents miséreux de la région de Douai, à Goeulzin plus exactement, elle avait, toute sa jeunesse, traîné ses galoches le long du canal, trouvant dans cette campagne ouvrière tous les motifs qui pouvaient alimenter ses rêves. Elle s’imaginait par exemple qu’un intrépide marinier l’emporterait un jour sur sa péniche, et l’emmènerait ainsi de l’autre côté du monde, là où il n’y aurait que joies et que richesses. Son père, fut l’un des derniers ouvrier de la dernière brasserie du village, et comme bien souvent, il était le meilleur client de son patron.

   Le Miracle Impossible
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C'est ainsi que Jésus parvint dans une ville de Samarie appelée Sychar, non loin de la terre donnée par Jacob à son fils Joseph, là même où se trouve le puits de Jacob. Fatigué du chemin, Jésus était assis tout simplement au bord du puits. C'était environ la sixième heure.Arrive une femme de Samarie pour puiser de l'eau. Jésus lui dit: "Donne-moi à boire." Ses disciples, en effet, étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger.Mais cette femme, cette Samaritaine lui dit: "Comment? Toi, un Juif, tu me demandes à boire à moi, une femme samaritaine!" Les Juifs, en effet, ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains.Jésus lui répondit: "Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit: "Donne-moi à boire", c'est toi qui aurais demandé et il t'aurait donné de l'eau vive."La femme lui dit: "Seigneur, tu n'as même pas un seau et le puits est profond; d'où la tiens-tu donc cette eau vive?

          Noire d'Ecume
Noire d'écume

Voyager est sûrement ce qui me motive le plus. Lorsque j'ai choisi de faire ce métier, je n'y avais pas spécialement songé, ou alors, ce n'était pas l'élément fondamental de mon choix. Et pourtant, c'est ce qui m'apporte le maximum de joies. J'adore voyager. Me rendre au pied levé dans telle ou telle ville, dans ce pays ou un autre, est pour moi le plus grand des plaisirs. Ce n'était pas a priori évident. Il faut apprendre à voyager, comme il faut acquérir l'envie de voyager. Tout ce que l'on va rencontrer sera un étonnement. Je ne dis pas un enchantement, puisque sur notre terre, il se trouve malheureusement quantité d'endroits d’où l'on a plus envie de fuir plutôt que de séjourner. Quand j'ai su que je devais me rendre à Cadix (Cadiz en espagnol), j'ai ressenti ce petit pincement au cœur, signe de plaisir intense. Ce n'était pourtant pas la première fois. Je m'y étais déjà rendue, en coup de vent, une seule journée, et je m'étais juré d'y revenir. Cette fois, j'étais décidée à rester le temps qu'il faudrait pour la visiter, et pour en ressentir l’ambiance et le passé.

              Soledad
Roissy

Elle est moche cette voiture, avec cette inscription comme un tatouage ridicule à l’arrière « Taxis Lefèbvre » « Longues distances » « Roissy-Compiègne » C’était une Espace Renault, ce gros machin carré qui, à peine parti était déjà arrêté deux cents mètres plus loin au premier feu rouge. C’était comme une hésitation, cette voiture arrêtée. C’était la dernière chance, soit d’en descendre, soit de courir pour la rattraper. Mais Jane ne bougea pas, et personne n’en descendit. Les yeux pleins de larmes, elle ne distinguait plus nettement le véhicule. Elle le vit repartir, tourner au coin de la rue et disparaître. Axelle lui serrait la main comme pour dire, « ne pleure pas je suis là ». Ce n’était pas la première fois que sa « tata » partait en voyage. Mais Jane bien sûr ne lui avait pas dit que ce départ était le dernier, et qu’il n’y aurait pas de retour. Ainsi va la vie des gens qui assument leurs choix, la vie est unique, il n’est pas toujours écrit qu’une rencontre change forcément la vie, la vie se vit en suivant le chemin décidé. La vie ne change pas toujours de vie.

              Manon
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Quand la boîte aux lettres fut ouverte, les trois quarts de son contenu se répandirent sur le sol. Manon se baissa, difficilement, car les talons et la jupe serrée ne sont pas spécialement faits pour cet exercice. Elle ramassa un à un tous les journaux de pub de télé, toutes les propositions des mages de la région, toutes ces enveloppes pleines de factures, et d’autres feuillets divers. Au beau milieu de ce fatras, un document attira son attention. Elle le plaça sur le haut de la pile que sa main contenait avec difficulté. Puis elle referma la boîte, se dirigea vers l’ascenseur, après avoir pianoté le digicode. Elle retrouva avec délice l’appartement illuminé de soleil, avec son parquet brillant, ses jolis rideaux de voile de lin, ses fleurs et ses tableaux, sa bonne odeur de parfums et de cire, cette odeur si caractéristique des alcôves féminines. Manon posa le tout sur la table du salon, et partit dans la salle de bain au cas où quelque réparation serait nécessaire. Il fallait qu’elle se change pour aller faire quelques courses au Champion tout proche. Ceci étant fait, elle jeta un coup d’œil sur le document qu’elle avait ramassé.

            Fait Divers
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A 300km /heure, le Thalys filait vers Bruxelles en longeant l’autoroute du Nord. Dans le compartiment de première classe, confortablement installé, bercé par le ronronnement régulier du TGV, Albert se laissait aller à sommeiller. Il adorait ce train, où le confort était parfait, le seul endroit où il savait pouvoir réellement se reposer. Il faut dire que sa vie était quelque peu agitée, et le stress prenait souvent le relais de la volonté et de la détermination. Il était installé sur le fauteuil à coté de la vitre qui donnait coté autoroute. Il savait que les voitures qu’il voyait, roulaient au moins à 150km/h. Pourtant, il avait l’impression qu’elles allaient au ralenti. Il remarqua une BMW qui sur la file de gauche doublait toutes les voitures avec une aisance étonnante. Malgré tout il la perdit de vue très rapidement. Sur les fauteuils de l’autre coté de l’allée, il y avait deux jeunes femmes, qui se regardaient en se parlant à voix basse, quelques fois un sourire illuminait les visages.

 

Les Dryades

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J'ai déjà par mes nouvelles, abordé beaucoup de sujets. Peut être font-ils partie de "tout le reste". Je ne suis pas une fervente admiratrice de Simone de Beauvoir, (sauf quand le rôle est tenu par la divine Anna Mouglalis) et je ne me reconnais pas dans les féministes de tous bords. Pourtant, s'il y a un trait de ma personnalité qui surclasse tous les autres, c'est bien mon amour de la femme. Je suis lesbienne donc, puisque c'est l'étiquette que l'on colle aux tribades modernes, mais là encore, ce n'est pas vraiment ça, puisque je suis mariée, et j'ai une fille d'un premier mariage. Je tiens à vivre ma vie comme tout le monde, le plus simplement possible. J'allais dire le plus "normalement" possible, mais je sais que cela aurait fait bondir certaines âmes guerrières. Rassurez-vous, je ne vise personne. Une vie de famille, c'est ce que j'ai toujours souhaité, en faisant la part de ma vie et de mon autre vie. Mon alter ego est une entité qui existe, qui influe bien évidemment sur mon autre vie. J'espère simplement que personne autour de moi, n'en souffre. Si quelqu'un ignore ma bisexualité, c'est que ça ne l'intéresse pas, car je ne dissimule rien, je vis comme ça vient. Je vis au grand jour, et j'aime au grand jour. Je n'ai aucune arrière-pensée, aucune envie de dissimulation. "Je roule plein phares". Ma devise pourrait être le titre de ce blog, "O me quieres O me dejas. Ce qui veut dire en clair, "Ou tu m'aimes ou tu me laisses". C'est d'autant plus facile à comprendre que je vis en Espagne, banlieue de Madrid près de l'aéroport. Je suis en Espagne depuis 6 ans bientôt. Je m'y suis installée pour raison professionnelle, quand l'envie m'est venue de faire "autre chose, autrement". Ce n'est pas pour raconter ma vie, mais plutôt pour raconter mon histoire, ce qui bien sûr, est différent. Je ne suis pas une pro des blogs. Il y a encore quelques mois, j'ignorais tout de cette façon de s'exprimer. J'avais vu bien sûr les merveilles réalisées par ma belle amie Ana, et sans ce stupide accident qui m'a clouée durant quelques semaines, je ne me serais jamais lancée dans cet exercice. 

 

Chapitre 1

Les Demoiselles de St Ladre

 

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Samedi 15 décembre 2007 La petite route était noire et luisante au milieu de toute cette neige grisâtre. À peine dégagé, le ruban d’asphalte était étroit, et les voitures se croisaient avec difficultés. Il avait neigé fortement depuis le début de ce mois de décembre. Déjà, mi-novembre, quelques flocons avaient blanchi la campagne. Et depuis, une neige très fine, humide et pénétrante, n’arrêtait pas de tomber, virevoltante au moindre souffle de vent. Ce n’était pas suffisant pour recouvrir la route abondamment salée, mais assez pour effacer en une journée toutes les traces de la veille. La circulation n’était pas très intense, il semblait que l’activité, comme la nature, s’était endormie. Il faisait froid et humide, d’autres précipitations importantes, peut-être neigeuses, étaient attendues. Le ciel était gris bien sûr, et la nuit ne tarderait pas à accabler le paysage d’un sombre avenir. Les arbres des taillis tendaient désespérément leurs squelettes vers de gros nuages terrifiants. Depuis les quinze jours que la neige était omniprésente, la plupart des branches de ces arbres nus avaient perdu leur chargement de poudre blanche. Et pour d’autres, il suffisait d’un souffle de vent pour qu’elles se dévêtissent, dans un chuintement à peine perceptible. La petite route reliait la départementale à la petite ville de Cagny. C’était un raccourci bien pratique qui permettait de rejoindre le parking de la gare de Longueau. À quelques centaines de mètres de la station, la route était surplombée par cet immense viaduc qui enjambait la vallée marécageuse. Ce que l’on appelait la rocade, mais en réalité c’était l’autoroute qui contournait la ville par le sud en surplombant la vallée. Le flot des véhicules épargnait ainsi le centre-ville qui, à grands frais, avait été tristement abandonné aux piétons. Parallèlement à la route, sur un remblai de quelques mètres, la ligne de chemin de fer émergeait tout juste, elle aussi, de la couche de neige. On ne distinguait que les rails, les traverses n’étaient plus visibles qu’à de rares endroits. Comme la petite route, les voies s’engouffraient sous le viaduc dans la direction de Paris. De l’autre côté des voies, la falaise de craie du plateau picard ajoutait sa grisaille au décor ambiant. En face, dans la vallée, le marais. Cette immense étendue d’étangs constitue le lit de la rivière qui coule sa tranquillité dans la réserve Saint-Ladre, avant de se mêler à la Somme à Camon, entre Longueau et Amiens. 

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Le  Testament de Benjamin  Briggs.



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Montréal 1870. Le Square Victoria.

  Square Victoria

 

Montréal Jeudi 19 mai 1870.

 

Les arbres du Square Victoria commençaient à dérouler leurs feuilles. Florane-Marie D'Auteuil avançait à pas légers le long de la bordure du trottoir de la rue du Square Victoria. Malgré le soleil qui avait embelli la journée, l'air était encore frais. Elle tenait bien fermé contre sa gorge le col de fourrure de son manteau d'hiver. Florane était la fille d'un diplomate  français décédé au cours de l'hiver dernier. Après un séjour de trois ans en Bavière. Elle vivait à Montréal depuis deux ans..  Elle s'y plaisait mieux, et il y faisait moins froid qu'à Québec. Elle trouvait aussi la ville plus moderne et plus vivante. Elle ne venait pas souvent dans le parc, elle était généralement occupée dans l'institut où elle travaillait le plus souvent. Florane  était multilingue, Français, Anglais, Allemand et Espagnol, et à ce titre, elle ne manquait pas de sollicitations. Originaire de Lille, en France, c'était une jeune femme célibataire de 28 ans. Elle avait appris toutes ces langues en suivant la carrière itinérante de son père. Elle avait pour elle tous les atouts: Très jolie, blonde, les yeux verts, et gratifiée d'un physique irréprochable. Chose rare pour une femme, elle était une sportive convaincue. Elle participait à toutes les compétitions de natation organisées à Montréal. Ainsi elle remporta avec brio la traversée de l'île des Sœurs. Une course traditionnelle, pas trop longue, mais dans un courant violent et une eau glaciale. MaryCeleste 176
Ses amies disaient d'elle, qu'elle était un garçon manqué. Ce n'était peut être que plaisanteries. Elle se levait souvent à l'aube pour faire une « course à pieds » de plusieurs kilomètres. Elle pratiquait l'escrime et la boxe française, la lutte, le tir au pistolet et le tir à l'arc. Rien ne lui faisait peur, Elle vivait une vie active, elle ne s'ennuyait jamais. Ses nombreuses activités sportives, étaient sûrement la source de bienfaits qui lui donnaient cette silhouette élancée qui forçait tant l'admiration. L'hiver venu, elle participait à de longues randonnées en raquettes. Ils eurent même un triste jour à se défendre contre un ours de haute taille. Florane tirait au fusil comme un homme, et l'ours n'eut aucune chance de survivre. Malgré toutes ses qualités, Florane vivait seule, mais dans la haute société. Tous les hommes qui eurent la mauvaise idée de déclarer leur flamme, reçurent une fin de non recevoir. Polie, mais sans plus. De cet état de chose, ces messieurs en conclurent qu'elle n'aimait que les femmes, ce qui était très péjoratif voire insultant, et le mépris masculin s'installa.

Florane n'avait que faire de ce mépris, c'est vrai qu'elle recherchait particulièrement la compagnie des femmes les plus « chic » de la ville. Pourtant, elle se plaisait à dire qu'elle épouserait sans hésiter l'homme qui saurait la séduire.

C'est au cours de sa dernière balade dans le parc, qu'elle avait remarqué une femme assise sur un banc, qui ne semblait ni s'ennuyer, ni souffrir du froid. Florane était passée devant elle, à cinq coudées pas plus. Elle avait croisé son regard qui n'avait pas cillé. Un regard très sombre mais pétillant, à la manière des filles de Castille. Florane avait continué son chemin, mais elle avait senti dans son dos, que le regard de l'inconnue l'avait accompagnée jusqu'au bout de la rue. Depuis, elle y pensait sans cesse. Et la persistance de ce souvenir déclencha la promenade de ce Jeudi. Florane avait  soigné particulièrement sa toilette, et le chic de son manteau, de sa coiffure et de ses bottines se remarquait de loin.
Arrivant du même côté, à la même heure, Elle aperçut de loin la silhouette assise de la femme qui l'avait tant intriguée. Elle continua son chemin, et l'inconnue la regardait venir. Florane dévia un peu de sa route, et marcha vers la femme qui semblait l'attendre. Un sourire se dessinait sur ses lèvres au fur et à mesure que l'espace entre elles, diminuait. Quand elles furent au plus près, la femme se leva et parla la première :
« Faites moi la grâce de vous asseoir, un peu de compagnie m'apporterait le plus grand bien.
‑ Mille mercis de votre bonté, J'étais justement quelque peu fatiguée. »
Un rire franc répondit à cette affirmation.
« Fatiguée? Je n'en crois rien, je vous observe très souvent, et même passer en courant le matin de bonne heure, et je ne vous ai jamais vue fatiguée !
‑ Vous avez raison. Seul le plaisir d'être près de vous m'autorise ainsi à vous imposer compagnie. Mais vous disiez m'observer souvent ?
‑ Oui, le plus souvent de ma fenêtre. » Et elle fit un geste vers les étages de l'immeuble juste derrière elle.
« Mais en restant à ma fenêtre, je n'avais aucune chance de vous rencontrer. 
Sans doute !
‑ Alors j'ai pris la liberté de vous attendre en bas.
‑ Et vous avez bien fait. C'était peut être pour cette raison qu'inconsciemment je choisissais cette promenade.
‑ Je n'en serais pas étonnée. Je m'appelle Sarah Elysabeth  Briggs.
‑ Et moi, Florane..... Florane-Marie d'Auteuil
‑ Vous êtes Française !
‑ Ca se voit tant que ça ?
‑ Il n'y a que les françaises pour montrer autant d'élégance !
‑ Vous voulez me flattez chère Madame. Mais je pense plutôt que vous vous gaussez de mon accent.
‑ Point du tout, votre accent est charmant, il ajoute l'exotisme à votre charme. Je suis Américaine, et mon accent n'est pas particulièrement chaleureux.
‑ Je vous sais gré de tous ces compliments. Je souhaite de mon côté ne pas trop vous décevoir !
‑ Sarah, appelez moi Sarah, Et je vous appellerai Florane. De cette façon, en moins de cinq minutes, nous sommes déjà de grandes amies.
‑ Vous m'en voyez très heureuse, mais je ne voudrais pas abuser de votre temps !
‑ De mon temps ? Mais j'ai tout mon temps. Et je vous l'offre de bon cœur ! Je profite de mes enfants, J'ai un bébé d'un an, Sophia Matilda, et un grand garçon de six ans Arthur,  et le reste de mon temps vous appartient !
‑ Je vous rends grâce, mais pour avoir ces enfants, il vous faut aussi un mari ? Ne va-t-il pas prendre ombrage de cette amitié ?
‑ Bien sûr ! J'ai un mari : Benjamin. Lui aussi de nationalité Américaine ! Mais il est officier de marine, alors, j'ai dû le rencontrer  quatre fois en tout. Une fois pour les fiançailles, une fois pour le mariage, une fois pour le garçon, et la dernière pour la fille. Rassurez vous, j'ai du personnel pour s'occuper de mes enfants, ainsi je peux languir de vous voir passer.
‑ Vous exagérez, je ne passe pas si souvent.
‑ Je le sais, et c'est bien pour cela que cette fois, l'audace  m'a prise de vous interpeller.
‑ Je serais venue vers vous, de toute façon ! Si tel était notre destin.
‑ J'en suis des plus heureuses. Mais ne restons pas  à jaser ici dans ce vent glacial. Accompagnez-moi pour le thé.
Si vous en avez convenance évidemment. . 

‑Je vous suis Sarah. »
L'hôtel particulier où l'entraîna Sarah, était luxueux. Florane était très impressionnée. Pour la mettre à l'aise, Sarah déclara :
Ne vous laissez pas impressionner. Tout cela c'est du toc ! Enfin je veux dire que cela n'a pas de valeur à mes yeux.
‑ Ca a l'avantage d'être confortable !
‑ C'est juste. Mais il y a, parait-il, des cabanes de trappeur qui sont aussi confortables !
‑ Pourquoi me dites vous cela. Comment dois-je le prendre ?
‑ Avec humour et le sourire, je vous connais bien, et je suis admirative de vos exploits. Moi je ne fais que rêver à autant d'aventures. »

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Devant l'air étonné de Florane, Sarah la prit par la  main et l'entraîna vers le sofa le plus proche.

« Voilà. L'un de nos amis est follement amoureux de vous. Aussi m'a t‑ il raconté sa douleur d'être éconduit quand il s'est déclaré. Il m'a parlé beaucoup de vous, de vos exploits sportifs, et de vos randonnées dans la neige, auxquelles il aurait participé, dit il, en votre compagnie....

‑ Oui, il est vrai. J'aime beaucoup l'exercice et la nature, mais je déteste les soupirants. Je vois à qui vous faites allusion. Le fait qu'il se soit déclaré prouve, excusez moi le qualificatif, qu'il est inconscient. Je n'ai jamais laissé à quiconque l'espoir de croire que l'on pouvait m'épouser.  Mais y a t il un rapprochement avec le fait que nous soyons ici ?
‑ Pas du tout, je fus simplement étonnée par la coïncidence que je « connaissais de vue », la femme dont il me parlait, tant la description qu'il m'a faite de vous, était précise. Si cela vous a chagriné, j'en suis confuse.
‑ Ne le soyez pas. Je passe beaucoup de mon temps à être désagréable avec ce genre de prétendant. Si je voulais un mari, je n'attendrais pas l'éventualité d'une déclaration !
‑ J'en suis ravie. J'ai donc droit à un régime de faveur ?
‑ Sans aucun doute ! »
En disant ces mots, Sarah avait quitté son manteau, retiré le pourpoint qui protégeait sa gorge du froid, et apparût dans une robe de satin bleu marine, serrée à la taille et  largement décolletée. Elle était des plus élégantes. Dans l'échancrure de celle-ci, les formes généreuses de Sarah jaillissaient dans la lumière des lustres de cristal.
« Vous êtes divinement belle Sarah. Je crains que vous soyez déçue de me voir.
Sarah ne fut pas déçue. Florane n'avait pas les appas de Sarah, mais la ligne de son corps était parfaite de proportions.  En voyant l'éclair dans les prunelles de Sarah, Florane fut rassurée. Sarah lui plaisait. Elle avait besoin depuis longtemps d'une relation comme celle-ci, où chaque seconde lui apporterait une source d'émerveillement intarissable. Elles étaient de la même taille, l'une brune l'autre blonde, presque du même âge, le visage éclairé du même sourire heureux.
Les deux femmes échangèrent quantité de confidences, quelques fois des plus secrètes. Le « courant » passait bien entre elles, visiblement la rencontre était une réussite. Aussi ne virent elles pas le temps s'écouler. Ce n'est que lorsque la servante Amiya demanda la permission de fermer les volets que Florane se rendit compte qu'il faisait déjà nuit.
« Mon dieu, je n'ai pas vu le temps passer, je dois vous laisser.
‑ Je vous présente Amiya. Cette jeune femme à la sublime beauté est originaire des indes, elle est à mon service depuis quelques temps. J'en pense le plus grand bien. A moins que vous ne soyez attendue, vous ne pouvez pas repartir de nuit et par ce froid, vous allez rester et vous repartirez demain quand il vous plaira le soleil dans les yeux !
‑ Je vous rends grâce mais je ne peux, mes gens vont s'inquiéter.
‑ J'envoie un messager pour qu'ils soient prévenus. Voilà, détendez vous.
‑ J'accepte donc avec grand plaisir si vous m'assurez de ne pas vous sentir obligée.
‑ Venez choisir votre chambre, Amiya la préparera pendant que nous souperons. »
L'escalier était monumental, et les murs habillés de portraits de gens sûrement illustres. Florane fut quand même très impressionnée par le « toc » de cette demeure.
« Je vous fait voir ma chambre, et ensuite vous choisirez la vôtre. »
La chambre était de dimension modeste, mais décorée avec talent, de façon sublime. Seule une femme  de goût pouvait arriver à un tel résultat. Ce qui frappa Florane, dès son entrée fut le parfum qui régnait dans la pièce. Elle se tourna vers Sarah. Celle-ci la regardait intensément, guettant un sourire, un compliment. Visiblement, elle souhaitait par la visite de cet endroit le plus secret, offrir un peu de son intimité. Florane lui rendit son regard qui pénétra jusqu'au fond des attentes de Sarah.
« Que dire ? Je n'ai jamais rien vu de pareil ! Je ne pourrai plus vous imaginer dans une cabane de trappeur ! »
Elles éclatèrent de rire.
« Détrompez vous, ma très chère, je suis une aventurière,  je pourrais vous étonner !
‑ Pari tenu ! Sarah, cette pièce est la plus belle dont une femme puisse rêver. Je vous adresse tous mes compliments.
‑Je vous montre la vôtre...Et puis Amiya « passera le moine ».
L'autre pièce était plus grande, excellemment décorée, mais il n'y régnait pas cette aura féminine qui étonnait dans la chambre de Sarah.
« Votre chambre vous plait elle ?
‑ Elle est très jolie ........
‑ Mais ? »
Florane se rapprocha de Sarah, se plaça face à elle et plongea ses yeux de jade dans le regard sombre et pétillant de son hôtesse. Elle lui prit la main, la porta à ses lèvres, et dans un souffle lui dit :
« Je préfèrerais partager ton lit Sarah..... »
Le visage de Sarah s'éclaira comme si le soleil était entré en elle. Elle passa les bras autour du cou de Florane, et l'embrassa avec passion.
« Tu ne pouvais pas me donner plus de joie Florane. »
Et elle reprit les lèvres de Florane, comme si c'était l'aboutissement de toute une vie d'attente.
A Amiya qui entrait à ce moment, elle déclara.
« Ce n'est pas utile de préparer la chambre bleue, mon amie passera la nuit dans ma chambre.
‑ Bien Madame, Je vais ouvrir le lit et passer le moine.
‑ Faites Amiya, mais en premier, sortez notre meilleur whisky et  préparez nous une collation légère.
‑ Tout de suite Madame. aryCeleste 142 Amiya ne sembla pas étonnée des ordres de sa maîtresse. Devinant cette interrogation, Sarah prit le devant et confirma :
« Ne croyez pas que c'est une habitude chez moi de  partager mon lit avec des femmes. Je n'affirmerais pas que cela n'arrivât jamais , mais ce n'est pas une habitude. Aussi bien, Amiya et mon mari ne sont pas sans connaître mes préférences. Je ne cache rien, je marche la tête haute, et ne fais aucun complexe. D'ailleurs Amiya doit nous comprendre, car je la crois habitée des mêmes sentiments. De plus elle est jolie et bien faite, je pense qu'elle doit être une belle amoureuse. Je dis cela en toute hypothèse, car les amours ancillaires ne sont pas de mes habitudes. Par contre, qu'elle satisfasse mon mari, ne me causerait aucun désagrément. En toute hypothèse évidemment ! »

Voilà, en quelques phrases, les caricatures étaient faites, et les personnages plantés. Sarah emmena sa jeune amie au salon, avec entrain et bonheur.
S'il y a bien une maison dans Montréal qui fut visitée par l'amour cette nuit là, c'était bien celle de Sarah Elysabeth. Ce qui se passa entre les deux amantes, ne peut être conté, tant les sentiments l'on emporté sur les gestes de l'amour. Les corps se sont aimés, les mains se sont caressées, et les lèvres ont bu aux sources de la volupté. Les seins ont pris l'empreinte des seins, et les serments d'amour éternel ont fleuri tout au long de la nuit.
Le lendemain matin, il faisait soleil quand elles se sont réveillées. Amiya n'a apporté le petit déjeuner que lorsqu'elle a entendu des pas dans la chambre.
Florane ne l'avait pas entendu entrer, elle n'eut pas le temps de recouvrir son corps nu, et la servante put contempler à loisir les charmes de l'invitée. Elle lui sourit, et emporta avec elle cette vision de rêve. Florane lui rendit son sourire. Cette jeune femme typée lui plaisait beaucoup.
Depuis ce jour, elles ne se sont plus quittées. Florane a déménagé, et s'est installée dans l'appartement voisin qu'elle acheta quelques semaines plus tard. Benjamin accepta qu'une porte soit percée entre les deux appartements. On ne peut pas dire qu'il était « complaisant ». Mais sachant qu'il était toujours absent, il acceptait que son épouse ait des relations avec une amie. Il voulait ignorer quel genre de relation, mais être rassuré sur la qualité de la personne. Et là, il voyait bien que Sarah en était transformée.
De plus, dans le milieu bourgeois de Montréal, ce genre de ménage à trois était courant, et les gens étaient trop concernés pour en parler, voire critiquer les gens qui se trouvaient dans cette situation. Malgré tout, l'homosexualité féminine était un sujet dont personne n'osait parler, puisque, très officiellement, ça ne pouvait exister. Ainsi, dans le cercle de cette famille visiblement heureuse, Le capitaine Briggs aurait été crédité d'une femme et de deux maîtresses, toutes trois d'une très grande beauté, ainsi pouvait il passer pour un homme heureux voire pour un mari et amant comblé.
Les deux femmes découvraient chaque jour de nouvelles raisons pour que fleurisse leur amour. Il était  tel que l'on pouvait voir leurs beautés s'épanouir de jour en jour. Rien ne permettait de savoir si Amiya participait à cette relation. Seul le fait de sa parfaite loyauté envers « ses maîtresses » pouvaient le laisser croire.
Florane était en admiration devant la beauté de Sarah : Elle lui écrivait quantité de mots d'amour qu'elle dissimulait partout, pour qu'à chaque instant de la journée, Sarah ne puisse l'oublier :
« Je rêve de tes seins à chaque instant. Ils sont ma lumière, ils sont mes soleils, mes astres de la nuit, sans eux, je ne pourrai plus vivre, je ne pourrais plus exister ......»
Le 20 mai 1871, Sarah fit la surprise à Florane de fêter l'anniversaire de leur rencontre. Ce fût la surprise pour elle de recevoir à cette occasion un superbe présent. C'était une croix chrétienne, à porter en pendentif, composée de plusieurs émeraudes,  incrustée de 4 diamants. A la base de la croix, on pouvait dévisser un petit bouchon, qui ouvrait un tube dans lequel on pouvait glisser un minuscule message enroulé. Sur le message que Sarah y avait placé, une ligne de texte :

 «  Je demande ton Amour, j'en ai besoin pour aller où je vais. Je t'aime »

C'est un bijou qui me vient de mon arrière grand-mère. Je te l'offre avec tout mon amour.
Les visites de Monsieur Briggs devinrent plus fréquentes, il consacrait beaucoup de temps en particulier avec Sarah. Devant le regard souvent interrogatif de Florane, Sarah répondait constamment : 
« Je t'expliquerai. »
La curiosité de Florane n'était que la crainte de voir leur relation en souffrir. Par ailleurs, elle comprenait très bien que des époux puissent se retrouver pour différentes raisons. Curieusement, quand Benjamin était enfermé avec Sarah, Amiya rejoignait Florane pour quelques conversations « discrètes » Il ne semble pourtant pas qu'il ait eu collusion entre les deux femmes. Mais les soirées que Benjamin passait avec son épouse et son amie étaient de véritables moments de bonheur. Benjamin adorait sa femme et admirait son amie.
Un jour enfin, Florane eut de Sarah l'explication tant souhaitée. Sarah commença son discours, en montrant par sa façon de parler, qu'elle n'était pas que la jolie courtisane que connaissait Florane, et qu'elle se tenait au courant des évènements qui régissaient la vie de son Capitaine de Mari. Il fallait bien qu'elle s'occupât de quelque chose pendant que Florane était à ses affaires.
Personne n'ignorait dans cette société Québécoise, que la guerre de 1870 entre la France, l'Espagne et la Prusse, venait de prendre fin, par la capitulation de Napoléon III à Sedan.
« Le 28 janvier dernier, l'armistice est signé. Guillaume Ier et Bismarck demandent l'annexion de l'Alsace et de la Moselle, ce qui permet à la Prusse de former l'empire allemand. Le 10 mai suivant, un peu avant que l'on se rencontre, le traité de Francfort met fin à la guerre avec l'Allemagne. La France devra  payer une indemnité de guerre de 5 milliards. Certains départements seront occupés jusqu' au paiement intégral  de la dette. Adolphe Thiers devient président de la République Française. C'était la IIIème république créée par Gambetta. Mais Bismarck ne fait pas confiance à la France, et la soupçonne de vouloir fonder une coalition des autres pays européens. La dette ralentira de réarmement de la France et le retour à une activité normale. Beaucoup d'Américains francophiles, de façon non officielle, se regroupent pour apporter une aide colossale à la France afin de régler la dette. Mon mari et moi-même, en faisons partie, et avons l'intention de nous impliquer dans cette lutte, pour une simple raison sentimentale : Nous avons une dette envers la France, c'est à Marseille que nous nous sommes connus. »
« Benjamin sera l'officier chargé d'apporter cette aide à la France. Pour cela, il devra prendre la mer sous peu, et il me propose de l'accompagner, ce qui est une pratique courante dans notre pays. Je lui ai répondu, que j'acceptais pour autant que tu viennes aussi, je ne conçois plus de vivre une seule journée sans toi. 
« Florane resta pétrifiée de stupeur. Non parce qu'elle avait la crainte de quoi que ce soit, mais simplement de voir à quel point le langage politique avait transformé son amie. Cela posait beaucoup de problèmes évidemment, tant professionnels que familiaux. Elle ne donna pas de réponse d'emblée, Elle décida de prendre un délai de réflexion. Un voyage de ce genre ayant une implication militaire, ne pouvait se décider à la légère.
Cela devint une discussion fréquente entre les deux amantes. Plus elles en parlaient, plus Florane était rétive à cette idée. Et Sarah de répéter : 
« Je ne partirai jamais sans toi, jamais, plus jamais. »
Mais en écoutant ce sermon de fidélité, Florane sentait bien que Sarah désirait ce voyage, peut être était ce là, matière à l'étonner. Sarah tenait absolument à faire savoir à son amie qu'elle était capable de vivre l'aventure tout comme elle. D'ailleurs, depuis qu'elles étaient ensemble, Sarah avait pris l'habitude d'accompagner Florane dans ses épreuves sportives. Il faut préciser qu'elle ne s'en sortait pas si mal, à part la traversée du bras du saint Laurent au milieu des phoques, elle prenait part à toutes les activités. Cela lui avait fait perdre quelques kilos, donc quelques rondeurs, que Florane regrettait. Sarah avait donc acquis la condition physique nécessaire à une telle aventure.
Florane se sentait de plus en plus tentée. Mais à chaque fois, adroitement, Sarah repoussait un peu plus loin les limites de risque d'une telle aventure.
Quand Florane accepta, c'est Sarah qui la retint.
« Ne  t'emballe pas, as-tu bien pesé tous les risques de ce départ ? Suppose que cela tourne mal, qu'il faille se battre, que l'on soit attaqués, fait prisonniers, par les Allemands, les sauvages, où je ne sais qui ? Suppose que pour une raison ou une autre, nous ne revenions jamais, soit par obligation, soit par un choix délibéré de notre part, suppose que nous devenions les esclaves d'un roi nègre?
-Et toi Sarah, es tu prête à affronter tous ces dangers, y compris les singes les araignées géantes et les alligators?
‑Si tu es à mes côtés et que le but de nos luttes soit la survie de notre amour, je suis prête à faire n'importe quelle folie, y compris d'aller sur la lune pourvu que nous y allions ensemble.
‑L'image me plait assez. Mais que feras tu de Sophia Mathilde ? D'Arthur ?
‑Arthur restera chez sa grand'mère à Marion, pour continuer l'école, et Sophia, je l'emmène.
‑Tu n'y penses pas, Sophia est encore un bébé, tu ne peux pas l'entraîner dans cette aventure !
‑Et pourquoi pas ? Je suis sa mère, c'est à moi de décider. Je ne tiens pas à ce qu'elle grandisse sans sa maman.
‑Oui, mais enfin, ici il y a Amiya pour s'en occuper, et dans de meilleures conditions.
‑ J'y ai pensé, mais Amiya viendra avec moi ! »
L'étonnement de Florane était à son comble. La stupeur sur son visage avait fait place à un sourire retrouvé. Elle était médusée par la volonté de Sarah, et commençait à penser que cette aventure vécue ensemble, pourrait les rendre inséparables.
«  Et Amiya, elle en pense quoi?
‑Amiya n'en pense rien, je l'emmène, je ne lui ai pas demandé son avis ni quoi que ce soit !
‑ Il vaudrait peut être mieux ?
‑ On verra.
« Je me sens obligée d'accepter. Je ne voudrais pas qu'Amiya me remplace entre tes bras !
‑ Merci Amiya s'exclama Sarah.
‑ Réfléchis encore ma douce amie, tu as tout le temps pour changer d'avis, avant de changer de vie. Je crois que l'on va vivre une aventure extraordinaire.
‑ Que tes vœux soient exhaussés. »
Florane se décida réellement. Elle prit le parti d'arranger ses affaires comme si elle devait ne jamais revenir. Ce serait plus simple à gérer.
Le temps passait, l'été s'en était allé, et le soleil était maintenant bas sur l'horizon. Il y avait déjà eu quelques chutes de neige, signe d'un hiver très précoce, donc très froid.
La maison sera occupée par la grand'mère d'Arthur, qui abandonnera La sienne de Marion.
Deux semaines avant le départ, Sarah convoqua Amiya en présence de Florane.
« Amiya, nous partons accompagner mon mari pour une mission qui pourra durer des mois, voire des années. Tu feras tes bagages en conséquence, tu nous accompagneras. »
Florane vit alors le visage d'Amiya  s'éclairer sur un sourire inhabituel.
« Et la petite, vous l'emmenez aussi?
‑ Evidemment, tu ne crois pas partir pour une promenade!
‑ Non, bien sûr madame, mais je suis très heureuse de votre confiance !
‑ N'oublie pas de prévenir ton fiancé !
‑ Ma femme plutôt! N'ayez crainte, cela n'est pas le plus grave si elle se languit de moi, elle trouvera bien à me remplacer. Et je la retrouverai à mon retour.»
Sarah et Florane se regardèrent, en riant, elles s'approchèrent d'Amiya, et s'enlacèrent toutes les trois.
Les femmes étaient prêtes maintenant, le départ était proche. Elles s'étaient constitué la plus parfaite garde-robe dont pouvaient rêver les aventurières de roman. 
Sarah fit ses dernières révélations à Florane:
« Nous partirons de New-York, à bord d'une goélette, la « Mary Sellars » 
Ce voilier n'est pas trop grand, nous y serons un peu à l'étroit. Il arrive de Halifax en Nouvelle Angleterre, où il a embarqué une partie du chargement. Benjamin est déjà à bord. 
Amiya et toi ne figurerez pas sur le livre des passagers, vous embarquerez à Portland où Benjamin fera escale. Vous voyagerez incognito, le navire ayant un sauf conduit militaire ne sera pas visité. Néanmoins, vous devrez éviter de vous manifester avant que nous soyons au large.
-Mais aucun problème ma chère Sarah, je suis ton esclave dévouée. Mary Sellars, « La Marie Céleste » en français.  N'est-ce pas plus joli ? C'est un joli nom » s'écria Florane, 
« Il va nous porter chance. »
Elle savait bien sûr que Sarah n'avait pas tout dit, et qu'elle le ferait une fois au large.
-C'est vrai mon cœur, tout ce qui est français est tellement plus joli. »
Le matin suivant un messager vint prévenir Sarah que la « Mary Céleste » avait quitté le port d'Halifax et serait  dans le port de New York d'ici trois ou quatre jours.
Les trois femmes mirent la dernière main à leurs malles, confièrent les clefs au concierge, et partirent pour New York. La route était facile en voiture hippomobile, En passant par Albany, et en traversant la réserve d'Adirondack. Elles se séparèrent à Albany, et continuèrent leur route séparément.
Quand Sarah arriva sur le port de New York, la Marie Céleste venait d'accoster.
Les formalités de douanes furent escamotées, grâce au sauf-conduit militaire du capitaine Briggs. Tout ce qui fut écrit sur le départ de la Mary Céleste, le fut sur
la dictée de Benjamin Briggs.

Les femmes se retrouvèrent à bord, et Sarah découvrit leurs quartiers. L'espace était minuscule, et pour les trois femmes et le bébé c'était on ne peut plus juste.
Le capitaine donna des ordres pour l'aménagement. Et un réduit contigu fut ajouté au logement. Il apprît aux femmes que leur destination était le port de Gênes en Italie, et que l'appareillage était prévu avec la marée du matin. Sarah semblait être au courant, Mais Florane, bien que connaissant l'Italie, fut un peu déçue, quant à « l'exotisme » de la mission. Mais peu importait en vérité, c'était un jeu auquel elles allaient participer avec plaisir.
Florane, du bastingage observait le chargement du bateau. On lui dit que mille sept cents dix barils d'alcool dénaturé seraient embarqués. Mais il n'en arrivera au mieux que mille sept cent cinq, car les « dockers » laissèrent chuter un groupe de cinq barils qui se brisèrent sur le canot de bâbord. Celui-ci fut ensuite descendu, et, faute de temps ne fut ni réparé, ni remplacé. Dans la soute inférieure, il y avait selon le Capitaine Briggs, une dizaine de futs marqués aux armes de la « Standard-oil » de M. Rockefeller, récemment créée. Ces futs contenaient une huile pétrolifère rare. Cette cargaison « secrète » n'apparût sur aucun document officiel. Ces barils étaient fixés au fond de la coque, peints en noir, et recouverts d'une quantité suffisante d'eau noire. De l'extérieur, on ne pouvait rien voir de ce qui était dissimulé dans cette eau. La Mary Sellars, avait changé de nom quand elle avait changé de propriétaire. Auparavant son nom était «L'Amazone » Ce qui n'aurait pas déplu aux passagères. Ce navire avait rencontré beaucoup de mésaventures, peut être par ce qu'il fut mal gouverné. Qu'il y ait de l'eau à fond de cale, n'aurait étonné personne. De plus, la pompe de vidange était hors d'usage.
Le soir venu, au cours du repas, Florane s'étonna auprès du Capitaine, que l'on transportât   à grand frais et sur une longue distance, de l'alcool dénaturé, un produit basique qui pouvait être fabriqué n'importe où, pour n'importe quel prix. Le capitaine Briggs avait beaucoup de considération pour Florane. Il la trouvait évidemment très jolie, très intelligente, et il lui était reconnaissant d'avoir apporté le bonheur à Sarah.
« Vous avez totalement raison Florane, je reconnais bien là votre perspicacité. En fait vous l'avez compris, notre mission est toute autre, et plus délicate, mais vous en saurez plus bientôt ».
Par souci de discrétion, les fenêtres du quartier des femmes avaient été obturées par des planches. Au cours des jours suivants, ces planches seront remplacées par des persiennes que fabriquera le menuisier du bord.
Il y aurait à bord 7 marins expérimentés. Il faut dire qu'une Goélette de cent pieds, ce n'est pas si grand. Mais elle attirera sûrement moins l'attention qu'un cargo mû par la vapeur, comme c'est la mode maintenant. Florane se demandait toujours comment on avait pu mettre mille sept cents cinq barils, plus une cargaison secrète, plus de l'eau plus onze personnes et leurs bagage, plus des provisions pour six mois, plus un bébé de deux ans, dans un aussi petit bateau. A cette question, le capitaine répondit de façon laconique.
« Vous avez à faire à des militaires. S'il est écrit qu'il y a mille sept cents cinq barils, c'est vrai pour tout le monde. Et si quelqu'un les compte et qu'il n'en trouve que la moitié, c'est lui qui sera accusé d'être un voleur. »
Evidemment, vu comme ça, tout était parfait.

 

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Par eve anne
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