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  • : Le blog d'eve anne, Madrid.
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Heure d'Hiver

   

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   L'Hiver

 

 

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Vulnerant omnes
Ultima Necat

 

 

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Je suis comme je suis,
Je plais à qui je plais.

ego sum ego sum
sicut qui similis

 

 

 

 

Bonne Année



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Extraits

 

Rencontre en Forêt
carrefour11

J’ai fait une sortie hier soir en fin d’après midi, et je ne sais pas pourquoi, j’ai pris mon VTT au lieu du vélo. Dans les chemins de la forêt j’ai été doublée plusieurs fois par le même gros 4-4. J’ai eu l’impression que le mec voulait attirer mon attention. J’ai remarqué, au moment où il me doublait qu’il ne portait rien, il était torse nu. Nos regards se sont croisés, Puis il est parti loin devant. Il faisait doux, pas de vent, la forêt sentait bon. . . . . . . . . Un peu après, au coude du chemin, j’ai vu le 4-4 arrêté, dans un endroit où le chemin se rétrécissait, il n’y avait plus de place pour passer à droite, le taillis touchait la voiture, et un tout petit passage à gauche. 

La devise du Quebec
Hôtel du Parlement - Copie

Québec hiver 1876, en fin de matinée le soleil donnait à la ville gelée, les mille feux du diamant. Le froid était vif et les passants emmitouflés étaient peu nombreux. Pourtant, sur le trottoir ensoleillé, un homme ne semblait pas ressentir de gêne à déambuler tête nue, normalement vêtu, ou plutôt anormalement vêtu dans l’air glacé. Il n’avait pas de gants, et son regard bleu était perdu dans le rêve où il flottait. Il tenait à la main un petit rouleau de papier, et ce feuillet enroulé faisait de lui l’homme le plus heureux de la terre. Il suffisait de le regarder pour remarquer le sourire qui illuminait son visage d’homme intelligent et déterminé. Il venait d’avoir quarante ans, son allure était alerte, et son élégance impeccable attirait le regard.

Le testament de Benjamin  Briggs
Le testament de Benjamin Briggs

Les arbres du square Victoria commençaient à dérouler leurs feuilles. Florane-Marie D’Auteuil avançait à pas légers le long de la bordure du trottoir de la rue du Square Victoria. Malgré le soleil qui avait embelli la journée, l’air était encore frais. Elle tenait bien fermé contre sa gorge le col de fourrure de son manteau d’hiver. Florane était la fille d’un diplomate français décédé au cours de l’hiver dernier. Après un séjour de trois ans en Bavière. Elle vivait à Montréal depuis deux ans. Elle s’y plaisait mieux, et il y faisait moins froid qu’à Québec. Elle trouvait aussi la ville plus moderne et plus vivante. Elle ne venait pas souvent dans le parc, elle était généralement occupée dans l’institut où elle travaillait le plus souvent.

 Autoroute du Nord
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Autoroute du Nord, nuit de samedi à dimanche, 2 heures du matin, la chaussée est luisante, la pluie n’arrête pas de tomber, depuis des jours et des jours. Échangeur de Bapaume, les lumières de la cité toute proche se mêlent aux lumières bleues des gyrophares des ambulances et des voitures de gendarmerie. Les clignotants jaunes du Samu, et de puissants projecteurs éclairent une zone d’activité intense. De la fumée, des cris, des ordres jetés, des silhouettes fluorescentes s’agitent dans toutes les directions. Une très forte odeur d’essence s’est répandue, tout se déroule au milieu du bruit infernal des groupes électrogènes et des compresseurs. De l’autre coté du muret central les bolides ralentissent à peine sous l’œil préoccupé des gendarmes trempés.

            La Massane
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Les premières gouttes de l’averse s’écrasaient bruyamment sur les dalles de pierre. Lucile venait de refermer la porte du garage de l’hôtel, il était temps, à peine avait-elle reçu quelques gouttes. Elle adossa son vélo contre le mur et plaça avec soin l’antivol d’acier. Elle remonta directement à sa chambre par l’escalier de service. Il faut dire que l’équipement cycliste bariolé de réclames et de couleurs vives n’est pas tellement seyant pour les femmes habituées naturellement aux arcanes de l’élégance. Elle ouvrit tout de suite la fenêtre, et contempla avec ravissement l’orage au plus fort de sa fureur. Le tonnerre était d’une violence inouïe, et l’écho renvoyé par la montagne toute proche amplifiait les grondements incessants. 

Les Travers de Ms Philipson
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Le trajet entre Paris et Londres en Eurostar n’allait pas être suffisamment long pour calmer l’excitation de Magali. Elle regarda sa montre; dans 5 minutes ce sera le tunnel, et moins d’une heure pour arriver gare de Waterloo. Quinze jours auparavant, Magali avait quitté le lycée un peu plus tôt, pour absence de son professeur d’Anglais. C’est ce qui explique qu’elle ait elle-même ramassé le courrier dans l’entrée de l’immeuble cossu, rue de Turbigo, tout près de la place de la République. Au milieu d’un amoncellement de publicités, journaux, lettres etc, l’une d’entre elles lui était personnellement adressée. C’était une enveloppe anonyme, sans flamme ni cachet, ni marques reconnaissables. Elle attendit d’être à l’intérieur de l’appartement qui surplombait magnifiquement la capitale, pour ouvrir le pli qui, a priori, ne lui disait rien de bon. Elle monta directement dans sa chambre, d’où l’on découvrait toute la partie nord de Paris, jusqu’à la butte Montmartre, à demi visible dans la brume de printemps en cette fin d’après midi.

         La brosse à Dents
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Ce n’était pourtant pas un jour exceptionnel. Un samedi comme un autre, sauf que c’était l’été, que la chaleur était déjà accablante, et que je me sentais légère, en pleine forme et heureuse. Pourquoi ? Je ne saurais le dire, j’étais bien c’est tout. Madrid était une fournaise, mais cela faisait maintenant pas mal de temps que je m’y étais installée, et franchement, je ne regrettais rien. Ma fille était avec moi, et le samedi matin nous avions pris l’habitude de faire nos courses pour la semaine. Il était encore tôt, mais nous n’étions pas pressées, bien qu’étant attendues pour déjeuner à la finca où nous avions nos amis. Nos amis et nos habitudes, c’est là que nous avons logé avant de trouver cette petite villa du nord de Madrid, avec sa petite piscine et ses pins parasols. Cette villa, nous l’avons louée toute meublée. C'est-à-dire avec le minimum, ce qui lui donnait un genre particulièrement spartiate avec ses murs blancs et ses meubles foncés. On s’y était attachées, et pour nous, c’était le paradis. Nous n’avions plus que quelques achats de peu d’importance, mais je devais passer absolument à la pharmacie pour acheter de l’huile solaire.

 Résistance et Trahison
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Le 19 mai 1940 restera à jamais le jour le plus sombre de l’histoire d’Amiens. Tandis que le général de Gaulle, à la tête d’une division blindée, contient l’avancée des troupes allemandes dans le Vimeu et la région d’Abbeville, l’armée nazie bombarde la ville préfecture de la Somme. Tout le centre-ville et les gares de chemin de fer sont rasés. L’ancien secrétaire général de la Somme, Jean Moulin, apprend la nouvelle de la destruction de la ville, et revoit dans ses récents souvenirs la belle cité telle qu’il l’a connue, la préfecture d’Amiens et son propre bureau où il a travaillé au service de l’État. Il n’accepte pas que tout cela soit souillé par la présence ennemie. Amiens s’enfonce dans quatre années de souffrance et de terreur. La communauté amiénoise se divise. Certains acceptent la fatalité. D’autres la refusent et résistent. Et d’autres encore se mettent du côté des plus forts. Jean-Marc Laurent n’a que 16 ans en 1942 lorsqu’il entre dans le réseau “Centurie”. Simple cheminot, il intègre les FTP, unités combattantes clandestines. Il participe à de nombreuses opérations contre l’armée allemande.

  La Chapelle St Domice
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Depuis que Karen avait disparu, Adrianne vivait l'enfer. Elles étaient amies de longue date. Ce qui semblait être pour les autres une camaraderie d'adolescentes était en réalité un grand amour partagé. Karen et Adrianne poursuivaient avec brio leurs études de médecine. L'une serait Sage femme, et l'autre voulait être gynéco. Elles n'en étaient pas encore là, elles avaient encore quelques années à travailler comme des esclaves pour espérer arriver à quelque chose. Karen et Adrianne étaient des filles sans histoire. Discrètes, inséparables, Elles étaient admises et aimées par les étudiants de leur université. Elles étaient lesbiennes disaient quelques-uns, elles étaient amoureuses disaient les autres. Certains, les plus proches, disaient qu'elles s'aimaient passionnément. Toutes deux très jolies, leur sourire n'avait d'égal que le pétillement de leurs prunelles. Elles étaient gaies (joyeuses) elles aimaient la vie, elles aimaient le monde, les fleurs les animaux, elles étaient surtout le reflet du bonheur total. Mais tout cela, c'était avant. Avant ce terrible accident qui emporta en quelques secondes la vie de Karen. . .

              Aneseau
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Tout à côté du lieu dit « La Pierre aux Fées » à quelques pas du vieux château, à la lisière du grand bois qui bordait jadis le village de Folleville, elle vivait dans une pauvre chaumière. « La Vieille Dame » ! C’est ainsi qu’on l’appelait aux alentours, vivait en recluse, et ne sortait que le soir venu. On la craignait. On l’évitait .Elle possédait, dit-on, des pouvoirs démoniaques : « Elle jette des sorts, elle mène les loups les nuits de pleine lune …» C’est ce que l’on chuchotait, à l’abri des regards de peur d’être entendu de La Vieille Dame. Ou peut-être même des adeptes de ses remèdes ou de ses pratiques. En effet, on lui prêtait également bien d’autres pouvoirs, elle n’avait pas son pareil pour combattre la fièvre. De bon matin elle vous faisait marcher dans l’herbe d’un pré couvert de rosée, cueillir par-ci, quelques poignées de feuilles de plantain, les jetant par-là, derrière, sans vous retourner. La pratique était efficace, autant que celle qui consistait à guérir les maux de ventre en prenant à jeun une infusion de la deuxième pelure du sureau qu’elle avait cueilli à la nouvelle lune, en récitant une prière aux saints Côme et Damien.

     Destruction Massive
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Saddam est un homme qui doit être intelligent, et dangereux, Il a déclenché une guerre qu'il n'a pas su gagner, et s'en est pris plein les yeux. C'est maintenant un homme blessé, parce qu'il a perdu devant l'Occident et ça, il ne le pardonnera jamais. Il rumine sa vengeance et son esprit tordu imagine des milliers de scénarios tous plus terrifiants les uns que les autres. Il a beaucoup investi dans la fabrication des armes bactériologiques et chimiques, et les ateliers de fabrication de ces potions tragiques ont été vite reconstitués. Aujourd'hui il tient sa vengeance, il a convoqué ses fidèles pour leur faire part de son plan, leur demandant leur appui pour le mettre à exécution. En ressortant de son bureau, sur les trois "généraux" dans le secret, deux se sont suicidés, pour ne pas avoir à accomplir cette tâche, tant elle était terrifiante, irréversible et incontrôlée. Et le déroulement des opérations a commencé. L'arme absolue: Les Kurdes, et la compassion de l'occident pour les martyrs de l'Irak. Il fallait y penser.

  L'Infirmière d'Ambazac
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« Bonjour, excusez moi de vous déranger, je m’appelle Ghylaine, et je suis infirmière à Ambazac. » Laurence se retourna, et fut surprise de la vision qui s’offrait à elle. La jeune femme était assez jolie, la trentaine, brune et le visage assez fin. Elle était un peu plus grande, très mince, les cheveux mi-longs, coiffés « à la diable ». Le maquillage assez discret, un rouge à lèvres très rouge, les sourcils très noirs, les paupières ombrées. Un grain de beauté sur la lèvre supérieure gauche. Le premier examen était favorable. Ghylaine souriait, Laurence lui rendit son sourire. « Je suis Laurence, et je n’ai pas besoin de piqûres ! Que puis- je pour vous ? —Voilà, je vous ai aperçue au concert d’Aixe-sur-Vienne samedi soir. Je vous ai vue prendre des photos, j’en ai pris aussi, je vous propose que nous les regardions ensemble. » Le sourire ne l’avait pas quittée en prononçant ces mots. Laurence trouva l’idée excellente, quoique peut être un peu intéressée :

      Les Etoiles Eteintes
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Sarah restait dans le mausolée pour mieux méditer. Elle appréciait que le décor soit aussi sobre, que le lieu soit aussi calme, que la lumière soit diffuse, et la fraîcheur aussi agréable. Seul flottait dans l'air ce parfum de géraniums, mêlé à celui de la canne à sucre, omniprésent à Saint-Benoît de La Réunion. Elle tira la porte derrière elle. Coupée du monde extérieur, elle serait mieux pour prier et se recueillir sur la tombe de sa belle amie. Elle aimait ce mur de marbre brut, ce dépouillement de tout objet de culte: pas de croix, pas de Christ, pas de Maries. Dehors, les géraniums en fleur ceinturaient l'édifice, mais dedans, aucune fleur, que la pierre, le marbre, la lumière. Une plaque de bronze sculptée à l'effigie d'une jeune femme aux longs cheveux épars, au visage fin comme l'avait Florane quand elle était arrivée dans sa vie. Pour que cet endroit soit tel qu'il est, Florane avait dû en définir tous les détails elle-même. Sarah pensait que le service des pompes funèbres pourrait peut-être lui donner quelques détails sur les derniers jours de Florane, et peut-être, qui sait, lui faire rencontrer les gens qu'elle connaissait, ou même qu'elle fréquentait ?

      L'Adjudant Moreau
gendarmerie-nationale

Roger Lheureux arriva au 4 rue de Seclin. Il était 9 h 15. L’ouverture de la centrale était à huit heures. Quand il lança un « salut » à la ronde, aucun de ses collègues ne lui répondit. Roger n’était pas à proprement parler un bon copain, mais il était le numéro deux de la centrale syndicale départementale, et à ce titre, il était plus craint que respecté. Ce qui choquait ses collègues de travail, c’est qu’il arrivait régulièrement en retard, et généralement dans un état de violence éthylique mal dissimulé. Chaque matin, Roger faisait une halte au « Café de la Savonnerie » situé juste en face de l’usine qui produisait des millions de tonnes de lessive en poudre. Dans ce café, nul besoin de passer sa commande, le patron vous sert d’emblée un café accompagné d’une « bistouille ». La bistouille étant ce petit verre de genièvre qu’il fallait boire en premier lieu et vider le second verre dans le café. Souvent on remettait ça, et après la deuxième ou troisième bistouille, on allait travailler. À cette époque, les accidents du travail étaient nombreux, et bien sûr, l’employeur était toujours l’unique responsable.

        Un Douze Avril
Joëlle et moi

Un 12 avril …. Oui c’était un 12 avril, je m’en souviens très bien, c’était le jour d’anniversaire de ma maman, et j’étais allée déposer une potée de tulipes sur sa tombe, des tulipes perroquets rouges et blanches, ses préférées. C’était la fin de l’après midi, à l’heure où le soleil, bas sur l’horizon, allonge les ombres, et colore la nature du vert jaune des feuilles naissantes, du bleu de ciel et de blanc nuages. Il faisait beau, il faisait doux. Sur l’autoroute il y avait peu de circulation ou du moins elle était fluide. Pas d’excès de vitesse, j’étais en balade. Je rentrais chez moi, il me restait tout juste une demi-heure de trajet. J’arrivai à proximité d’une aire de repos : « Aire de Tilloloy Ouest » et machinalement je mis le clignotant, je ralentis dans la chicane et débouchai sur le grand parking. Je m’arrêtais souvent à cet endroit, d’abord parce que sur mon trajet habituel je n’ai pas tellement le choix, mais surtout pour le bois qui entoure ce parking, c’est vraiment très forêt, c’est superbe.

            Joyeuse Noelle
Joyeux Noelle

Pour moi, Noel est rarement joyeux. Ici, là où je vis, à Madrid, La Navidad se fête bien entendu, mais ce n'est pas le même Noel qu'en France. Les jouets pour les enfants sont offerts le jour de l'épi Fanny, La Navidad est surtout une fête religieuse, où la messe de minuit se paie l'intérêt général. Autre raison et pas des moindres, ma grande fille rejoint son père en France. Ainsi elle ne souffre pas d'un dépaysement total. Voir son père, c'est bien vite dit. C'est un homme orgueilleux, très occupé, pas du tout papa gâteau. Mais Axelle a le coeur sur la main et elle accepte avec le sourire l'accueil réservé de son papa. Heureusement, le papa s'est remarié, forcément, il avait besoin d'une esclave pour lui porter le café au lit. Cette esclave s'appelle Rachel. C'est une de mes amies, elle est très belle, nous nous aimons beaucoup, en secret bien sûr. Je crois qu'elle est plus jolie que moi, un peu plus jeune il est vrai, Nous nous voyons rarement maintenant que je suis expatriée. Elle s'occupe très bien de ma fille, elle l'adore, elle n'a pas d'enfant, tous ses efforts n'ont jamais abouti. Rachel est pharmacienne. Son officine n'était pas très loin de mon immeuble, ainsi je ne rechignais jamais à aller me chercher les rares médicaments que je prenais. J'ai toujours fait beaucoup de sport. Du vélo, de la piscine. C'est ce qui me vaut sans doute d'être encore présentable aux 44 ans que je viens de fêter il y a deux jours. Rachel aussi fait du sport, mais en vraie compiégnoise, elle a choisi de faire du cheval.

         Le Petit Laurent
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Entre son bonnet bleu et son masque de chirurgien, on ne voyait que ses yeux noirs. Pourtant, quand il tournait son regard sombre vers l’une ou l’autre d’entre nous, on comprenait instantanément ses désirs, sans qu’il eût prononcé la moindre parole. J’étais devant lui, et j’étais l’assistante de l’autre chirurgien qui lui faisait face. L’entente des deux hommes était remarquable, c’était le meilleur « bloc » de tout l’hôpital. Je passais les instruments qu’on me réclamait, tout en essayant de ne pas regarder le champ opératoire, je ne m’y habituerai jamais. Pourtant, délimité par le drap bleu ciel et les linges blancs tâchés de rouge, l’ouverture ne ressemblait à rien que l’on puisse identifier, sans être du métier. Moi je ne l’étais pas, je passais les outils, comme une autre fille aurait pu le faire aussi bien. Et pour ne pas regarder l’opération en direct, je portais les yeux sur le chirurgien aux yeux noirs, ou sur son assistante qui me faisait face, dont les yeux étaient d’un bleu sauvage. De l’assistante on ne voyait que la proéminence de son imposante poitrine.

 Le Chaos de Targasonne
Le Chaos de Targasone

Sur les hauteurs des Pyrénées-Orientales, la Cerdagne est un vaste plateau ensoleillé, un encorbellement entre le mont du Carlit, et celui de Puigmal, tous deux culminants aux alentours de 3000 mètres. La Cerdagne est à une altitude de 1600 mètres en moyenne, et elle a la particularité d’être une région fertile, bien que de haute montagne, puisque l’on y récolte des céréales, du blé principalement. On y vient de Perpignan par la route qui monte à Font Romeu, ou par le côté Espagnol en traversant l’Andorre. Dans la partie occidentale de la Cerdagne, on trouve un lieu particulièrement mythique, « Le Chaos de Targasonne » Plutôt qu’un lieu, on pourrait dire un pays, voire une région, puisqu’il s’étend sur 50km. Le Chaos est un amoncellement de roches granitiques -par exemple- dont l’origine et la formation ne paraissent pas évidentes. Curieusement, on trouve aussi ce genre de relief dans la forêt de Fontainebleau ou dans la Lozère.

        Le Coupe Chou
Le coupe chou-1

S’il existe un lieu magique à Paris, c’est bien la gare de Lyon. Pas cette gare TGV souterrainement austère et sans âme, mais la gare de surface, la vraie, celle qui fait vibrer le cœur dès que l’on aperçoit l’horloge, du boulevard. J’ai toujours aimé les trains, depuis ma plus tendre enfance quand, avec mes parents et ma sœur, nous partions à la mer. La Gare de Lyon à l’heure des grands départs est habitée d’un esprit particulier. Peut-être est-ce simplement la concentration des voyageurs en attente. C’est cette odeur particulière, faite d’humanité, d’ozone et de poussière. Ce grand espace face aux quais, animé de ses panneaux affichant les horaires, et les milliers d’yeux, levés vers les chiffres verts qu’ils ne semblent pas comprendre. Et puis ce sont tous ces jeunes avec sacs au dos, assis sur les murets des escaliers descendant au sous-sol. Ils fument, ils mangent d’énormes sandwiches, vident quantité de boîtes de bière ou de Coca. Ils dorment ou s’embrassent, l’amour des fois, se fout du décor. En haut de l’escalier, ce superbe restaurant : « Le Train Bleu » qui fit briller de ses ors, la redoutable Nikita, alias Anne Parillaud.

            Jolie Luna
Lena Gercke

Sur les pavés de la place St Jacques, Rachel avait beaucoup de difficulté à marcher avec ses talons aiguilles, et se casser un talon maintenant, ne serait pas pour lui remonter le moral ! Rien n’allait vraiment bien depuis une semaine. Elle avait du mal à effacer de son esprit ce qui s’était passé, et ce soir-là, elle n’avait pas envie de rentrer chez elle, et de se retrouver seule avec ses idées noires. Sa petite fille était pour le week-end chez sa grand-mère. Elle entra dans le café le plus proche. Le Coq d’Or l’un des plus joliment décorés de la ville. Elle n’était pas une habituée des lieux, d’ailleurs elle entrait rarement dans un café. Il y avait du monde, de la musique jazzy, de la fumée, comme dans tous ces endroits-là, en fin d’après-midi. Elle s’approcha difficilement du bar et demanda un Tonic. Le barman la servit, puis, son verre à la main, elle chercha dans la salle un endroit libre pour se poser.

            La Mante
Les DrusCouleur

Je la reconduisis à la porte. Les quelques pas qu’elle fit devant moi suffirent à provoquer mes plus secrètes fêlures. Sa démarche, ses bottines à hauts talons, son jean élimé aux fesses, ses fesses rondes perchées sur des jambes interminables, ce perfecto, qui était choisi sans doute uniquement pour mettre ses fesses en valeur, et cette chevelure de jais, coupée court, très bas sur la nuque, avec cette mèche savamment rebelle qu’elle remettait en place d’un mouvement de tête des plus étudié. Deux anneaux dorés apparaissaient alternativement au rythme de son pas décidé…..Elle s’arrêta sur le palier, se retourna… Gros plan sur une poitrine agressive, moulée dans un pull col roulé blanc. Visage bronzé, ses yeux noirs lancèrent un éclair, histoire d’humaniser son sourire crispé. Elle commença à descendre les degrés, je fermai la porte appuyai mon front sur le chambranle, et je restai ainsi les yeux fermés, imprégnée de ces images qui repassaient en boucle, dans mon souvenir immédiat.

      Les Jeux de St Elme
Les Jeux de St Elme

Juin 1999 ! décès de mon père, puis en octobre, celui de ma mère. Après 63 années de mariage, la pauvre femme n'a sans doute plus estimé utile de continuer à vivre. Ils ont ainsi rejoint au paradis, leur fille décédée neuf ans plus tôt, à l'âge de quarante-huit ans. Il avait quatre-vingt-sept ans, elle en avait quatre-vingt-deux. Ils ont donc élevé trois enfants : deux filles et le garçon que je suis. Quelques mois plus tard, il fallut se décider à tirer un trait sur la matérialité de leurs existences : Vendre la maison où nous avons grandi, et la débarrasser de tous les meubles et objets leur ayant appartenu. Voir la maison de notre enfance complètement vide fut pour ma sœur et moi, une douloureuse épreuve. Au moment de charger les derniers cartons, ma sœur me désigna celui qui était resté un peu à l'écart.

     Les Jours de Liesse
Les Jours de Liesse

Il faisait un temps superbe ce jour-là. Dans la petite bourgade de Saint André, cette petite ville touristique de Haute-Provence près du lac du Castillon, la saison touristique était à peine commencée. Pourtant, il y avait pas mal de monde en ville, et déjà quelques nageurs courageux dans les eaux glacées. Pour certains c’était déjà les vacances, mais pour d’autres, le travail était encore d’actualité. Il faisait déjà chaud. Pourtant, la ville est à neuf cents mètres d’altitude. Le soleil comme toujours dans cette région était de la partie. Derrière les baies vitrées des bureaux, les employés commençaient à souffrir de la chaleur. Heureusement, la matinée de travail touchait à sa fin. Guillaume avait l’impression que ses clients étaient convaincus, et qu’il remporterait ce marché difficile. Il était assez fier de cette présentation. Bien sûr, il n’était pas seul à avoir réussi à établir ce climat de confiance, qu’il sentait maintenant installé chez ses interlocuteurs.

   Les Tricots de Marguie
Les Tricots de Marguie

Marguerite Dupain était une femme au grand cœur. Pourtant on ne peut pas dire qu’elle avait été gâtée par la vie. Née de parents miséreux de la région de Douai, à Goeulzin plus exactement, elle avait, toute sa jeunesse, traîné ses galoches le long du canal, trouvant dans cette campagne ouvrière tous les motifs qui pouvaient alimenter ses rêves. Elle s’imaginait par exemple qu’un intrépide marinier l’emporterait un jour sur sa péniche, et l’emmènerait ainsi de l’autre côté du monde, là où il n’y aurait que joies et que richesses. Son père, fut l’un des derniers ouvrier de la dernière brasserie du village, et comme bien souvent, il était le meilleur client de son patron.

   Le Miracle Impossible
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C'est ainsi que Jésus parvint dans une ville de Samarie appelée Sychar, non loin de la terre donnée par Jacob à son fils Joseph, là même où se trouve le puits de Jacob. Fatigué du chemin, Jésus était assis tout simplement au bord du puits. C'était environ la sixième heure.Arrive une femme de Samarie pour puiser de l'eau. Jésus lui dit: "Donne-moi à boire." Ses disciples, en effet, étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger.Mais cette femme, cette Samaritaine lui dit: "Comment? Toi, un Juif, tu me demandes à boire à moi, une femme samaritaine!" Les Juifs, en effet, ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains.Jésus lui répondit: "Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit: "Donne-moi à boire", c'est toi qui aurais demandé et il t'aurait donné de l'eau vive."La femme lui dit: "Seigneur, tu n'as même pas un seau et le puits est profond; d'où la tiens-tu donc cette eau vive?

          Noire d'Ecume
Noire d'écume

Voyager est sûrement ce qui me motive le plus. Lorsque j'ai choisi de faire ce métier, je n'y avais pas spécialement songé, ou alors, ce n'était pas l'élément fondamental de mon choix. Et pourtant, c'est ce qui m'apporte le maximum de joies. J'adore voyager. Me rendre au pied levé dans telle ou telle ville, dans ce pays ou un autre, est pour moi le plus grand des plaisirs. Ce n'était pas a priori évident. Il faut apprendre à voyager, comme il faut acquérir l'envie de voyager. Tout ce que l'on va rencontrer sera un étonnement. Je ne dis pas un enchantement, puisque sur notre terre, il se trouve malheureusement quantité d'endroits d’où l'on a plus envie de fuir plutôt que de séjourner. Quand j'ai su que je devais me rendre à Cadix (Cadiz en espagnol), j'ai ressenti ce petit pincement au cœur, signe de plaisir intense. Ce n'était pourtant pas la première fois. Je m'y étais déjà rendue, en coup de vent, une seule journée, et je m'étais juré d'y revenir. Cette fois, j'étais décidée à rester le temps qu'il faudrait pour la visiter, et pour en ressentir l’ambiance et le passé.

              Soledad
Roissy

Elle est moche cette voiture, avec cette inscription comme un tatouage ridicule à l’arrière « Taxis Lefèbvre » « Longues distances » « Roissy-Compiègne » C’était une Espace Renault, ce gros machin carré qui, à peine parti était déjà arrêté deux cents mètres plus loin au premier feu rouge. C’était comme une hésitation, cette voiture arrêtée. C’était la dernière chance, soit d’en descendre, soit de courir pour la rattraper. Mais Jane ne bougea pas, et personne n’en descendit. Les yeux pleins de larmes, elle ne distinguait plus nettement le véhicule. Elle le vit repartir, tourner au coin de la rue et disparaître. Axelle lui serrait la main comme pour dire, « ne pleure pas je suis là ». Ce n’était pas la première fois que sa « tata » partait en voyage. Mais Jane bien sûr ne lui avait pas dit que ce départ était le dernier, et qu’il n’y aurait pas de retour. Ainsi va la vie des gens qui assument leurs choix, la vie est unique, il n’est pas toujours écrit qu’une rencontre change forcément la vie, la vie se vit en suivant le chemin décidé. La vie ne change pas toujours de vie.

              Manon
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Quand la boîte aux lettres fut ouverte, les trois quarts de son contenu se répandirent sur le sol. Manon se baissa, difficilement, car les talons et la jupe serrée ne sont pas spécialement faits pour cet exercice. Elle ramassa un à un tous les journaux de pub de télé, toutes les propositions des mages de la région, toutes ces enveloppes pleines de factures, et d’autres feuillets divers. Au beau milieu de ce fatras, un document attira son attention. Elle le plaça sur le haut de la pile que sa main contenait avec difficulté. Puis elle referma la boîte, se dirigea vers l’ascenseur, après avoir pianoté le digicode. Elle retrouva avec délice l’appartement illuminé de soleil, avec son parquet brillant, ses jolis rideaux de voile de lin, ses fleurs et ses tableaux, sa bonne odeur de parfums et de cire, cette odeur si caractéristique des alcôves féminines. Manon posa le tout sur la table du salon, et partit dans la salle de bain au cas où quelque réparation serait nécessaire. Il fallait qu’elle se change pour aller faire quelques courses au Champion tout proche. Ceci étant fait, elle jeta un coup d’œil sur le document qu’elle avait ramassé.

            Fait Divers
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A 300km /heure, le Thalys filait vers Bruxelles en longeant l’autoroute du Nord. Dans le compartiment de première classe, confortablement installé, bercé par le ronronnement régulier du TGV, Albert se laissait aller à sommeiller. Il adorait ce train, où le confort était parfait, le seul endroit où il savait pouvoir réellement se reposer. Il faut dire que sa vie était quelque peu agitée, et le stress prenait souvent le relais de la volonté et de la détermination. Il était installé sur le fauteuil à coté de la vitre qui donnait coté autoroute. Il savait que les voitures qu’il voyait, roulaient au moins à 150km/h. Pourtant, il avait l’impression qu’elles allaient au ralenti. Il remarqua une BMW qui sur la file de gauche doublait toutes les voitures avec une aisance étonnante. Malgré tout il la perdit de vue très rapidement. Sur les fauteuils de l’autre coté de l’allée, il y avait deux jeunes femmes, qui se regardaient en se parlant à voix basse, quelques fois un sourire illuminait les visages.

 

Les Dryades

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J'ai déjà par mes nouvelles, abordé beaucoup de sujets. Peut être font-ils partie de "tout le reste". Je ne suis pas une fervente admiratrice de Simone de Beauvoir, (sauf quand le rôle est tenu par la divine Anna Mouglalis) et je ne me reconnais pas dans les féministes de tous bords. Pourtant, s'il y a un trait de ma personnalité qui surclasse tous les autres, c'est bien mon amour de la femme. Je suis lesbienne donc, puisque c'est l'étiquette que l'on colle aux tribades modernes, mais là encore, ce n'est pas vraiment ça, puisque je suis mariée, et j'ai une fille d'un premier mariage. Je tiens à vivre ma vie comme tout le monde, le plus simplement possible. J'allais dire le plus "normalement" possible, mais je sais que cela aurait fait bondir certaines âmes guerrières. Rassurez-vous, je ne vise personne. Une vie de famille, c'est ce que j'ai toujours souhaité, en faisant la part de ma vie et de mon autre vie. Mon alter ego est une entité qui existe, qui influe bien évidemment sur mon autre vie. J'espère simplement que personne autour de moi, n'en souffre. Si quelqu'un ignore ma bisexualité, c'est que ça ne l'intéresse pas, car je ne dissimule rien, je vis comme ça vient. Je vis au grand jour, et j'aime au grand jour. Je n'ai aucune arrière-pensée, aucune envie de dissimulation. "Je roule plein phares". Ma devise pourrait être le titre de ce blog, "O me quieres O me dejas. Ce qui veut dire en clair, "Ou tu m'aimes ou tu me laisses". C'est d'autant plus facile à comprendre que je vis en Espagne, banlieue de Madrid près de l'aéroport. Je suis en Espagne depuis 6 ans bientôt. Je m'y suis installée pour raison professionnelle, quand l'envie m'est venue de faire "autre chose, autrement". Ce n'est pas pour raconter ma vie, mais plutôt pour raconter mon histoire, ce qui bien sûr, est différent. Je ne suis pas une pro des blogs. Il y a encore quelques mois, j'ignorais tout de cette façon de s'exprimer. J'avais vu bien sûr les merveilles réalisées par ma belle amie Ana, et sans ce stupide accident qui m'a clouée durant quelques semaines, je ne me serais jamais lancée dans cet exercice. 

 

Chapitre 1

Les Demoiselles de St Ladre

 

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Samedi 15 décembre 2007 La petite route était noire et luisante au milieu de toute cette neige grisâtre. À peine dégagé, le ruban d’asphalte était étroit, et les voitures se croisaient avec difficultés. Il avait neigé fortement depuis le début de ce mois de décembre. Déjà, mi-novembre, quelques flocons avaient blanchi la campagne. Et depuis, une neige très fine, humide et pénétrante, n’arrêtait pas de tomber, virevoltante au moindre souffle de vent. Ce n’était pas suffisant pour recouvrir la route abondamment salée, mais assez pour effacer en une journée toutes les traces de la veille. La circulation n’était pas très intense, il semblait que l’activité, comme la nature, s’était endormie. Il faisait froid et humide, d’autres précipitations importantes, peut-être neigeuses, étaient attendues. Le ciel était gris bien sûr, et la nuit ne tarderait pas à accabler le paysage d’un sombre avenir. Les arbres des taillis tendaient désespérément leurs squelettes vers de gros nuages terrifiants. Depuis les quinze jours que la neige était omniprésente, la plupart des branches de ces arbres nus avaient perdu leur chargement de poudre blanche. Et pour d’autres, il suffisait d’un souffle de vent pour qu’elles se dévêtissent, dans un chuintement à peine perceptible. La petite route reliait la départementale à la petite ville de Cagny. C’était un raccourci bien pratique qui permettait de rejoindre le parking de la gare de Longueau. À quelques centaines de mètres de la station, la route était surplombée par cet immense viaduc qui enjambait la vallée marécageuse. Ce que l’on appelait la rocade, mais en réalité c’était l’autoroute qui contournait la ville par le sud en surplombant la vallée. Le flot des véhicules épargnait ainsi le centre-ville qui, à grands frais, avait été tristement abandonné aux piétons. Parallèlement à la route, sur un remblai de quelques mètres, la ligne de chemin de fer émergeait tout juste, elle aussi, de la couche de neige. On ne distinguait que les rails, les traverses n’étaient plus visibles qu’à de rares endroits. Comme la petite route, les voies s’engouffraient sous le viaduc dans la direction de Paris. De l’autre côté des voies, la falaise de craie du plateau picard ajoutait sa grisaille au décor ambiant. En face, dans la vallée, le marais. Cette immense étendue d’étangs constitue le lit de la rivière qui coule sa tranquillité dans la réserve Saint-Ladre, avant de se mêler à la Somme à Camon, entre Longueau et Amiens. 

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Le  Testament de Benjamin  Briggs.



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Les Tempêtes

 

«  Me llamo Paloma. » (Je m'appelle Paloma.)
Puis ce fut la voix de Lusciano, violente, dure, sans un soupçon de tendresse :
« Que fais tu encore ici, va m'attendre dans ma cabine.
- J'y vais. »
C'est la seule chose que Florane trouva à répondre.  La danseuse lui prit le bras et l'accompagna. A la porte de la cabine, elle chuchota :
« Je n'oublierai jamais ton visage. Je prierai tous les jours pour ton salut. Il est temps que des femmes comme toi nous montrent la voie. »
Florane entra et s'écroula sur la couchette.
Au dehors, le Commandant continuait son enquête. Tous les témoignages furent concordants, tous témoignèrent de leur admiration de ce qu'avait accompli Florane. Lusciano fit mettre le marin aux fers.
Quand il entra dans la cabine, Amiya était là, et elle coiffait les longs cheveux de Florane.
« Que vas-tu en faire ?» demanda Florane.
Je vais le remettre à la police du port. C'est la règle.
«  Vous plaisantez Commandant ! Le tutoiement avait disparu.
- Non je ne plaisante pas, il en sera fait suivant ma volonté.
- Je suis votre femme, j'ai été agressée par un criminel, vous n'êtes pas venu à mon secours et il va s'en tirer comme ça ?
- Visiblement vous n'aviez pas besoin de mon aide !
- Heureusement, j'aurais eu le temps de mourir dix fois avant que vous bougiez vos fesses de votre fauteuil.
- Je vous interdis....Reprenez vous !
- Et moi, je vous dis que si vous ne le tuez pas, je m'en chargerai.
- Assez ! Ne m'obligez pas à vous mettre aux arrêts vous aussi. »
Florane était glacée d'effroi.
« Tu vas donc attendre qu'il me tue ?
- Tu n'as rien à craindre, je suis là.
- Je suis rassurée dit elle en sortant et en claquant la porte.
A la porte de la cabine, Paloma était là. Elle avait tout entendu de la scène, mais sans doute pas tout compris Florane traduisit.
Elle prit le bras de Florane et l'entraîna dans l'entrepont. Dans la cabine réservée au groupe des argentins, Ils étaient tous là. Une dizaine de personne environ.
La fille expliqua ce qui s'était passé. Les hommes se regardèrent, ils ne dirent pas un mot et sortirent un par un de la cabine.
Paloma resta seule avec Florane. Le baiser cette fois fût sur les lèvres, et dura longtemps. Elle reprit le bras de Florane et l'emmena vers la cabine de Sarah. Le Commandant l'interpella.
« Que faites vous ?
- Je la reconduis chez son amie.
- Sa place est dans ma cabine.
- Je vous déconseille de le prendre sur ce ton, Commandant, El Choclo a plus besoin d'amour que d'autorité. »
Et elle continua son chemin. C'est Sarah qui l'accueillit.
« Alors ma chérie, il a fallu encore une fois que tu te fasses remarquer ? J'ai entendu tous ces cris c'était horrible.
- Tu as raison Sarah, je suis une mauvaise femme. Désormais, je te laisserai tuer toi-même l'assassin de ton  mari, inutile que je me fasse remarquer une fois de plus. »
Les femmes ne purent sortir de leur cabine, elles étaient aux arrêts, une sentinelle en arme était devant la porte.
Le lendemain matin, on retrouva le matelot sans vie, égorgé sur sa paillasse, et son gardien ligoté.
« Comment as-tu pu faire ça ? » Demanda le commandant à Florane.
- Je l'ai fait commandant. Mes pouvoirs vont bien au-delà de votre administration. Vous pouvez me pendre à la vergue si cela vous chante. Mais sachez que si vous ne le faites pas, je tuerai tous ceux qui me manqueront de respect.»
Le commandant comprit qu'il se battait dans le vide, et que tous les marins et tous les passagers prenaient le parti de Florane.
L'escale à Libreville ne dura que le temps de prendre de l'eau et du charbon. Le navire repartit vers le sud.

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A l'approche du Cap de Bonne Espérance, un couple d'albatros vint se poser sur la crête de la vague, tout près du navire.
Florane s'approcha du bord, les oiseaux ne furent pas effrayés. Ils la regardaient comme pour lui transmettre un message. Les albatros n'ont pas bonne réputation chez les marins, ce sont "des oiseaux de malheur"
«...
L'albatros est signe de mauvais temps s'il se pose sur l'eau mais annonce du bon vent et du soleil s'il plane.» Lui souffla un matelot qui observait la scène. Puis il ajouta:
«...Chaque Albatros emporte l'âme d'un marin mort...»
«...ça promet ! » pensa t elle.
Le navire doubla le cap, et remonta vers Bourbon.
Le calme semblait être revenu à bord de  La Porteňa. Les argentins se contentaient de danser dans leur cabine. Florane, invitée par Paloma s'y rendit quelque fois pour s'initier à la Milonga. C'était d'autant plus intéressant que Paloma jouait le rôle du cavalier.
Florane n'était pas retournée chez le Commandant. Elle n'en avait plus envie, Il ne lui demanda pas non plus.
Elle remarqua seulement que Sarah soignait de plus en plus sa toilette. Les chignons compliqués, les décolletés somptueux, le corset serré à l'extrême, devenaient quotidiens. Sarah évitait Florane, et Florane dormait seule.
Un après midi de chaleur, alors que tout le monde semblait assoupi, Florane était sur le pont. Elle y était souvent, et son visage avait pris un hâle saisissant. Le navire n'allait pas très vite, le vent était faible. Alors qu'elle ne pensait à rien de particulier, elle vit Amiya devant la cabine du Commandant. Elle sentit son cœur s'arrêter de battre. Elle savait ce que cela signifiait. Elle marqua un temps d'arrêt, Puis doucement rejoignit Amiya.
« S'il te plait Amiya, laisse moi passer, je dois savoir. »
Amiya laissa le passage en baissant la tête.
Florane entra, la porte n'était pas fermée. Sur la couche, au fond de la cabine, elle vit ce qu'elle était venue voir. Lusciano était nu, allongé sur la couche, et Sarah nue elle aussi se tenait sur lui à califourchon, visiblement empalée sur le sexe. Elle se tenait cambrée, la tête rejetée en arrière, ses cheveux déliés tombaient sur ses fesses. La forte poitrine de Sarah était soutenue par les mains de Lusciano :
Dans un premier temps, la scène ne la choqua pas, tellement elle s'y attendait, mais de voir les mains de Lusciano sur les seins qu'elle avait tant aimés lui fut insupportable :
« Mes astres, il a osé ! »
Elle s'avança vers le couple. Amiya qui l'avait suivie, reconnut la démarche féline qui précédait l'orage. Elle attrapa le bras de Florane et la tira en arrière. Florane  la repoussa violemment. Dérangé par le bruit, le capitaine repoussa vivement Sarah, et bondissant de sa couche, se saisit de son épée. Florane éclata de rire.
« Si tu te voyais, mon pauvre Lusciano, Tout nu avec ton épée, tu ne ferais peur à personne. Même avec ton épée tu ne me fais pas peur, et si tu es si brave, donne m'en une.
Lusciano ne bougea pas, il ne semblait pas être saisi de peur, mais ne voulait prendre aucun risque. Florane continua....
« Et si c'était à Sarah que j'en voulais, aurais tu le courage de la défendre, elle ? Excusez-moi de vous avoir dérangés, je ne faisais que passer. » Entraînant Amiya par la main, elle sortit de la cabine.
« Je te demande pardon si je t'ai fait mal.
- J'ai eu très peur, vous avez eu tort. Ce sont des amants, pas des criminels.
- Je sais Amiya, la criminelle c'est moi, je fais peur à tout le monde. »
Florane reprit la direction du pont arrière, là où elle était sûre de trouver Paloma. Celle-ci la prit par les épaules, et lui dit :

641432tn_Paloma.jpg« Ne t'en fait pas, il y a encore beaucoup d'amours à vivre. »
Elles s'assirent à même le pont, et les yeux perdus dans le sillage, elles se parlèrent pendant des heures. Florane regagna sa cabine à la nuit tombante. Avant d'y pénétrer, elle leva les yeux vers le ciel. La croix du sud, brillait intensément. Florane sourit. Tant qu'une étoile brillera pour elle tout ira bien.

Sarah était dans la cabine, elle faisait sa toilette. Elle ne tourna pas la tête quand Florane entra. « Alors ma chérie, pourquoi n'as-tu pas tué le Commandant ?
- Il ne m'a pas semblé que tu étais menacée.
- Non, en effet, mais je n'ai pas fait autre chose que ce que tu as fait.
- Oui, je le sais, mais si tu en avais envie, il fallait le prendre tout de suite, j'aurai préféré. Comment ai-je pu me laisser entraîner de la sorte ?
- Je ne pensais pas que vos relations tourneraient comme ça, et puis tu ne me fais plus l'amour, et puis, j'ai eu envie simplement.
- Je ne te reproche rien, Sarah, mais je ne sais si notre amour survivra.
- Moi je le sais, chérie, tu ne me dois rien.
Les trois femmes, ce soir là, dormirent chacune dans leur coin.

 L’ambiance sur le navire était devenue délétère. S’il n’y avait pas eu Paloma, Florane n’aurait plus adressé la parole à personne. Le Commandant l’évitait en affichant le plus visible mépris qu’il put composer, sur son visage basané. Sarah restait enfermée dans sa cabine, et Amiya faisait la navette pour lui apporter ses repas et sa ration d’eau. On voyait aussi la belle Amiya faire la lessive agenouillée sur le pont. Il faisait très chaud, très lourd. Un léger vent adoucissait quelque peu les brûlures du soleil. Florane avait sorti son hamac, et sur le pont arrière, elle avait trouvé quelque support pour l’y accrocher. Bien que ce fût contraire à la mode, elle aimait cette couleur dorée qui ombrait son visage. Elle aurait souhaité retrouver la joie de vivre des jours passés, mais elle ne voyait pas comment leur différend pourrait s’arranger. Pourtant, elle sentait que ses reproches envers Sarah s’évaporaient de minute en minute.
Ce voyage n’était pas une réussite sur le plan financier. Le chargement embarqué n’était que de peu de valeur. Lusciano passait son temps à étudier tous les aspects techniques du navire. Ces «vapeurs» étaient quand même très impressionnants, et leur utilisation requerrait de la part du boss et de l’équipage une totale maîtrise de ces nouvelles technologies. Pour économiser le charbon, et n’étant pas particulièrement pressés, le Commandant décida de mettre la machine en veille et de naviguer à la voile. Dans cette partie de l’océan Indien, les vents étaient favorables, les courants aussi à cette période de l’année. Un ou deux mois plus tard, et les moussons inverseraient le sens des courants, phénomène unique sur les océans de la planète. La machine aidait à la manœuvre des voiles immenses, au moyen de cabestans mécaniques appropriés. Bien qu’il fût plus grand et plus chargé que « La Belle Indifférente », le navire demandait moins de main d’œuvre. Le travail était moins pénible, c’était véritablement un progrès. Florane allongée sur la toile du hamac lisait un chapitre des poésies de
Joseph Mery. Elle leva les yeux pour contempler les reflets du soleil, déjà très bas sur l’horizon. La côte n’était pas très loin, elle le savait, mais on ne la voyait pas. Lusciano hésitait à se lancer au large ne connaissant pas encore tous les secrets du navire. Pourtant, la destination était bien l’Australie, et après l’escale de Bourbon, il faudra bien qu’il se décide !
C’est à ce moment que la vigie annonça l’apparition d’une voile ! C’est toujours un événement en mer, que de croiser ou de doubler un autre navire. Tout le monde arriva sur le pont pour « voir » le visiteur. Lusciano sur la passerelle, avait appuyé sa longue vue sur un support pour avoir plus de netteté dans la lunette. Il faut dire que ces grosses lunettes étaient particulièrement lourdes. L’étranger était apparu sur l’arrière du navire. Le fait qu’il ait été aperçu renseignait déjà sur sa vitesse, le navire étranger était plus rapide. Florane arriva près du Commandant :
« De quoi s’agit-il ?
–C’est une Frégate. Trois mats barque. Elle a le vent en poupe, elle va très vite.
–Elle n’est peut-être pas chargée ?
–C’est ce qui la rend plus dangereuse. Un navire qui n’est pas chargé ne sert à rien !
–Alors vous en déduisez quoi ?
–Que c’est une Frégate qui veut battre un record de vitesse, ou que c’est un navire-pirate qui a décidé de nous faire la peau.
–Vous parlez sérieusement Commandant ?
–Non, je plaisante bien sûr !
–Arrêtez de jouer ce jeu, si ce sont réellement des pirates, vous aurez besoin de tout le monde, alors inutile de me renvoyer dans ma cabine.
–Et que pouvez-vous faire contre ces sauvages ?
–Je pense qu’il faudra se défendre.
–La Porteña est un navire de commerce, pas un cuirassé. Il nous faut prendre la fuite.
–Les machines sont à l’arrêt !
–Je sais, je donne des ordres pour remonter la pression.
–Il faudra combien de temps ?
–Une dizaine d’heures pour la pleine puissance.
–Ils seront là dans combien de temps ?
–Un peu moins. Mais comme vous êtes très intelligente, vous allez sûrement trouver une solution.
–Nous avons des canons ?
–Oui, mais je ne sais pas ni s’ils sont en état, ni si les hommes savent s’en servir.
–Et quoi encore ?
–Quelques mousquets…
–Permettez que je regarde ?
–Je vous en prie. Je vais donner les ordres. »
Florane colla son œil à la lunette, et fut surprise de la netteté de la vision, démesurément agrandie. C’était effectivement un vaisseau de course. Très bas sur la vague, une voilure très puissante, pas de canons apparents, sûrement pour gagner du poids. C’était un navire d’abordage. Effectivement il allait falloir avoir des idées. Sinon, ils étaient tous condamnés. Florane sentit une vibration sur le pont, et comprit que la machine avait redémarré. Lusciano revint.
« La pression n’était pas tellement retombée. On a peut-être une chance de les distancer.
–Puis-je faire une suggestion ?
–Pourquoi pas ?
–Il faudrait changer de cap, marcher au grand largue, il sera contraint d’opter pour un petit largue, il va se heurter à la vague. Il va gîter. Avec la machine on a plus de possibilités comme ça de le distancer ? »
Lusciano ouvrait de grands yeux en regardant Florane. Décidément, cette fille le surprendrait toujours.
« Mais où vas-tu chercher tout ça ? »
Florane nota avec amusement que le tutoiement était revenu.
« Je réfléchis, simplement. Pouvez-vous me dire commandant si la frégate est en bois ou en métal ?
–En bois, je suppose, attends, je vérifie, mais je ne sais pas ce que ça change…..Elle est en bois !
–C’est parfait ! Dites-moi, avons-nous des pompes assez puissantes en état ? Si oui, est-il facile de les mettre en route ?
–C’est un concours de questions idiotes ou c’est pour passer le temps ?
–C’est pour nous sauver la vie Commandant.
–Tu comptes les arroser pour refroidir leur envie de nous massacrer ?
–Non, je compte bien les massacrer moi-même !
–Mademoiselle Florane d’Auteuil est en plein délire ! comme si c’était le moment. !
– Combien nous faut-il de temps pour mettre les pompes en service ?
–Une heure environ pour les pompes avant, autant pour l’arrière, si on n’utilise pas les pompes de la machinerie. Avec les chaudières, les pompes sont indispensables en cas d’incendie. Elles sont actionnées par la vapeur, elles sont très puissantes.
–Si votre susceptibilité est mise en berne, nous avons peut-être les moyens de les combattre de façon efficace. Comment peut-on savoir s’il s’agit bien de pirates, je ne voudrais pas tuer des innocents.
–Parce qu’en plus tu veux les tuer ?
–Que voulez-vous faire ? Les inviter à votre bord pour une partie de criquet ? Vous les repêcherez si vous voulez !
–Arrête de dire des âneries. Laisse-moi réfléchir.
–Changez le cap d’abord, sinon, le temps de réfléchir, on les aura sur le dos. » Lusciano rouge de colère donna les instructions à l’homme de barre, à la grande stupéfaction des matelots.
« Ils me prennent pour un fou !
–C’est ce que pensaient les officiers français en voyant manœuvrer Nelson. »
La Porteña vira de bord. Au bout de quelques instants, la frégate gouverna au petit largue. Une heure après, elle avait disparu de l’horizon.
« Hé bien ! ça a marché on dirait ?
–Oui, ça a marché pour l’instant. Mais on est proche de la côte, s’il y a changement de marée, ils peuvent revenir.
–Et Alors on fait quoi ?
– Je vais vous expliquer mon idée. Si vous le souhaitez évidemment. »
Et Florane expliqua ce qui naturellement lui était venu à l’esprit. Elle parla doucement, calmement, sachant pertinemment que Lusciano avait besoin de temps pour absorber les explications. Quand il eut enfin compris, il ouvrait de grands yeux, et c’est d’un air incrédule qu’il s’écria :
–Mais personne n’a jamais fait ça ! Ça ne peut pas marcher !
–Si, c’est comme ça que la galère de César et sa flotte ont vaincu la flotte de la reine d’Égypte, la très belle Cléopâtre ! »
Ce n’était sûrement pas vrai, mais ce genre d’affirmation marque toujours les esprits simples.
« Lusciano finit par accepter la manœuvre proposée par Florane. Il réunit ses hommes et expliqua « son idée ». Tous les hommes approuvèrent avec admiration l’idée géniale de leur commandant. Ils se mirent au travail, la nuit tombait, il était temps. Il n’y avait pas de lune, le ciel était nuageux, l’obscurité allait recouvrir la vague. La chaudière fut gardée en pression, mais la machine fut arrêtée. On ne voyait pas très loin, seule une oreille affûtée aurait pu discerner le clapot de la vague sur l’étrave du navire. Tous les feux étaient éteints. Le plus grand calme était requis, tout était prêt. Selon les estimations de Florane, aux premières lueurs du jour la frégate aurait rattrapé une bonne partie de son retard, et serait à deux ou trois milles du vapeur. C’était l’instant où il ne fallait surtout pas paniquer. Les instructions étaient claires, le bastingage du navire était beaucoup plus haut que la Frégate, donc ils pouvaient dissimuler leurs préparatifs. À moins que les poursuivants aient aussi une idée particulièrement géniale pour livrer bataille, le plan devait porter ses fruits en une heure, deux au maximum. Florane savait qu’il y avait un risque d’échec, mais elle n’en avait pas soufflé mot, et personne n’avait imaginé qu’il existât. À cette distance, on pouvait voir tout ce qui se passait sur le pont du navire, avec une bonne lunette dans la vigie. Aussi, tous les passagers étaient consignés à l’intérieur. Les matelots dissimulés dans les coursives, il était inutile que l’adversaire puisse estimer le nombre de personnes à bord. Le Timonier s’était mis à la barre intérieure. Dans le plan de Florane, il y avait un point capital. Il fallait que le navire ait la frégate sous le vent. Elle pensait qu’une manœuvre particulière pouvait semer le trouble chez l’adversaire. En regardant la Frégate à la jumelle, elle vit qu’il y avait foule sur le pont, avec beaucoup d’agitation. Tous les pirates brandissaient une arme, un fusil ou un sabre. Elle eut également l’impression que l’équipage était dans un état d’ébriété très avancé. N’importe qui en eut ressenti un frisson de peur. Florane souriait.
« Commandant, voilà ce que nous allons faire ; ces gaillards semblent pressés d’en découdre. Nous allons les déstabiliser le temps de manœuvrer pour nous mettre en position. Tous les hommes vont s’abriter. Je prendrai position au bastingage avec Sarah et Amiya. Les pirates croiront que le navire est gouverné par des femmes. Cela va les faire hésiter. En attendant, mettons cap au Nord à pleine vapeur comme pour amorcer une fuite. La Frégate aura des difficultés à nous suivre, car elle sera obligée de marcher au près serré. Le Pirate pensera alors qu’il ne nous rattrapera plus. Il ne faut pas trop les distancer pour qu’ils continuent la chasse. Cela va les énerver, et il faut attendre qu’il fasse très chaud. De ce côté-là, le ciel est avec nous. Est-ce que vos hommes sont prêts ?
–Ils sont à leur poste, les pompes sont vérifiées, prêtes à pomper.
– Y a-t-il des canons opérationnels ?
–Oui, en principe ils sont en bon état. Pourront nous avoir des projectiles chauffés ?
–Ils sont déjà à température.
–Il faudrait que le canon soit en poupe.
–Il y en a deux, j’en fais installer un troisième au cas où il y aurait des longs feux.
– C’est parfait. D’ici une heure, demi-tour. Je vais voir Si Sarah veut jouer le jeu. Ensuite on réunit les quartiers maîtres pour une dernière mise au point. Nous avons de la chance, le temps est au beau fixe, et le soleil chauffe très fort.
Sarah écouta la relation des événements, et les projets de Florane. Elle ne sembla pas se réjouir qu’un plan existât pour se défendre. Elle n’avait pas évacué sa colère vis-à-vis de Florane.
« Si je comprends bien, les hommes vont se cacher, et nous , les femmes, nous allons nous exhiber comme des filles de mauvaise vies ?
–Exactement, les femmes de mauvaise vies que nous sommes devenues.
–Faut-il que je mette mes seins à l’air pour faire plus d’effet ?
–Tu fais ce que tu veux de tes seins, je ne suis plus concernée.
–Tu as réussi a embobiner Lusciano dans cette histoire ?
–Sarah nous, n’avons plus le temps de nous disputer. Si tu es d’accord, dans une heure sur le pont. Sinon, fais ce que tu veux, et commence par ta prière. » Florane sortit contrariée. La Porteña avait maintenant un bon mille d’avance sur la Frégate. La réunion des quartiers Maîtres fut courte et constructive. Visiblement ces matelots étaient courageux, et l’idée leur plaisait. Livrer un combat à dix contre un avec des pirates sanguinaires, c’était quand même un sacré pari.
« Il est temps de virer de bord Commandant. Je propose que vous restiez avec les marins, et je vais rester avec le Timonier. »
Lusciano acquiesça et donna ses ordres. Les matelots n’étaient pas dupes, ils voyaient bien qui menait l’aventure et d’où venaient les idées. Mais El Choclo avait fait preuve d’une audace peu commune, et les hommes étaient en admiration. Florane rejoignit le Timonier, elle lui expliqua méthodiquement ce qu’elle voulait. Elle fit affaler les voiles, et le navire commença à virer par tribord, très largement. Florane imagina la perplexité du commandant de la Frégate. Le Vapeur avait presque fini son demi-tour. Le Pirate voyait maintenant le navire revenir dans sa direction. À pleine vitesse. Il devait se demander quelle en était la raison. Peut-être pensait-il que la Porteña voulait éperonner le voilier ? Florane y avait bien sûr pensé, mais c’était difficile à réaliser avec un adversaire rapide et très certainement très adroit. La Porteña gouverna de telle sorte que les deux navires se frôleraient, séparés seulement de quelques coudées. Le plus difficile était d’être assez proche sans risquer d’être accroché par les grappins. Des petits groupes de marins s’étaient rassemblés pour faire face à cette éventualité. L’espace entre les bâtiments diminuait rapidement. La vitesse du navire était maximum, ce qui devait être très impressionnant pour l’adversaire. L’étrave du navire allait arriver à la hauteur de la Frégate. Florane se précipita au bastingage, et Sarah la rejoignit accompagnée d’Amiya. Puis arriva Paloma, accompagnée des autres danseuses, prévenues par on ne sait qui. Aucune des femmes ne semblait être apeurée de ce qui allait se passer. Il y avait sur le pont de la frégate un véritable tohu-bohu, une foule importante d’hommes hurlants, gesticulants et provocants. Quand ils aperçurent les femmes qui se tenaient au bastingage, le silence se fit, les hommes s’arrêtèrent et regardèrent sans comprendre. C’est à ce moment que la pompe de proue se mit en route, puisant dans les barils l’alcool dénaturé, et le projetant avec force sur la frégate ennemie. Le jet était très impressionnant, et atteignait facilement les voiles carrées de la mâture. Au même moment, Lusciano fit retentir les sirènes du navire. Florane, amusée regardait maintenant le trouble des combattants, totalement désorientés par ce qui se passait, oubliant même de manœuvrer les arbalètes pour lancer les grappins. La Porteña croisa la Frégate à pleine allure. D’aussi près, l’effet devait être terrifiant. Puis ce fut la pompe d'artimon qui se mit en route, achevant de noyer le pont et la voilure de l’ennemi. Lusciano donna l’ordre de tirer le canon. Les projectiles chauffés allumèrent l’alcool répandu sur le pont du vaisseau qui s’embrasa dans un gigantesque incendie. Le navire avait maintenant dépassé son assaillant. Florane regardait le vaisseau en flammes. Des marins se jetaient à l’eau, d’autres, arrosés d’alcool, devenaient des torches vivantes. s’agitant dans tous les sens. Le navire coupa ses machines, mais avant de pouvoir revenir sur son agresseur, il fallut du temps et de la distance. À mi-chemin de la manœuvre, une gigantesque explosion surprit tout le monde. La Sainte Barbe avait dû être atteinte par les flammes. Une gigantesque fumée cachait maintenant l’épave qui brûlait encore malgré le souffle de l’explosion. Florane revint vers le timonier :
« On leur donne le coup de grâce. On les éperonne ! La Porteña revint en direction de ce qui restait de la Frégate. Quand la fumée se dissipa, on aperçut qu’il manquait la moitié du vaisseau. Toute la partie supérieure, les ponts, les mâts, tout avait disparu. Un amoncellement de débris était malmené par la vague. Florane regardait le résultat de son plan machiavélique. Au milieu de ce désastre, elle distingua nettement un albatros posé sur la surface des flots, se balançant au même rythme que les poutres de bois flottantes. Peut-être était-il là, pour marquer l'indifférence de la création devant la bêtise des hommes ? On distinguait aussi nettement, les corps des marins sacrifiés dans cette terrible bataille, dont ils n’avaient pas imaginé, un seul instant, qu’elle leur serait funeste. La Porteña n’eut pas besoin d’éperonner ce qui restait de la Frégate, qui sombra bien avant que le navire arrive sur elle. Florane n’était pas insensible, mais le sort des pirates ne lui laissait aucun remord. Elle aurait plutôt regretté la disparition de ce magnifique voilier, de ceux qu’elle aurait aimé piloter en compagnie de Benjamin Briggs. Elle pensait qu’un voilier construit en bois ne devrait pas couler. Elle se jura que pour se faire pardonner des dieux de la mer, elle se ferait construire une goélette, en totale ressemblance avec la Mary Celeste. Paloma vint à sa rencontre, et se colla contre elle.
« Tu nous as offert un supplément de vie. Qui pourra l’oublier ? »
Puis arriva Lusciano, suivi un à un de tous les marins et passagers du bord. Tous, appuyés au bastingage regardaient défiler les débris de la destruction.
« Je ne sais pas ce que tu as voulu faire, mais nous avons bien failli éperonner le voilier !
– J’ai vengé Cléopâtre en premier, après, je voulais porter secours aux survivants.
– Je n’en crois pas un mot, ça ne te ressemble pas ! »
Près du navire, flottant à quelques coudées de la coque, on vit défiler une partie de la proue du voilier. On voyait la traditionnelle sirène sculptée, et la planche gravée avec le nom de la Frégate : « Van Warwick » Sur cet esquif, un homme s’était accroché, noirci par le feu. Son visage reflétait la terreur de ce qu’il venait de vivre. Lusciano s’adressa à Florane :
« Hé bien ! voilà l’occasion de manifester ta grande bonté ! »
Florane ne répondit pas. Il y eût un claquement sec et l’homme bascula dans le flot. Sarah tenait encore le pistolet fumant. Tous les regards s’étaient tournés vers elle. Regardant seulement Florane, elle jeta le pistolet par-dessus bord, et, sans un mot, se dirigea vers sa cabine.
« Voilà un problème de résolu, Commandant. Je vois que votre femme est aussi généreuse que moi. Peut-être allez-vous me reprocher d’avoir fait mourir tous ces marins, d’avoir détruit un si joli voilier, d’avoir porté atteinte à l’Amiral Van Warwick , Hollandais de son état, qui prit possession de l’île Maurice. Me reprocherez-vous aussi d’avoir sauvé votre navire de malheur, sa cargaison, ses passagers, et vous par la même occasion ? Allez-vous me mettre aux arrêts ? Allez-vous me remettre aux autorités militaires du port le plus proche ? Pas un blessé, un seul coup de feu tiré ! Il y a vraiment de quoi me punir.
–Je n’ai rien dit !
–Encore un conseil Commandant, avant qu’il n’arrive un dernier malheur : Portez secours aux marins qui ont respiré malgré eux les vapeurs d’alcool. Cet alcool est un poison. Faites réviser vos pompes avant que leurs mécanismes soient définitivement hors d’usage. L’alcool a sûrement dû dissoudre toute la graisse indispensable au fonctionnement. Et félicitez vos marins, ils ont fait preuve de beaucoup de sang-froid. »
Florane prit la main que lui tendait Paloma et la suivit dans la cabine que les Argentins lui avaient laissée. La Porteña était sauve, le voyage pouvait continuer. Le commandant ordonna de reprendre le cap vers Bourbon. Quelques jours furent nécessaires à tous pour « digérer» ce qui s’était passé.

Un triste matin, Florane se réveilla en sursaut. Il lui semblait que le navire roulait plus qu'à l'habitude, et d'une  façon à laquelle elle n'était pas habituée. On ne peut pas dire que le bateau roulait, mais il était véritablement secoué. Elle sortit en toute hâte, Elle fut reçue dehors par une pluie diluvienne. Et le navire était secoué de manière anarchique. Le commandant était debout à la passerelle, le timonier était cramponné à sa barre, et le commandant hurlait des ordres que les marins n'entendaient pas. Florane comprit tout de suite ce qui se passait. Devant le navire, à plusieurs milles devant, très loin sûrement, il semblait que les nuages étaient posés sur la mer, cela faisait l'effet d'un cône qui aurait été en équilibre sur sa pointe. Elle grimpa la passerelle, oubliant les rancœurs. Le commandant leva le bras devant lui, et dit :
« C'est un cyclone. C'est courant dans cette région à cette époque de l'année. »
Le navire était face à la vague et au vent, les voiles avaient été affalées, et c'est avec la machinerie que le bateau faisait machine arrière avant de pouvoir pivoter en toute sécurité et aller se mettre à l'abri. La pluie avait redoublée, il faisait presque nuit, on ne voyait plus le cyclone, mais les vents ne faiblissaient pas.
« Si le cyclone prend un chemin plein sud, nous sommes perdus. 
-Et bien voilà au moins une certitude. ! Il me semble que d'aller vers la côte comme nous le faisons n'est pas la bonne solution. Sur les hauts fonds, les vagues vont devenir énormes et nous mettront en difficulté.
- Et que conseillez-vous, Amiral je-sais-tout ?
- Il faut se rapprocher du cyclone, et profiter de son énergie pour gagner la haute mer au plus vite.
- Ca me parait risqué !
- Oui mais si le cyclone vient plein sud, au lieu de nous atteindre il nous passera derrière, et nous profiterons de ses vents pour filer au plus vite. Si nous faisons machine arrière, nous nous rapprocherons de la terre et  nous risquons énormément.
- Vous me paraissez bien renseignée.
- J'ai étudié cela à l'université. Je ne prétends pas que nous ne  serons pas secoués, mais la houle en haute mer sera plus longue, et nous n'aurons pas à subir la montée du niveau de l'eau.
779512clipper_1.jpg- Allons y puisque vous êtes tellement savante, vous n'en êtes plus à un cadavre près !
-Je prends votre réponse comme une insulte, ce n'est pas le moment, mais vous devrez m'en donner réparation.  Ce n'est pas de ma faute si La Porteňa  est commandée par un homme ignorant et pleutre. Je pourrais même vous dire ce qu'il va se passer. Mais je ne suis pas votre professeur. Débrouillez vous Commandant avec votre rafiot de malheur !
Le Commandant, vexé, réfléchit un bon moment, et finalement suivit les conseils de Florane.
Le navire frôla le cyclone, et comme elle l'avait prévu ils furent repoussés vers le large. Il n'y eut que peu de dégâts sur le navire, mais énormément de peur. Ils durent attendre une bonne semaine avant de pouvoir reprendre leur route.
Le navire arriva à Saint Benoît. Le cyclone avait ravagé la ville, et les installations portuaires n'étaient plus utilisables. « Nous ne pourrons débarquer décréta le Commandant.
-Je suis désolée Commandant, mais mon voyage s'arrête là. Et je dois débarquer. Ainsi, vous et vos gens pourrez dormir tranquilles, vous ne risquerez plus rien. Veuillez donner des ordres pour mettre un canot à la mer, et me faire conduire à terre !
Le Commandant en resta stupéfait, Amiya se mit à pleurer, Sarah détourna le regard.
En peu de temps ses malles furent fermées, et elle fut prête à débarquer. Elle embrassa Sophia Mathilde, Elle embrassa Amiya, s'approcha de Sarah et lui dit :
« Ne doute jamais Sarah. Que dieu te garde .........  »
Puis elle chercha Paloma pour l'embrasser. Celle-ci était à coté du canot un gros sac aux pieds, et lui dit sans rire :
« Desciendo también, tengo el dolor de mar»
- Yo tambien vamos !» Elles partirent en direction de la terre. Elles firent le voyage debout, en se tenant la main, sans se retourner..

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Par eve anne
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