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  • : Le blog d'eve anne, Madrid.
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Heure d'Hiver

   

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   L'Hiver

 

 

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Vulnerant omnes
Ultima Necat

 

 

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Je suis comme je suis,
Je plais à qui je plais.

ego sum ego sum
sicut qui similis

 

 

 

 

Bonne Année



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Extraits

 

Rencontre en Forêt
carrefour11

J’ai fait une sortie hier soir en fin d’après midi, et je ne sais pas pourquoi, j’ai pris mon VTT au lieu du vélo. Dans les chemins de la forêt j’ai été doublée plusieurs fois par le même gros 4-4. J’ai eu l’impression que le mec voulait attirer mon attention. J’ai remarqué, au moment où il me doublait qu’il ne portait rien, il était torse nu. Nos regards se sont croisés, Puis il est parti loin devant. Il faisait doux, pas de vent, la forêt sentait bon. . . . . . . . . Un peu après, au coude du chemin, j’ai vu le 4-4 arrêté, dans un endroit où le chemin se rétrécissait, il n’y avait plus de place pour passer à droite, le taillis touchait la voiture, et un tout petit passage à gauche. 

La devise du Quebec
Hôtel du Parlement - Copie

Québec hiver 1876, en fin de matinée le soleil donnait à la ville gelée, les mille feux du diamant. Le froid était vif et les passants emmitouflés étaient peu nombreux. Pourtant, sur le trottoir ensoleillé, un homme ne semblait pas ressentir de gêne à déambuler tête nue, normalement vêtu, ou plutôt anormalement vêtu dans l’air glacé. Il n’avait pas de gants, et son regard bleu était perdu dans le rêve où il flottait. Il tenait à la main un petit rouleau de papier, et ce feuillet enroulé faisait de lui l’homme le plus heureux de la terre. Il suffisait de le regarder pour remarquer le sourire qui illuminait son visage d’homme intelligent et déterminé. Il venait d’avoir quarante ans, son allure était alerte, et son élégance impeccable attirait le regard.

Le testament de Benjamin  Briggs
Le testament de Benjamin Briggs

Les arbres du square Victoria commençaient à dérouler leurs feuilles. Florane-Marie D’Auteuil avançait à pas légers le long de la bordure du trottoir de la rue du Square Victoria. Malgré le soleil qui avait embelli la journée, l’air était encore frais. Elle tenait bien fermé contre sa gorge le col de fourrure de son manteau d’hiver. Florane était la fille d’un diplomate français décédé au cours de l’hiver dernier. Après un séjour de trois ans en Bavière. Elle vivait à Montréal depuis deux ans. Elle s’y plaisait mieux, et il y faisait moins froid qu’à Québec. Elle trouvait aussi la ville plus moderne et plus vivante. Elle ne venait pas souvent dans le parc, elle était généralement occupée dans l’institut où elle travaillait le plus souvent.

 Autoroute du Nord
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Autoroute du Nord, nuit de samedi à dimanche, 2 heures du matin, la chaussée est luisante, la pluie n’arrête pas de tomber, depuis des jours et des jours. Échangeur de Bapaume, les lumières de la cité toute proche se mêlent aux lumières bleues des gyrophares des ambulances et des voitures de gendarmerie. Les clignotants jaunes du Samu, et de puissants projecteurs éclairent une zone d’activité intense. De la fumée, des cris, des ordres jetés, des silhouettes fluorescentes s’agitent dans toutes les directions. Une très forte odeur d’essence s’est répandue, tout se déroule au milieu du bruit infernal des groupes électrogènes et des compresseurs. De l’autre coté du muret central les bolides ralentissent à peine sous l’œil préoccupé des gendarmes trempés.

            La Massane
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Les premières gouttes de l’averse s’écrasaient bruyamment sur les dalles de pierre. Lucile venait de refermer la porte du garage de l’hôtel, il était temps, à peine avait-elle reçu quelques gouttes. Elle adossa son vélo contre le mur et plaça avec soin l’antivol d’acier. Elle remonta directement à sa chambre par l’escalier de service. Il faut dire que l’équipement cycliste bariolé de réclames et de couleurs vives n’est pas tellement seyant pour les femmes habituées naturellement aux arcanes de l’élégance. Elle ouvrit tout de suite la fenêtre, et contempla avec ravissement l’orage au plus fort de sa fureur. Le tonnerre était d’une violence inouïe, et l’écho renvoyé par la montagne toute proche amplifiait les grondements incessants. 

Les Travers de Ms Philipson
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Le trajet entre Paris et Londres en Eurostar n’allait pas être suffisamment long pour calmer l’excitation de Magali. Elle regarda sa montre; dans 5 minutes ce sera le tunnel, et moins d’une heure pour arriver gare de Waterloo. Quinze jours auparavant, Magali avait quitté le lycée un peu plus tôt, pour absence de son professeur d’Anglais. C’est ce qui explique qu’elle ait elle-même ramassé le courrier dans l’entrée de l’immeuble cossu, rue de Turbigo, tout près de la place de la République. Au milieu d’un amoncellement de publicités, journaux, lettres etc, l’une d’entre elles lui était personnellement adressée. C’était une enveloppe anonyme, sans flamme ni cachet, ni marques reconnaissables. Elle attendit d’être à l’intérieur de l’appartement qui surplombait magnifiquement la capitale, pour ouvrir le pli qui, a priori, ne lui disait rien de bon. Elle monta directement dans sa chambre, d’où l’on découvrait toute la partie nord de Paris, jusqu’à la butte Montmartre, à demi visible dans la brume de printemps en cette fin d’après midi.

         La brosse à Dents
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Ce n’était pourtant pas un jour exceptionnel. Un samedi comme un autre, sauf que c’était l’été, que la chaleur était déjà accablante, et que je me sentais légère, en pleine forme et heureuse. Pourquoi ? Je ne saurais le dire, j’étais bien c’est tout. Madrid était une fournaise, mais cela faisait maintenant pas mal de temps que je m’y étais installée, et franchement, je ne regrettais rien. Ma fille était avec moi, et le samedi matin nous avions pris l’habitude de faire nos courses pour la semaine. Il était encore tôt, mais nous n’étions pas pressées, bien qu’étant attendues pour déjeuner à la finca où nous avions nos amis. Nos amis et nos habitudes, c’est là que nous avons logé avant de trouver cette petite villa du nord de Madrid, avec sa petite piscine et ses pins parasols. Cette villa, nous l’avons louée toute meublée. C'est-à-dire avec le minimum, ce qui lui donnait un genre particulièrement spartiate avec ses murs blancs et ses meubles foncés. On s’y était attachées, et pour nous, c’était le paradis. Nous n’avions plus que quelques achats de peu d’importance, mais je devais passer absolument à la pharmacie pour acheter de l’huile solaire.

 Résistance et Trahison
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Le 19 mai 1940 restera à jamais le jour le plus sombre de l’histoire d’Amiens. Tandis que le général de Gaulle, à la tête d’une division blindée, contient l’avancée des troupes allemandes dans le Vimeu et la région d’Abbeville, l’armée nazie bombarde la ville préfecture de la Somme. Tout le centre-ville et les gares de chemin de fer sont rasés. L’ancien secrétaire général de la Somme, Jean Moulin, apprend la nouvelle de la destruction de la ville, et revoit dans ses récents souvenirs la belle cité telle qu’il l’a connue, la préfecture d’Amiens et son propre bureau où il a travaillé au service de l’État. Il n’accepte pas que tout cela soit souillé par la présence ennemie. Amiens s’enfonce dans quatre années de souffrance et de terreur. La communauté amiénoise se divise. Certains acceptent la fatalité. D’autres la refusent et résistent. Et d’autres encore se mettent du côté des plus forts. Jean-Marc Laurent n’a que 16 ans en 1942 lorsqu’il entre dans le réseau “Centurie”. Simple cheminot, il intègre les FTP, unités combattantes clandestines. Il participe à de nombreuses opérations contre l’armée allemande.

  La Chapelle St Domice
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Depuis que Karen avait disparu, Adrianne vivait l'enfer. Elles étaient amies de longue date. Ce qui semblait être pour les autres une camaraderie d'adolescentes était en réalité un grand amour partagé. Karen et Adrianne poursuivaient avec brio leurs études de médecine. L'une serait Sage femme, et l'autre voulait être gynéco. Elles n'en étaient pas encore là, elles avaient encore quelques années à travailler comme des esclaves pour espérer arriver à quelque chose. Karen et Adrianne étaient des filles sans histoire. Discrètes, inséparables, Elles étaient admises et aimées par les étudiants de leur université. Elles étaient lesbiennes disaient quelques-uns, elles étaient amoureuses disaient les autres. Certains, les plus proches, disaient qu'elles s'aimaient passionnément. Toutes deux très jolies, leur sourire n'avait d'égal que le pétillement de leurs prunelles. Elles étaient gaies (joyeuses) elles aimaient la vie, elles aimaient le monde, les fleurs les animaux, elles étaient surtout le reflet du bonheur total. Mais tout cela, c'était avant. Avant ce terrible accident qui emporta en quelques secondes la vie de Karen. . .

              Aneseau
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Tout à côté du lieu dit « La Pierre aux Fées » à quelques pas du vieux château, à la lisière du grand bois qui bordait jadis le village de Folleville, elle vivait dans une pauvre chaumière. « La Vieille Dame » ! C’est ainsi qu’on l’appelait aux alentours, vivait en recluse, et ne sortait que le soir venu. On la craignait. On l’évitait .Elle possédait, dit-on, des pouvoirs démoniaques : « Elle jette des sorts, elle mène les loups les nuits de pleine lune …» C’est ce que l’on chuchotait, à l’abri des regards de peur d’être entendu de La Vieille Dame. Ou peut-être même des adeptes de ses remèdes ou de ses pratiques. En effet, on lui prêtait également bien d’autres pouvoirs, elle n’avait pas son pareil pour combattre la fièvre. De bon matin elle vous faisait marcher dans l’herbe d’un pré couvert de rosée, cueillir par-ci, quelques poignées de feuilles de plantain, les jetant par-là, derrière, sans vous retourner. La pratique était efficace, autant que celle qui consistait à guérir les maux de ventre en prenant à jeun une infusion de la deuxième pelure du sureau qu’elle avait cueilli à la nouvelle lune, en récitant une prière aux saints Côme et Damien.

     Destruction Massive
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Saddam est un homme qui doit être intelligent, et dangereux, Il a déclenché une guerre qu'il n'a pas su gagner, et s'en est pris plein les yeux. C'est maintenant un homme blessé, parce qu'il a perdu devant l'Occident et ça, il ne le pardonnera jamais. Il rumine sa vengeance et son esprit tordu imagine des milliers de scénarios tous plus terrifiants les uns que les autres. Il a beaucoup investi dans la fabrication des armes bactériologiques et chimiques, et les ateliers de fabrication de ces potions tragiques ont été vite reconstitués. Aujourd'hui il tient sa vengeance, il a convoqué ses fidèles pour leur faire part de son plan, leur demandant leur appui pour le mettre à exécution. En ressortant de son bureau, sur les trois "généraux" dans le secret, deux se sont suicidés, pour ne pas avoir à accomplir cette tâche, tant elle était terrifiante, irréversible et incontrôlée. Et le déroulement des opérations a commencé. L'arme absolue: Les Kurdes, et la compassion de l'occident pour les martyrs de l'Irak. Il fallait y penser.

  L'Infirmière d'Ambazac
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« Bonjour, excusez moi de vous déranger, je m’appelle Ghylaine, et je suis infirmière à Ambazac. » Laurence se retourna, et fut surprise de la vision qui s’offrait à elle. La jeune femme était assez jolie, la trentaine, brune et le visage assez fin. Elle était un peu plus grande, très mince, les cheveux mi-longs, coiffés « à la diable ». Le maquillage assez discret, un rouge à lèvres très rouge, les sourcils très noirs, les paupières ombrées. Un grain de beauté sur la lèvre supérieure gauche. Le premier examen était favorable. Ghylaine souriait, Laurence lui rendit son sourire. « Je suis Laurence, et je n’ai pas besoin de piqûres ! Que puis- je pour vous ? —Voilà, je vous ai aperçue au concert d’Aixe-sur-Vienne samedi soir. Je vous ai vue prendre des photos, j’en ai pris aussi, je vous propose que nous les regardions ensemble. » Le sourire ne l’avait pas quittée en prononçant ces mots. Laurence trouva l’idée excellente, quoique peut être un peu intéressée :

      Les Etoiles Eteintes
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Sarah restait dans le mausolée pour mieux méditer. Elle appréciait que le décor soit aussi sobre, que le lieu soit aussi calme, que la lumière soit diffuse, et la fraîcheur aussi agréable. Seul flottait dans l'air ce parfum de géraniums, mêlé à celui de la canne à sucre, omniprésent à Saint-Benoît de La Réunion. Elle tira la porte derrière elle. Coupée du monde extérieur, elle serait mieux pour prier et se recueillir sur la tombe de sa belle amie. Elle aimait ce mur de marbre brut, ce dépouillement de tout objet de culte: pas de croix, pas de Christ, pas de Maries. Dehors, les géraniums en fleur ceinturaient l'édifice, mais dedans, aucune fleur, que la pierre, le marbre, la lumière. Une plaque de bronze sculptée à l'effigie d'une jeune femme aux longs cheveux épars, au visage fin comme l'avait Florane quand elle était arrivée dans sa vie. Pour que cet endroit soit tel qu'il est, Florane avait dû en définir tous les détails elle-même. Sarah pensait que le service des pompes funèbres pourrait peut-être lui donner quelques détails sur les derniers jours de Florane, et peut-être, qui sait, lui faire rencontrer les gens qu'elle connaissait, ou même qu'elle fréquentait ?

      L'Adjudant Moreau
gendarmerie-nationale

Roger Lheureux arriva au 4 rue de Seclin. Il était 9 h 15. L’ouverture de la centrale était à huit heures. Quand il lança un « salut » à la ronde, aucun de ses collègues ne lui répondit. Roger n’était pas à proprement parler un bon copain, mais il était le numéro deux de la centrale syndicale départementale, et à ce titre, il était plus craint que respecté. Ce qui choquait ses collègues de travail, c’est qu’il arrivait régulièrement en retard, et généralement dans un état de violence éthylique mal dissimulé. Chaque matin, Roger faisait une halte au « Café de la Savonnerie » situé juste en face de l’usine qui produisait des millions de tonnes de lessive en poudre. Dans ce café, nul besoin de passer sa commande, le patron vous sert d’emblée un café accompagné d’une « bistouille ». La bistouille étant ce petit verre de genièvre qu’il fallait boire en premier lieu et vider le second verre dans le café. Souvent on remettait ça, et après la deuxième ou troisième bistouille, on allait travailler. À cette époque, les accidents du travail étaient nombreux, et bien sûr, l’employeur était toujours l’unique responsable.

        Un Douze Avril
Joëlle et moi

Un 12 avril …. Oui c’était un 12 avril, je m’en souviens très bien, c’était le jour d’anniversaire de ma maman, et j’étais allée déposer une potée de tulipes sur sa tombe, des tulipes perroquets rouges et blanches, ses préférées. C’était la fin de l’après midi, à l’heure où le soleil, bas sur l’horizon, allonge les ombres, et colore la nature du vert jaune des feuilles naissantes, du bleu de ciel et de blanc nuages. Il faisait beau, il faisait doux. Sur l’autoroute il y avait peu de circulation ou du moins elle était fluide. Pas d’excès de vitesse, j’étais en balade. Je rentrais chez moi, il me restait tout juste une demi-heure de trajet. J’arrivai à proximité d’une aire de repos : « Aire de Tilloloy Ouest » et machinalement je mis le clignotant, je ralentis dans la chicane et débouchai sur le grand parking. Je m’arrêtais souvent à cet endroit, d’abord parce que sur mon trajet habituel je n’ai pas tellement le choix, mais surtout pour le bois qui entoure ce parking, c’est vraiment très forêt, c’est superbe.

            Joyeuse Noelle
Joyeux Noelle

Pour moi, Noel est rarement joyeux. Ici, là où je vis, à Madrid, La Navidad se fête bien entendu, mais ce n'est pas le même Noel qu'en France. Les jouets pour les enfants sont offerts le jour de l'épi Fanny, La Navidad est surtout une fête religieuse, où la messe de minuit se paie l'intérêt général. Autre raison et pas des moindres, ma grande fille rejoint son père en France. Ainsi elle ne souffre pas d'un dépaysement total. Voir son père, c'est bien vite dit. C'est un homme orgueilleux, très occupé, pas du tout papa gâteau. Mais Axelle a le coeur sur la main et elle accepte avec le sourire l'accueil réservé de son papa. Heureusement, le papa s'est remarié, forcément, il avait besoin d'une esclave pour lui porter le café au lit. Cette esclave s'appelle Rachel. C'est une de mes amies, elle est très belle, nous nous aimons beaucoup, en secret bien sûr. Je crois qu'elle est plus jolie que moi, un peu plus jeune il est vrai, Nous nous voyons rarement maintenant que je suis expatriée. Elle s'occupe très bien de ma fille, elle l'adore, elle n'a pas d'enfant, tous ses efforts n'ont jamais abouti. Rachel est pharmacienne. Son officine n'était pas très loin de mon immeuble, ainsi je ne rechignais jamais à aller me chercher les rares médicaments que je prenais. J'ai toujours fait beaucoup de sport. Du vélo, de la piscine. C'est ce qui me vaut sans doute d'être encore présentable aux 44 ans que je viens de fêter il y a deux jours. Rachel aussi fait du sport, mais en vraie compiégnoise, elle a choisi de faire du cheval.

         Le Petit Laurent
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Entre son bonnet bleu et son masque de chirurgien, on ne voyait que ses yeux noirs. Pourtant, quand il tournait son regard sombre vers l’une ou l’autre d’entre nous, on comprenait instantanément ses désirs, sans qu’il eût prononcé la moindre parole. J’étais devant lui, et j’étais l’assistante de l’autre chirurgien qui lui faisait face. L’entente des deux hommes était remarquable, c’était le meilleur « bloc » de tout l’hôpital. Je passais les instruments qu’on me réclamait, tout en essayant de ne pas regarder le champ opératoire, je ne m’y habituerai jamais. Pourtant, délimité par le drap bleu ciel et les linges blancs tâchés de rouge, l’ouverture ne ressemblait à rien que l’on puisse identifier, sans être du métier. Moi je ne l’étais pas, je passais les outils, comme une autre fille aurait pu le faire aussi bien. Et pour ne pas regarder l’opération en direct, je portais les yeux sur le chirurgien aux yeux noirs, ou sur son assistante qui me faisait face, dont les yeux étaient d’un bleu sauvage. De l’assistante on ne voyait que la proéminence de son imposante poitrine.

 Le Chaos de Targasonne
Le Chaos de Targasone

Sur les hauteurs des Pyrénées-Orientales, la Cerdagne est un vaste plateau ensoleillé, un encorbellement entre le mont du Carlit, et celui de Puigmal, tous deux culminants aux alentours de 3000 mètres. La Cerdagne est à une altitude de 1600 mètres en moyenne, et elle a la particularité d’être une région fertile, bien que de haute montagne, puisque l’on y récolte des céréales, du blé principalement. On y vient de Perpignan par la route qui monte à Font Romeu, ou par le côté Espagnol en traversant l’Andorre. Dans la partie occidentale de la Cerdagne, on trouve un lieu particulièrement mythique, « Le Chaos de Targasonne » Plutôt qu’un lieu, on pourrait dire un pays, voire une région, puisqu’il s’étend sur 50km. Le Chaos est un amoncellement de roches granitiques -par exemple- dont l’origine et la formation ne paraissent pas évidentes. Curieusement, on trouve aussi ce genre de relief dans la forêt de Fontainebleau ou dans la Lozère.

        Le Coupe Chou
Le coupe chou-1

S’il existe un lieu magique à Paris, c’est bien la gare de Lyon. Pas cette gare TGV souterrainement austère et sans âme, mais la gare de surface, la vraie, celle qui fait vibrer le cœur dès que l’on aperçoit l’horloge, du boulevard. J’ai toujours aimé les trains, depuis ma plus tendre enfance quand, avec mes parents et ma sœur, nous partions à la mer. La Gare de Lyon à l’heure des grands départs est habitée d’un esprit particulier. Peut-être est-ce simplement la concentration des voyageurs en attente. C’est cette odeur particulière, faite d’humanité, d’ozone et de poussière. Ce grand espace face aux quais, animé de ses panneaux affichant les horaires, et les milliers d’yeux, levés vers les chiffres verts qu’ils ne semblent pas comprendre. Et puis ce sont tous ces jeunes avec sacs au dos, assis sur les murets des escaliers descendant au sous-sol. Ils fument, ils mangent d’énormes sandwiches, vident quantité de boîtes de bière ou de Coca. Ils dorment ou s’embrassent, l’amour des fois, se fout du décor. En haut de l’escalier, ce superbe restaurant : « Le Train Bleu » qui fit briller de ses ors, la redoutable Nikita, alias Anne Parillaud.

            Jolie Luna
Lena Gercke

Sur les pavés de la place St Jacques, Rachel avait beaucoup de difficulté à marcher avec ses talons aiguilles, et se casser un talon maintenant, ne serait pas pour lui remonter le moral ! Rien n’allait vraiment bien depuis une semaine. Elle avait du mal à effacer de son esprit ce qui s’était passé, et ce soir-là, elle n’avait pas envie de rentrer chez elle, et de se retrouver seule avec ses idées noires. Sa petite fille était pour le week-end chez sa grand-mère. Elle entra dans le café le plus proche. Le Coq d’Or l’un des plus joliment décorés de la ville. Elle n’était pas une habituée des lieux, d’ailleurs elle entrait rarement dans un café. Il y avait du monde, de la musique jazzy, de la fumée, comme dans tous ces endroits-là, en fin d’après-midi. Elle s’approcha difficilement du bar et demanda un Tonic. Le barman la servit, puis, son verre à la main, elle chercha dans la salle un endroit libre pour se poser.

            La Mante
Les DrusCouleur

Je la reconduisis à la porte. Les quelques pas qu’elle fit devant moi suffirent à provoquer mes plus secrètes fêlures. Sa démarche, ses bottines à hauts talons, son jean élimé aux fesses, ses fesses rondes perchées sur des jambes interminables, ce perfecto, qui était choisi sans doute uniquement pour mettre ses fesses en valeur, et cette chevelure de jais, coupée court, très bas sur la nuque, avec cette mèche savamment rebelle qu’elle remettait en place d’un mouvement de tête des plus étudié. Deux anneaux dorés apparaissaient alternativement au rythme de son pas décidé…..Elle s’arrêta sur le palier, se retourna… Gros plan sur une poitrine agressive, moulée dans un pull col roulé blanc. Visage bronzé, ses yeux noirs lancèrent un éclair, histoire d’humaniser son sourire crispé. Elle commença à descendre les degrés, je fermai la porte appuyai mon front sur le chambranle, et je restai ainsi les yeux fermés, imprégnée de ces images qui repassaient en boucle, dans mon souvenir immédiat.

      Les Jeux de St Elme
Les Jeux de St Elme

Juin 1999 ! décès de mon père, puis en octobre, celui de ma mère. Après 63 années de mariage, la pauvre femme n'a sans doute plus estimé utile de continuer à vivre. Ils ont ainsi rejoint au paradis, leur fille décédée neuf ans plus tôt, à l'âge de quarante-huit ans. Il avait quatre-vingt-sept ans, elle en avait quatre-vingt-deux. Ils ont donc élevé trois enfants : deux filles et le garçon que je suis. Quelques mois plus tard, il fallut se décider à tirer un trait sur la matérialité de leurs existences : Vendre la maison où nous avons grandi, et la débarrasser de tous les meubles et objets leur ayant appartenu. Voir la maison de notre enfance complètement vide fut pour ma sœur et moi, une douloureuse épreuve. Au moment de charger les derniers cartons, ma sœur me désigna celui qui était resté un peu à l'écart.

     Les Jours de Liesse
Les Jours de Liesse

Il faisait un temps superbe ce jour-là. Dans la petite bourgade de Saint André, cette petite ville touristique de Haute-Provence près du lac du Castillon, la saison touristique était à peine commencée. Pourtant, il y avait pas mal de monde en ville, et déjà quelques nageurs courageux dans les eaux glacées. Pour certains c’était déjà les vacances, mais pour d’autres, le travail était encore d’actualité. Il faisait déjà chaud. Pourtant, la ville est à neuf cents mètres d’altitude. Le soleil comme toujours dans cette région était de la partie. Derrière les baies vitrées des bureaux, les employés commençaient à souffrir de la chaleur. Heureusement, la matinée de travail touchait à sa fin. Guillaume avait l’impression que ses clients étaient convaincus, et qu’il remporterait ce marché difficile. Il était assez fier de cette présentation. Bien sûr, il n’était pas seul à avoir réussi à établir ce climat de confiance, qu’il sentait maintenant installé chez ses interlocuteurs.

   Les Tricots de Marguie
Les Tricots de Marguie

Marguerite Dupain était une femme au grand cœur. Pourtant on ne peut pas dire qu’elle avait été gâtée par la vie. Née de parents miséreux de la région de Douai, à Goeulzin plus exactement, elle avait, toute sa jeunesse, traîné ses galoches le long du canal, trouvant dans cette campagne ouvrière tous les motifs qui pouvaient alimenter ses rêves. Elle s’imaginait par exemple qu’un intrépide marinier l’emporterait un jour sur sa péniche, et l’emmènerait ainsi de l’autre côté du monde, là où il n’y aurait que joies et que richesses. Son père, fut l’un des derniers ouvrier de la dernière brasserie du village, et comme bien souvent, il était le meilleur client de son patron.

   Le Miracle Impossible
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C'est ainsi que Jésus parvint dans une ville de Samarie appelée Sychar, non loin de la terre donnée par Jacob à son fils Joseph, là même où se trouve le puits de Jacob. Fatigué du chemin, Jésus était assis tout simplement au bord du puits. C'était environ la sixième heure.Arrive une femme de Samarie pour puiser de l'eau. Jésus lui dit: "Donne-moi à boire." Ses disciples, en effet, étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger.Mais cette femme, cette Samaritaine lui dit: "Comment? Toi, un Juif, tu me demandes à boire à moi, une femme samaritaine!" Les Juifs, en effet, ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains.Jésus lui répondit: "Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit: "Donne-moi à boire", c'est toi qui aurais demandé et il t'aurait donné de l'eau vive."La femme lui dit: "Seigneur, tu n'as même pas un seau et le puits est profond; d'où la tiens-tu donc cette eau vive?

          Noire d'Ecume
Noire d'écume

Voyager est sûrement ce qui me motive le plus. Lorsque j'ai choisi de faire ce métier, je n'y avais pas spécialement songé, ou alors, ce n'était pas l'élément fondamental de mon choix. Et pourtant, c'est ce qui m'apporte le maximum de joies. J'adore voyager. Me rendre au pied levé dans telle ou telle ville, dans ce pays ou un autre, est pour moi le plus grand des plaisirs. Ce n'était pas a priori évident. Il faut apprendre à voyager, comme il faut acquérir l'envie de voyager. Tout ce que l'on va rencontrer sera un étonnement. Je ne dis pas un enchantement, puisque sur notre terre, il se trouve malheureusement quantité d'endroits d’où l'on a plus envie de fuir plutôt que de séjourner. Quand j'ai su que je devais me rendre à Cadix (Cadiz en espagnol), j'ai ressenti ce petit pincement au cœur, signe de plaisir intense. Ce n'était pourtant pas la première fois. Je m'y étais déjà rendue, en coup de vent, une seule journée, et je m'étais juré d'y revenir. Cette fois, j'étais décidée à rester le temps qu'il faudrait pour la visiter, et pour en ressentir l’ambiance et le passé.

              Soledad
Roissy

Elle est moche cette voiture, avec cette inscription comme un tatouage ridicule à l’arrière « Taxis Lefèbvre » « Longues distances » « Roissy-Compiègne » C’était une Espace Renault, ce gros machin carré qui, à peine parti était déjà arrêté deux cents mètres plus loin au premier feu rouge. C’était comme une hésitation, cette voiture arrêtée. C’était la dernière chance, soit d’en descendre, soit de courir pour la rattraper. Mais Jane ne bougea pas, et personne n’en descendit. Les yeux pleins de larmes, elle ne distinguait plus nettement le véhicule. Elle le vit repartir, tourner au coin de la rue et disparaître. Axelle lui serrait la main comme pour dire, « ne pleure pas je suis là ». Ce n’était pas la première fois que sa « tata » partait en voyage. Mais Jane bien sûr ne lui avait pas dit que ce départ était le dernier, et qu’il n’y aurait pas de retour. Ainsi va la vie des gens qui assument leurs choix, la vie est unique, il n’est pas toujours écrit qu’une rencontre change forcément la vie, la vie se vit en suivant le chemin décidé. La vie ne change pas toujours de vie.

              Manon
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Quand la boîte aux lettres fut ouverte, les trois quarts de son contenu se répandirent sur le sol. Manon se baissa, difficilement, car les talons et la jupe serrée ne sont pas spécialement faits pour cet exercice. Elle ramassa un à un tous les journaux de pub de télé, toutes les propositions des mages de la région, toutes ces enveloppes pleines de factures, et d’autres feuillets divers. Au beau milieu de ce fatras, un document attira son attention. Elle le plaça sur le haut de la pile que sa main contenait avec difficulté. Puis elle referma la boîte, se dirigea vers l’ascenseur, après avoir pianoté le digicode. Elle retrouva avec délice l’appartement illuminé de soleil, avec son parquet brillant, ses jolis rideaux de voile de lin, ses fleurs et ses tableaux, sa bonne odeur de parfums et de cire, cette odeur si caractéristique des alcôves féminines. Manon posa le tout sur la table du salon, et partit dans la salle de bain au cas où quelque réparation serait nécessaire. Il fallait qu’elle se change pour aller faire quelques courses au Champion tout proche. Ceci étant fait, elle jeta un coup d’œil sur le document qu’elle avait ramassé.

            Fait Divers
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A 300km /heure, le Thalys filait vers Bruxelles en longeant l’autoroute du Nord. Dans le compartiment de première classe, confortablement installé, bercé par le ronronnement régulier du TGV, Albert se laissait aller à sommeiller. Il adorait ce train, où le confort était parfait, le seul endroit où il savait pouvoir réellement se reposer. Il faut dire que sa vie était quelque peu agitée, et le stress prenait souvent le relais de la volonté et de la détermination. Il était installé sur le fauteuil à coté de la vitre qui donnait coté autoroute. Il savait que les voitures qu’il voyait, roulaient au moins à 150km/h. Pourtant, il avait l’impression qu’elles allaient au ralenti. Il remarqua une BMW qui sur la file de gauche doublait toutes les voitures avec une aisance étonnante. Malgré tout il la perdit de vue très rapidement. Sur les fauteuils de l’autre coté de l’allée, il y avait deux jeunes femmes, qui se regardaient en se parlant à voix basse, quelques fois un sourire illuminait les visages.

 

Les Dryades

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J'ai déjà par mes nouvelles, abordé beaucoup de sujets. Peut être font-ils partie de "tout le reste". Je ne suis pas une fervente admiratrice de Simone de Beauvoir, (sauf quand le rôle est tenu par la divine Anna Mouglalis) et je ne me reconnais pas dans les féministes de tous bords. Pourtant, s'il y a un trait de ma personnalité qui surclasse tous les autres, c'est bien mon amour de la femme. Je suis lesbienne donc, puisque c'est l'étiquette que l'on colle aux tribades modernes, mais là encore, ce n'est pas vraiment ça, puisque je suis mariée, et j'ai une fille d'un premier mariage. Je tiens à vivre ma vie comme tout le monde, le plus simplement possible. J'allais dire le plus "normalement" possible, mais je sais que cela aurait fait bondir certaines âmes guerrières. Rassurez-vous, je ne vise personne. Une vie de famille, c'est ce que j'ai toujours souhaité, en faisant la part de ma vie et de mon autre vie. Mon alter ego est une entité qui existe, qui influe bien évidemment sur mon autre vie. J'espère simplement que personne autour de moi, n'en souffre. Si quelqu'un ignore ma bisexualité, c'est que ça ne l'intéresse pas, car je ne dissimule rien, je vis comme ça vient. Je vis au grand jour, et j'aime au grand jour. Je n'ai aucune arrière-pensée, aucune envie de dissimulation. "Je roule plein phares". Ma devise pourrait être le titre de ce blog, "O me quieres O me dejas. Ce qui veut dire en clair, "Ou tu m'aimes ou tu me laisses". C'est d'autant plus facile à comprendre que je vis en Espagne, banlieue de Madrid près de l'aéroport. Je suis en Espagne depuis 6 ans bientôt. Je m'y suis installée pour raison professionnelle, quand l'envie m'est venue de faire "autre chose, autrement". Ce n'est pas pour raconter ma vie, mais plutôt pour raconter mon histoire, ce qui bien sûr, est différent. Je ne suis pas une pro des blogs. Il y a encore quelques mois, j'ignorais tout de cette façon de s'exprimer. J'avais vu bien sûr les merveilles réalisées par ma belle amie Ana, et sans ce stupide accident qui m'a clouée durant quelques semaines, je ne me serais jamais lancée dans cet exercice. 

 

Chapitre 1

Les Demoiselles de St Ladre

 

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Samedi 15 décembre 2007 La petite route était noire et luisante au milieu de toute cette neige grisâtre. À peine dégagé, le ruban d’asphalte était étroit, et les voitures se croisaient avec difficultés. Il avait neigé fortement depuis le début de ce mois de décembre. Déjà, mi-novembre, quelques flocons avaient blanchi la campagne. Et depuis, une neige très fine, humide et pénétrante, n’arrêtait pas de tomber, virevoltante au moindre souffle de vent. Ce n’était pas suffisant pour recouvrir la route abondamment salée, mais assez pour effacer en une journée toutes les traces de la veille. La circulation n’était pas très intense, il semblait que l’activité, comme la nature, s’était endormie. Il faisait froid et humide, d’autres précipitations importantes, peut-être neigeuses, étaient attendues. Le ciel était gris bien sûr, et la nuit ne tarderait pas à accabler le paysage d’un sombre avenir. Les arbres des taillis tendaient désespérément leurs squelettes vers de gros nuages terrifiants. Depuis les quinze jours que la neige était omniprésente, la plupart des branches de ces arbres nus avaient perdu leur chargement de poudre blanche. Et pour d’autres, il suffisait d’un souffle de vent pour qu’elles se dévêtissent, dans un chuintement à peine perceptible. La petite route reliait la départementale à la petite ville de Cagny. C’était un raccourci bien pratique qui permettait de rejoindre le parking de la gare de Longueau. À quelques centaines de mètres de la station, la route était surplombée par cet immense viaduc qui enjambait la vallée marécageuse. Ce que l’on appelait la rocade, mais en réalité c’était l’autoroute qui contournait la ville par le sud en surplombant la vallée. Le flot des véhicules épargnait ainsi le centre-ville qui, à grands frais, avait été tristement abandonné aux piétons. Parallèlement à la route, sur un remblai de quelques mètres, la ligne de chemin de fer émergeait tout juste, elle aussi, de la couche de neige. On ne distinguait que les rails, les traverses n’étaient plus visibles qu’à de rares endroits. Comme la petite route, les voies s’engouffraient sous le viaduc dans la direction de Paris. De l’autre côté des voies, la falaise de craie du plateau picard ajoutait sa grisaille au décor ambiant. En face, dans la vallée, le marais. Cette immense étendue d’étangs constitue le lit de la rivière qui coule sa tranquillité dans la réserve Saint-Ladre, avant de se mêler à la Somme à Camon, entre Longueau et Amiens. 

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Le  Testament de Benjamin  Briggs.




 

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   La Mary Céleste 


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Le départ eut lieu aux premières lueurs du jour. Les trois femmes s'étaient levées pour assister aux manœuvres. Elles étaient silencieuses, elles étaient aussi sûrement très émues.
Quitter le port pour le grand large, est toujours un moment d'interrogation particulier et de doute.
Mais cette émotion ne dura pas. Les ordres du capitaine relayés par la voix puissante du premier matelot, firent que le départ s'effectua en douceur, et sans bruit.
Au bout de quelques heures, la côte était hors de la vue du voilier, elle s'était effacée progressivement dans les brumes marines.  

MaryCeleste 145 Bien que les voiles fussent gonflées de vent, le navire surchargé n'avançait pas très vite. Il voguait dans le plus grand silence, la vague d'étrave, était à peine visible. Le capitaine proposa à Florane de lui enseigner les rudiments de navigation, qui lui permettraient, éventuellement de savoir faire le point et regagner le port le plus proche. Elle en fut passionnée. Au bout de trois jours elle savait faire le point astronomique, faire les relevés sur la carte. Le quatrième jour, elle était à la barre et tenait le cap. Benjamin Briggs était fort amusé de sa volonté d'apprendre, et ne manqua pas de s'étonner de ses progrès rapides. Cela n'amusait pas Sarah, qui avait retrouvé son ennui, et s'en plaignait amèrement auprès de la dévouée Amiya. Cela était mal vu aussi par les marins, qui voyaient dans les progrès de cette débutante mondaine, la dépréciation de leur savoir faire.
Mais elle n'en avait que faire. Un jour qu'elle était à la barre, l'amure de tribord se brisa. Le matelot qui se trouvait au plus près ne se sentit sans doute pas concerné, et ne bougea pas. La voile se mit à fasseyer violemment. C'est alors qu'elle donna l'ordre au marin de la rétablir. Ceci était parfaitement logique, mais le marin le prît très mal et se plaignît au capitaine.
Ce genre d'incident se multiplia. Le capitaine habitué aux querelles de marins, n'en fut pas influencé. Mais à cause de cela, l'ambiance n'était pas des meilleures sur le navire. Sarah était très contrariée que Florane passe plus de temps sur le pont qu'avec elle. Florane lui expliquait qu'elle n'aurait pas souvent l'occasion de piloter un brick-goélette, et que cela ne durerait pas longtemps. Mais elle sentait Sarah devenir vraiment agressive. Elle arrêta donc de jouer les matelots et regagna sa place auprès de sa bien aimée.
Sarah mis quelques jours à récupérer de son indignation, et tout fut oublié.
Le capitaine sentit que c'était le moment de mettre les femmes au courant de la réalité de la mission.
Il fit en sorte de le faire au cours du repas du soir. Il demanda à Amiya, de rester dehors, et de surveiller les matelots pour s'assurer qu'aucune oreille indiscrète ne flottait près de la cabine.
Briggs commença son discours :
« J'ai réalisé ces dernières heures, qu'il était trop risqué de garder le secret pour moi seul. S'il m'arrivait quelque chose, la mission serait définitivement un échec. Or, il est important qu'elle soit menée à son terme. Vous n'ignorez pas l'issue tragique de la guerre qui a sévi en Europe. Cette guerre qui a opposé deux cent cinquante mille soldats français à huit cent milles soldat de la coalition Germano-Prussienne, n'avait aucune chance d'aboutir à la victoire. D'autant plus que la raison de cette guerre était totalement stupide. La succession du trône d'Espagne, n'était pas si importante que ça, il y aurait eu bien d'autres moyens de la combattre. Cela  prouve que Napoléon III a été en dessous de tout bon jugement, et que les généraux français n'ont pas été capables de trouver une réponse cohérente. Les Allemands, par la dépêche d'Ems, ont montré qu'ils étaient prêts à tout pour avoir le leadership Européen.

Aux Etats-Unis ainsi qu'au Canada, ces évènements ont fait forte impression. L'Europe, pour le nouveau monde, est le seul allié qui permettra son évolution.
Ainsi, les grands courants de pensée et les grandes industries américaines ont décidé de venir en aide à la France, qui, dans le passé fît énormément pour nos ancêtres. Le gouvernement ne prend pas officiellement position, mais il n'interdit pas que les américains apportent, de leurs deniers, de quoi payer cette gigantesque rançon, dont la France ne pourra jamais s'acquitter. Les industriels, les catholiques les protestants, les francs maçons, et bien d'autres ont réuni plus de cinq milliards de dollars, qu'il faut faire parvenir à la France.
Une partie de cette somme monstrueuse est dans nos cales. Les fûts noyés dans la soute, sont remplis de lingots d'or, et de titres divers. Le tout camouflé sous une épaisse couche d'huile lourde de pétrole. Les mille sept cents barils recomptés par Florane (dit-il en souriant), ne sont là que pour brouiller les pistes. Le choix de l'alcool, est simplement dû à la faible densité du produit, qui permet un chargement plus lourd par ailleurs. Par sécurité, neuf de ces barils sont remplis de titres, qui serviraient de monnaie d'échange au cas où nous serions rançonnés. Tout est organisé à Marseille, et non à Gênes, pour recevoir discrètement cette fortune. Des émissaires américains, sont sur place, pour s'assurer de la sécurité des opérations.
Après la livraison, nous ne reviendrons pas au Québec, ni en Amérique. Nous partirons pour une destination lointaine pour nous faire oublier et pour servir notre pays autrement. La Mary Céleste devra repartir pour New York, avec un nouvel équipage, et sera coulée par la marine américaine.
Il ne restera aucune trace de cette opération.
Voilà pourquoi, j'ai souhaité que Florane apprenne à naviguer. Il est dommage ma chère Sarah, qu'elle n'ait put aller au bout de cette formation, il lui reste à affronter la tempête- mais au moins suis-je heureux que vous ayez retrouvé le sourire. »
Florane et Sarah se regardèrent. Sarah était catastrophée, Florane souriante. Sarah prit la parole pour dire à Florane :
«  Je te demande pardon ma chérie de t'avoir entrainée dans cette histoire. Nous sommes perdues, nous n'y arriverons jamais. »
Et Florane tout sourire :
« Hé bien chérie, tu voulais l'aventure ? Tu l'as, et en plus, la carrée est plus inconfortable qu'une cabane de trappeur ! Et elle éclata de rire.
Benjamin ? Peut on faire escale aux Canaries et laisser Sarah vivre sa vie ?
-Chameau tu me paieras ça !
-Je t'aime mon amour, je vous aime Benjamin, quand je pense que j'aurais pu rester au « Mont Royal » pour aligner des chiffres. Non ! Je préfère être ici, merci Benjamin, merci Sarah. »
Amiya put enfin rentrer, elle était frigorifiée. Florane adorait qu'elle le soit, les tétons frigorifiés  de ses seins semblaient alors vouloir crever l'étoffe.
On la réchauffa, on la frictionna, le traitement lui plut.
Pour sceller cette révélation, on déboucha une bouteille de whisky. De celui que benjamin entreposait chez lui. Les femmes un peu pompettes se couchèrent aussitôt. Après un premier sommeil, elles se réveillèrent, et en essayant d'être les plus discrètes possibles, firent l'amour une partie de la nuit. Au cours de cette nuit mouvementée, il se passa quelque chose.
Un évènement, ho ! Tout petit. Florane ne sût pas si Sarah s'en était aperçue. Alors qu'elle se tenait allongée sur le dos, Sarah la couvrait de baisers et de caresses. Florane se laissait faire, et savourait les morsures violentes que Sarah lui prodiguait. Dans ces scènes d'amour, les sensations sont multiples, et l'imagination de la partenaire, fait que chacun des attouchements arrive par surprise. Florane le savait. C'est pour cela sans doute qu'elle ne remarqua pas tout de suite, quand elle sentit une bouche avide entre ses cuisses, que Sarah ne pouvait être celle qui lui faisait cette caresse, alors qu'elle était en train de dévorer ses seins.
Cela dura quelque temps, et Florane ne sentit plus rien alors que Sarah n'avait pas changé de position. Une troisième personne avait donc participé à leurs ébats. C'était beaucoup trop bien fait pour que ce fût un homme. Ça ne pouvait être qu'Amiya.
« J'adore cette fille » pensa-t-elle mais elle prit garde de ne pas demander à Sarah si elle l'avait remarquée.
Le reste de la nuit se passa dans un sommeil profond.
Au matin, la houle était formée. Le vent était levé. Florane sortit en toute hâte pour être témoin de ce qui se passait. Il y avait du soleil, il y avait du vent. Les vagues étaient impressionnantes le bruit infernal ! Ils recevaient des paquets d'embruns et l'écume dans le soleil paraissait d'un blanc surnaturel. Le navire gîtait de façon importante. Benjamin était sur la passerelle, les yeux dans l'immensité. Il sentit Florane s'approcher. A la droite de benjamin, se tenait le second matelot.
« Hé bien Matelot, que pensez vous de tout cela ?
-Je pense qu'il faudrait réduire la voilure dit le matelot.
- Et vous capitaine Florane, qu'en pensez-vous ?
- Le navire est trop lourdement chargé pour marcher au près par un temps pareil, il faut mettre à la cape. »
« Vous avez parfaitement raison capitaine Florane. Exécution matelot !! »
« Voilà comment on se fait des ennemis remarqua Florane.
-Quand on a raison, on a toujours des ennemis ! Mais il est plus important de sauver son navire que d'avoir des états d'âme.

La mer s'était calmée. Le navire avait doublé les Açores, il se trouvait  dans l'axe du détroit de Gibraltar. Il pouvait profiter ainsi des meilleurs vents qui allaient le propulser directement en Méditerranée. C'est alors que Florane entendit des éclats de voix. D'abord celle du Capitaine, ensuite celle d'un matelot, puis celle du premier Matelot.
Florane se précipita. Il y avait un marin solidement tenu par le premier matelot. Le marin, pris de folie,  écumait dans une colère noire.
Le capitaine Briggs parlait calmement, de sa voix autoritaire qui n'appelait aucune réplique :
« Je vous le répète pour la dixième fois. Vous ne pouvez pas boire cet alcool, il est absolument  impropre à la consommation, et peut vous rendre malade, aveugle, ou fou. Et je n'ai pas besoin de fous furieux à bord. Sans parler des suites...L'alcool ne sera pas vendable et la valeur du baril ouvert sera retenue sur votre solde ! Le Matelot déjà ivre se débattait furieusement. Il réussit à se dégager, se saisit du poignard que le premier matelot avait à la ceinture, et se jeta sauvagement sur Briggs, alors que celui-ci avait tourné le dos pour regagner la passerelle.
Frappé dans le dos, le poignard fut dévié par l'omoplate, et pénétra dans le cœur profondément. Le Capitaine Briggs s'écroula, sa mort fut  instantanée. La stupeur s'installa sur le pont du voilier. L'homme restait debout, le poignard à la main, ruisselant de sang.
Le regard absent, perdu dans on ne sait quelle ivresse ou quelle folie. Le premier matelot se saisit d'une manille qu'il avait à portée de main, et asséna un coup violent sur la tête de l'assassin. Et s'adressant aux autres matelots présents :

« Attachez-le solidement dans la soute à voiles. Qu'il soit au secret, qu'il ne parle à personne, et qu'on ne lui parle pas. Il sera remis à la police du port et jugé comme mutin. »
L'homme fut emmené. Benjamin Briggs était maintenant allongé sur le pont. Sarah à genoux à ses côtés, lui caressait le front et pleurait en silence. Amiya se tenait debout derrière elle, prête à servir les vœux de sa maîtresse. Le premier Matelot s'adressant à Florane témoigna de sa stupeur :
« C'est incompréhensible, c'était le matelot le plus proche de Monsieur Briggs. »
« Il avait peut être de grandes qualités, mais en l'instant c'est un assassin de la pire espèce. Il paiera pour son crime. »
Le Matelot baissa la tête et ne répondit pas.
Et Florane continua :
« Monsieur Jackson, vous allez prendre le commandement du navire, vis-à-vis de vos hommes. Mais c'est à moi que vous rendrez des comptes. » Le ton était si autoritaire que le nouveau Capitaine obéit sans hésitations.
« A vos ordres Madame »
Et Monsieur Jackson fit rependre le cap. Comme pour clore à jamais ce pénible incident, un violent orage éclata. Tous durent se réfugier dans l'entrepont. La foudre frappa le grand mât, et la plus haute vergue s'écrasa sur le pont.

A l'intérieur, une chapelle ardente était improvisée. Le corps de Benjamin Briggs reposait sur un affût, recouvert d'un drapeau Américain.
L'immersion du corps fût fixée à l'aube de cette nuit de veille.
Florane par ses caresses et ses mots doux s'appliquait à apaiser la douleur de Sarah. Celle-ci, bien que n'ayant pas souvent de rapports avec son mari, avait pour lui une très grande estime, et une tendresse immense.
Elle s'adressa à Florane :
« Ma douceur, je sais que ta douleur est semblable à la mienne, nous partageons tellement de choses. Mais la mission de benjamin doit continuer. Je serai bien incapable d'en prendre la responsabilité. Toi seule sera assez forte pour mener à bien cette entreprise, toi seule saura réaliser ce qu'étaient les intentions de Benjamin, Je te fais une entière confiance, tout ce que tu feras sera bien fait. Et prends garde à toi, ces hommes sont des brutes de la pire espèce.
- Je ferai de mon mieux, mon triste amour. Il me faudra disposer de l'appui d'Amiya, c'est la seule en qui je pourrai avoir toute confiance.
- J'allais t'en prier, Amiya saura mourir pour toi. Mais je suis épuisée. Laissez-moi avec mon chagrin, la journée de demain sera pour moi le début de mon calvaire. »
Florane entraîna Amiya dans le réduit contigu.
« Voilà ce que nous allons faire. »

691754TN_MARY.jpgLa journée commença à l'aube rougissante. Le navire était face au soleil. Un autel avait été dressé sur le pont. Une messe fut dite par le premier matelot maintenant capitaine de la goélette.

Puis le corps fut placé sur la bascule, et après une dernière prière, il glissa vers le flot. A cet instant, on vit le dos d'une énorme baleine surgir de la vague, son énorme queue resta fixée sur le ciel couleur de sang, puis semblant fouetter l'air comme un signe d'adieu,  lentement elle s'enfonça dans la mer. La reine des mers allait accompagner Benjamin Briggs jusqu'au fond des Abysses. La cérémonie terminée, Florane s'adressa au capitaine :
« Qu'on aille chercher le prisonnier !
- Mais...
-Je vous ai donné un ordre. »
Deux marins descendirent dans la soute et revinrent avec l'homme enchaîné.
« Détachez-le !
Quand l'homme fut debout et libre de ses chaînes, Florane plongea son regard dans celui du marin et lui dit :
« Nous venons de procéder à l'immersion de Benjamin Briggs, capitaine de vaisseau de la marine américaine. Le capitaine Briggs a été lâchement assassiné par l'un de ses matelots. Il est temps pour lui de payer ce crime. »
Le matelot regardait Florane d'un air incrédule et goguenard. Le fait qu'elle ne baissa pas les yeux, commença à l'intimider.
L'homme, terrorisé  répondit en bégayant :
« Vous n'êtes pas de la marine, vous n'êtes pas le Capitaine, vous n'avez pas d'ordre à donner, si vous me touchez mes copains vous feront la peau ! Vous serez enchainées, violées, on vous passera par-dessus bord ! On ne va pas se laisser commander par deux radasses et une sauvage !
« Je n'ai que faire de vos insultes. Venant de si bas, elles ne peuvent nous atteindre. Et je ne crains pas vos menaces, vous avez assassiné benjamin Briggs de la façon la plus lâche, vous méritez le dernier des châtiments, je vais vous exécuter.»
En disant ces mots, elle se saisit d'un pistolet qu'elle avait à la ceinture, et visa le front du matelot.
« Madame, je vous en prie, ne faites pas ça ! J'implore votre grâce.
- Monsieur Briggs n'a pas eu le choix, il a été victime d'un assassin.
- Pitié s'écria le matelot en se jetant à genoux. »
Le canon du pistolet avait accompagné le mouvement du matelot. Celui-ci comprit brusquement qu'il allait mourir.
« Monsieur Briggs n'a pas bénéficié de votre pitié.  A cette heure il reste une veuve et une petite fille qui ne connaîtra jamais son père.
Ne dites rien Monsieur Jackson, cela n'a rien à voir avec la marine américaine. Il n'y a aucune excuse à ce geste, et devant vous et devant  Dieu, je fais justice. »
Elle appuya sur la détente. Le coup partit, le matelot s'écroula, la balle l'avait atteint au front, entre les deux yeux.
Les matelots furent frappés de stupeur, et n'écoutant que leur désir de vengeance se précipitèrent. Amiya qui se trouvait au côté de Florane sortit de dessous les plis du Sari, un pistolet que personne n'avait entrevu. Sans sommation elle tira. Le premier matelot s'écroula, frappé en pleine poitrine.
Les matelots ne bougèrent plus. Florane s'était saisi d'un second pistolet. Amiya également, le Sari pouvait dissimuler beaucoup de trésors. Sarah arriva sur le pont. Elle avait encore sa robe de satin bleu, mais au bout de chaque bras, se balançait un pistolet de gros calibre.
Les marins furent saisis de terreur.
Florane reprit la parole.
« Capitaine, mettez le canot à la mer, ces mutins auront une chance de survivre et peut être d'échapper à la justice de la marine.. »
En moins de temps qu'il n'eût fallu pour le dire, les quatre matelots survivants se précipitèrent dans le canot.
« Capitaine, il est temps pour vous de choisir votre camp. Ou bien vous partez avec cette racaille, ou vous restez avec nous, pour nous servir, je ne tolèrerai aucune trahison. Vous savez maintenant de quoi nous sommes capables.
-Je suis de votre côté Madame, je vous prie de ne point en douter.
-Fort bien, mais que faîtes vous donc ?
-Je respecte la tradition, qui veut que les marins rejetés à la mer, emportent une corde, un marteau des clous et une hache, avec un gallon d'eau par personne.
-C'est trop d'honneur que vous leur faites. Ces hommes sont de la vermine. »
Elle n'avait pas fini de dire cela que de violents coups se firent ressentir contre la coque. S'approchant du bastingage, elle vit que l'un des marins, dans le canot, avait attaqué la coque du navire avec la hache. Elle visa de son second pistolet. L'homme touché à la tête bascula à la mer emportant avec lui la hache généreusement donnée par le Capitaine.
« La tradition ne se répètera pas deux fois dit elle. »
Le canot s'éloigna avec les trois survivants à bord.
« Ils n'ont aucune chance » dit le Capitaine. 
« Dieu vous entende  »
« Capitaine, Amiya, allons nettoyer ce carnage. Il n'y aura pas de cérémonie pour ces mutins. Ensuite Capitaine nous nous relaierons à la barre toutes les six heures. Cap sur Gibraltar.
Amiya sera initiée au pilotage du navire. J'ai bien appris, pourquoi pas elle ?
Et la Mary Céleste reprit son cap, il ne restait de souvenirs de cette dramatique aventure, que les traces  des coups de hache sur la coque du navire, et une tâche de rouille là où se trouvait la manille.
Gouverner ce navire lourdement chargé à deux, était une prouesse qui ne pouvait être facilement prolongée. Aussi fut il décidé de faire escale à l'île de  Santa Maria dans l'archipel des Açores pour recruter deux matelots. Ainsi fut fait, mais ils ne trouvèrent personne qui acceptât d'embarquer pour être commandé par une femme.
Florane n'en fit pas un drame. De tous les évènements passés, seule l'escale fut notée dans le journal de bord. C'était le vingt cinq Novembre mille huit cent soixante douze.
Le lendemain, le vent était favorable, et la goélette avançait bien. Albert Jackson était à la barre, et arriva précipitamment pour réveiller Florane. Celle-ci dormait paisiblement dans les bras de Sarah. Amiya qui veillait comme toujours, promit  qu'elle allait réveiller sa maîtresse. Florane fut sur le pont en quelques minutes. Jackson se tenait grimpé sur le roof, et regardait l'horizon à la longue vue.
« De quoi s'agit-il ? » Demanda Florane.
« Il me semble que c'est une frégate corsaire. Je ne distingue pas le pavillon, mais c'est un bâtiment de guerre. C'est certain.
« Hissez le pavillon de détresse et mettez en panne.
-Il vaudrait mieux prendre la fuite !
-Et vous voulez fuir jusqu'où ? Non, il nous faut discuter avec ces gens.
-Comme vous l'entendez Madame, mais nous prenons un gros risque.
-Beaucoup plus que vous ne l'imaginez. Mais ne craignez rien, je m'occupe de tout. Jackson dubitatif s'occupa de la manœuvre.

Effectivement, c'était une Frégate, trois mâts deux ponts, avec une rangée de canons impressionnante. Un navire taillé pour la course. Mon pauvre monsieur pensa t elle. Fuir devant une bête de course de cette race ? Florane avait tout compris de la marine à voile. Elle savait d'instinct ce que bien des capitaines n'ont jamais appris.

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La frégate s'approcha, on put distinguer son nom :
« O Bonito Indifférente » Elle ralentit son allure. Les manœuvres de rapprochement pour qu'elles s'effectuent en toute sécurité, prirent plusieurs heures. Puis les deux navires furent bord à bord, la goélette semblait minuscule auprès de la frégate.

Florane distinguait nettement le capitaine, debout sur la passerelle. Des hommes s'affairaient, la discipline était visible. Quand les hommes furent prêts, sur un geste du capitaine, ils s'élancèrent à bord de la goélette. En quelques secondes ils rassemblèrent le capitaine les trois femmes et le bébé sur le pont et attendirent les ordres. Sur un geste du capitaine, les femmes furent dirigées vers la frégate, montèrent à bord à l'aide de l'échelle préparée à cet effet. La goélette était maintenant solidement amarrée à la frégate.
Les trois femmes furent invitées à gravir les degrés de la passerelle. Elles se trouvèrent face au capitaine. Celui-ci les dévisagea, avec ce qu'il semblât à Florane, quelque peu d'amusement.
« Qui est le capitaine ? Où sont les matelots ? » Il s'exprimait en Espagnol.
Florane s'avança sans crainte.
« Je suis le capitaine, et il n'y a plus de Matelots.
« Vous n'allez pas me faire croire que vous n'êtes que quatre et le bébé pour manœuvrer ce navire ?
- Si capitaine, c'est une situation récente que je souhaite vous expliquer. Mais avant je souhaiterais que vous preniez soin de  mes amies qui ont eu à subir beaucoup d'épreuves.
-Ce sera fait madame. Et disant cela, il suffit d'un mouvement du menton pour que les deux femmes soient entraînées vers les cabines.
Le Capitaine invita Florane à le suivre. Ils entrèrent dans le carré du commandant. Tout semblait être en ordre et respirait la  propreté. Il invita Florane à s'asseoir dans un grand fauteuil face au bureau.
« Je suis le Capitaine Lusciano d'Aveiro. Je suis le commandant de cette Frégate de la marine Prussienne, que j'ai capturée le mois dernier. J'ai compris que ce navire naviguerait aussi bien avec moi qu'avec un Capitaine Prussien. D'où le nom que je lui ai donné : « La Belle Indifférente » Je suis un corsaire Portugais, en mission pour servir le gouvernement français. Sous le couvert du pavillon Portugais, nous chassons l'Allemand, ce qui est bien sûr contraire aux règles de la guerre qui vient de se dérouler. Nous ne sommes pas des tueurs assoiffés de sang, simplement des gens de mer qui font leur métier. Nous vous viendrons en aide si nos intérêts concordent, nous vous débarquerons dans le premier port dans le cas contraire. Nous n'avons aucune obligation envers vous. Maintenant je vous écoute.
Florane n'avait pas cessé d'étudier le capitaine. C'était un homme jeune, moins de quarante ans assurément, d'un port altier pour ne pas dire hautain. Il semblait avoir des manières de « gentilhomme » comme on disait dans le temps. Il était grand, le visage hâlé, la chevelure bouclée plutôt blonde. Il paraissait athlétique, et exhalait son autorité par tous les pores de son personnage. Florane le trouva d'emblée poli, éduqué, ouvert à toute discussion. Beaucoup de ses semblables auraient mis leurs prisonniers aux fers pour discuter d'une rançon ensuite. En un mot le capitaine lui parut séduisant, et sans détours, elle décida d'instinct de jouer franc jeu avec lui.
Le capitaine écouta Florane durant le temps qu'il fallût pour être pénétré de la réalité du récit qui lui était présenté. A la suite de sa présentation, Florane demanda :
« Capitaine, puis je être rassurée sur le traitement réservé à mes amies ?
-Vos amies seront traitées comme des reines avec le plus grand respect. S'il devait en être autrement, le fautif serait châtié de mes mains immédiatement. »
Florane parut rassurée. Le Capitaine après quelques instants répondit :
« Je vous remercie de la relation que vous venez de me faire, des évènements qui vous ont conduits ici. Je sais, et quand je dis « je sais » c'est que je sais, que vous me cachez une partie de la vérité. Ce n'est pas forcément une trahison, j'en conviens, et je me doute que vous ne voulez pas révéler tous les éléments de votre mission. Voilà ce que je vous propose : Je vais me rendre seul sur votre navire pour en faire l'inspection. De cette façon, les ombres de votre récit seront dissipées, et personne d'autre n'aura connaissance de vos secrets. Il est sûr que si ce que je vais découvrir est contraire à ma mission, vous en paierez le prix.
- Je le conçois. Les missions du capitaine Briggs ont toujours été pour le service de l'Amérique, il n'y a aucune ambigüité.
-J'en suis persuadé. Je connaissais le capitaine Briggs. Sa réputation a fait le tour de la planète. Mais je me dois de faire cette vérification.
- A votre convenance Capitaine. »
Celui-ci frappa à la porte, d'un signe du menton, le matelot comprit qu'il devait rester là à surveiller Florane, puis il prit congé.
Il revint presque une heure plus tard.
« J'ai vu ce que je voulais voir. J'ai entendu ce que vous ne vouliez pas me dire. Je vous invite à ma table pour le souper, nous discuterons, vous serez mes invitées. J'aurai toute la nuit pour réfléchir à notre situation, et demain, je donnerai mes ordres.
- Et notre navire ?
- Rassurez-vous. J'ai  placé deux hommes à bord, un « bout » relie les deux navires, la mer est calme, Il ne peut rien arriver.
- Je vous en remercie Monsieur »

MaryCeleste 220 Le repas fut servi dans la cabine « Amiral » Les trois femmes, et le capitaine étaient les seuls convives. Monsieur Jackson n'était pas invité. Il semblait à Florane Que le capitaine avait des idées bien arrêtées sur leur situation. Après s'être installés autour d'une nappe blanche, le capitaine prit la parole. Il ne parlait pas l'anglais, encore moins l'américain, il parlait l'espagnol, le portugais ou le français. La conversation se fit donc en français, les québécoises ne furent pas, de cette façon, tenues à l'écart.

« Madame Briggs, je vous présente mes condoléances. Tous les hommes de mer connaissaient Monsieur Briggs, et c'est sûrement le marin le plus admiré qui fût. Mademoiselle Amiya, je tiens à vous faire compliment de votre beauté. A bord de ce bateau, ne se trouvent que des militaires. Il ya un commandant et des soldats, il n'y a donc ni maître ni valets. Je vous considère donc comme une femme libre, à l'égal de ces deux personnes.
-Amiya fit sa révérence, et répondit avec grâce :
« Monsieur, je vous sais gré de votre sollicitude. Je voudrais toutefois vous faire savoir que je n'ai trouvé la liberté que le jour où j'ai rencontré Madame Briggs. Ce jour là, j'ai acquis de mon propre désir la liberté de la servir et de l'aimer.
- Et vous Mademoiselle, je tiens à vous dire que je suis totalement admiratif de la façon dont vous avez réglé le problème de cette mutinerie. J'aurais agi exactement de la même façon avec sûrement plus de violence et moins d'élégance. Comptez sur moi, si d'aventure vous aviez besoin d'un témoin.
-Je vous remercie capitaine. Je ne suis pas d'une nature violente. Mais je ne peux supporter la barbarie, et je ne lui trouve aucune excuse. Il m'était intolérable d'imaginer le deuil de mon amie, alors que le meurtrier continuerait à vivre, avec qui sait, le risque d'une récidive.
- Notre civilisation vivra une fin prématurée, si elle n'est pas capable de se débarrasser des intégristes. Mais permettez-moi de mieux me présenter : Je suis issu d'une famille modeste, de paysans élevant la vigne. Mes parents ont tout sacrifié pour que je puisse recevoir une éducation. J'ai fait des études pour devenir avocat.  La justice a toujours été le seul idéal de ma jeunesse. Je n'ai pu aboutir faute de moyens, quand la maladie a décimé les récoltes, j'ai dû m'engager dans l'armée. Il me restait que quelques mois avant le diplôme. L'armée a pris à son compte mes études universitaires, j'ai pu passer mes examens et je n'ai eu aucun mal à devenir officier. Ce métier me plait, j'y rencontre des gens extraordinaires, dont vous serez sûrement la plus belle image qui perdurera dans mon souvenir.
- Visiblement le capitaine a hâte de se débarrasser de nous ! » S'exclama Florane.
« Détrompez vous, c'est bien la première fois que je me confie de cette façon et que je parle de moi aussi facilement.
- Parce que vous avez senti que nous étions à l'écoute. Nous vous félicitons capitaine, et vous remercions de l'accueil que vous nous avez réservé. Nous allons nous retirer, et demain, nous parlerons, si vous le voulez bien.
-Je vous souhaite la bonne nuit sur « La Belle Indifférente ».
Les trois femmes se retirèrent dans leur cabine. Pour dormir il y avait trois hamacs. En voyant cette installation, elles partirent d'un grand fou-rire.
« Dommage » déclara Sarah, j'aurais aimé être aimée cette nuit.
- Ne crains rien Sarah, je suis là.
- Et moi aussi. »

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C'était Amiya qui avait ajouté ces derniers mots.

« Amiya cher amour, tu crois que je ne sais pas que tu te transformes en petite souris la nuit venue pour nous apporter le bout de plaisir qui nous manque ? Soit bénie ma douce amie, tu as toujours été une femme libre dans mon cœur. Et nous ferons l'amour librement au soleil toutes les trois.
-Bonne idée, l'amour des femmes est inépuisable. Je vous demande seulement de ne pas couper les cordes du hamac. Bonne nuit mes chéries. Florane venait de se coucher, elle avait des rêves à vivre.
Le lendemain matin, le Capitaine réunit les femmes pour le petit déjeuner.
« Lors de l'inspection de votre navire, que j'ai effectué seul je vous le rappelle, j'ai trouvé ce que le Capitaine Briggs avait dissimulé dans le fond de la cale. En vérité, j'étais sûr de ce que j'allais trouver. A chaque jour suffit sa peine. Aujourd'hui, nous allons transporter la cargaison de la Goélette sur la Frégate. Ensuite nous abandonnerons la Goélette, car je ne peux me séparer de mes marins pour reconstituer votre équipage. Peut être que son armateur la retrouvera. Il n'y a pas beaucoup de vent, elle ne quittera sa position que très peu, elle sera vite repérée.
- Pourquoi ne pas plutôt la couler ?
- Nous allons en faire un vaisseau fantôme, les folliculaires sont friands de ce genre d'histoires.
- Un vaisseau fantôme ?
- Oui, un navire qui continue son voyage sans personne à bord. Il faut faire en sorte de faire croire que l'équipage et les passagers ont quitté le navire précipitamment, emportés peut être par Poséidon ou par un serpent de mer ! Ce genre d'histoire foisonne dans tous les livres de marine. Ce sera le dernier vaisseau fantôme de la marine à voile ! »  Florane ne parut pas convaincue du bien fondé de cette décision.
Le transbordement fut réalisé avec de gros moyens. La manœuvre fut rapide, et heureusement, car la mer devenait grosse.
A la première grosse vague, la « bigue » vint heurter violemment le roof de la goélette en brisant quelques morceaux du toit..
Le Capitaine fit enlever les instruments de navigation, il en fit don à Florane :
« Ils sont gravés aux armes du capitaine Briggs, Je pense que Madame Briggs sera d'accord avec moi pour dire que vous les méritez. »
Puis il remit debout tous les objets que le choc avait fait tomber. Il laissa le carnet de bord tel qu'il l'avait trouvé, Mme Briggs laissa quelques vêtements épars. Il n'y avait plus de canots, tout était parfait. Il ne restait plus qu'à desserrer les écoutes pour que le bateau puisse errer au gré du vent. On retira le bout, et c'est avec grande émotion qu'ils virent la Mary Céleste disparaître dans la brume rougie du soleil couchant. L'orage éclata avec violence. Une pluie diluvienne s'abattit sur les eaux brusquement agitées. Il allait pleuvoir dans la cabine du capitaine.
« Je pense malgré tout, qu'il aurait été plus judicieux de la couler » Se répétait Florane. » "



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Par eve anne
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