Le blog d'eve anne, Madrid.
Irina.
Un an s'était écoulé depuis ma dernière visite autorisée à Nmahli. Il y avait eu bien sûr
les obsèques de Roberto-Carlos. Nous n'étions que quelques personnes, mes amis, et quelques filles de son bureau. C'est à peu près tout. Comme si les gens craignaient d'être
considérés comme complices. Pourtant, de son vivant, il avait rendu des services désintéressés à pas mal de monde. J'étais bien sûr très affectée de sa disparition. Je n'affirmerais
pas que c'était l'amour de ma vie, mais c'était un compagnon agréable, doux avec moi, galant avec toutes. Je savais qu'il avait de multiples aventures, mais tant qu'il ne s'occupait pas
des miennes, c'était parfait. Il aimait a discuter avec moi, et sa présence me plaisait. Je le trouvais un peu Dandy à mon goût, mais j'ai gardé le goût Français, et l'habitude qu'ont ces
hidalgos de se déguiser en maîtres de la haute société, je ne l'ai jamais vraiment compris.
Je reçus la convocation de la juge pour une confrontation avec Nmahli, Nicolas, et quelques autres personnes également appréhendées que je ne connaissais pas. De toutes les personnes
présentes, c'est vraisemblblement Nmahli qui semblait détenir toutes les clés de l'histoire. Le juge lui demanda donc de raconter sa version, à charge pour nous de faire les observations
que l'on pensait utiles. Patricia n'avait pas été autorisée à assister son mari. Cela me fit tout drôle de le voir menottes aux mains, très amaigri, d'une tristesse effroyable. Au moment
où le gendarme lui retirait ses menottes, il esquissa un sourire timide dans ma direction. Ce n'était pas le Nicolas qui m'avait séduite. Je ne répondis donc pas à ce sourire. Seule
Nmahli recevait encore un peu de ma compassion, peut être parce que je l'ai réellement aimée, peut être aussi par la liaison qu'elle avait eu avec Roberto-Carlos.
C'est d'une voix mal assurée qu'elle débuta son histoire. Après avoir décliné son état civil, elle poursuivit:
"J'ai fait toutes mes études à l'université de Dakar. J'avais choisi la branche "Sciences économiques et gestion" A la suite de ma dernière année, je suis allée à Madrid pour effectuer le
stage nécessaire à l'obtention de mon diplôme. C'est par hasard que je suis arrivée au cabinet de Monsieur Alvares.
Tout de suite, il a eu pour moi des attentions que je n'ai pas repoussées. Un mois après être arrivée à Madrid, j'étais sa maîtresse. C'était un bon amant, je n'avais pas d'autres
engagements, je n'avais pas de raison de repousser ses avances. Il a eu pour moi, mille attentions particulières. Il fut très généreux. J'avais de l'argent, des robes, des bijoux. C'est
lui qui me procura les soins des instituts de beauté pour me lisser les cheveux entre autre, et me redessiner la poitrine. Il était fier de moi, il adorait quand je l'accompagnais dans
ses soirées, à peine vêtue, et il m'exposait à ses amis comme sa dernière conquête. C'est au cours de l'une de ces soirées que j'ai vu pour la première fois son épouse, Gil, qui elle je
crois, ne m'a pas vue. Elle était d'une beauté surnaturelle, et assumait son rôle de maîtresse de maison avec élégance. Depuis ce jour là, j'ai fait une fixation sur cette femme, je l'ai
prise comme modèle, et j'ai espéré que l'on se retrouverait un jour."
Nmahli fit une pause et me regarda. J'étais au début de mes surprises, je n'ajoutai rien. Elle reprit:
"Un soir, nous sommes sortis ensemble. Il avait la voiture de Gil, j'aimais bien cette voiture, qui était d'un confort exceptionnel. Il s'arrêta à une station service, et alla payer
l'essence dans la boutique. Je cherchai dans mon sac un mouchoir en papier. N'en trouvant pas, je suis descendue, et j'ai ouvert le coffre, où il avait rangé ma petite valise. Je
remarquai que le tapis de sol du coffre était mal positionné, quelque chose en dessous empêchait qu'il soit à plat. Je le soulevai, et vis à la place de la roue de secours quantité de
sachets plastiques contenant une poudre blanche. Roberto était derrière moi et me menaça.
-Si tu parles à quelqu'un de ce que tu viens de voir, je te tue." J'étais sûre qu'il l'aurait fait. Il n'a pas eu besoin d'exercer sa menace, ce trafic ne m'interressait pas du tout.
C'est lui qui voulut en reparler. Et il me déclara:
" J'ai mis au point une filière imparable. Je cherche une personne de confiance, pour effectuer une simple surveillance, et me faire un rapport. Si tu acceptes, tu auras une grosse
somme d'Argent". Ma famille étant dans la misère, je n'ai pas hésité une seconde pour accepter, à la condition que l'argent soit versé directement à mes parents."
"Alors, quelle était cette filière Mlle Amourrha ? quelqu'un a une observation à faire ?"
"J'y viens Madame le juge. L'idée était simple. Il arrivait fréquemment sur les cotes du sud de l'Espagne des bateaux chargés de réfugiés en provenance du Sénégal , du Mali, ou de Côte
d'Ivoire.
Des valises métalliques étanches contenant la drogue étaient fixées sous la coque des bateaux. A l'arrivée des bateaux, quelqu'un était chargé de récupérer ces valises, avant que le
bateau ne soit échoué."
-Et votre rôle dans tout cela ?
Je devais m'embarquer avec les réfugiés, et suveiller tout ce qui se passait, pour en rendre compte après à Roberto-Carlos."
Je commençai à comprendre. Je regardais
Nicolas qui gardait les yeux baissés. Nmahli reprit: Le voyage a été terriblement éprouvant. Je maudissais Roberto de m'avoir imposé ça. Seule jeune femme à bord, j'ai dû me défendre
contre plusieurs tentatives de viols. Heureusement, des garçons courageux se sont opposés. Il y a eu plusieurs bagarres. L'un des agresseurs, très énervé est tombé à l'eau et a coulé à
pic. J'ai dû dire que j'étais atteinte du Sida et que je voulais me faire soigner en Espagne. Ce voyage a été le summum de l'horreur. Plutôt mourir que de recommencer.
Arrivée en vue des côtes de Cadix, j'ai vu très nettement des hommes grenouilles descendre d'un hélico et nager en direction du bateau. Je savais ce qu'ils venaient faire, mais leur
présence durant ce sauvetage, n'inquiéta personne. Leur rôle consistait à décrocher les valises, les poser au fond en fixant un émetteur dessus. La nuit venue, d'autres hommes
récupéraient les valises. Elles devaient être chargées dans une voiture . Je ne savais pas laquelle, mais d'autres devaient le savoir. Quand j'ai reconnu Gil sur la plage, je fus
très étonnée. Je ne l'attendais pas. Mais qu'elle soit là, elle, justement la femme de Roberto, me donna des soupçons, et tout de suite je pensai qu'elle était dans le coup. Je crus
qu'elle venait chercher la drogue."
"Je ne sais pas qui se chargea de mettre la drogue dans la voiture et à quel moment." Je sus que la drogue y était en rengeant nos valises dans le coffre".
-Et quel lien aviez vous avec le Capitaine Tavares ?
-Je n'en ai aucun. Je n'avais jamais entendu parler du capitaine. Je sais seulement que j'ai souhaité sa mort quand j'ai su qu'il avait passé la nuit avec Gil. Je ne peux rien affirmer de
plus concernant Monsieur Tavares, je sais seulement que Gil a mal vécu leur séparation.
La juge interrompit Nmahli:
"Mais cela parait invraisemblable! Les bateaux arrivent à Cadix justement le jour où madame Alvares s'y trouve ? Comment expliquez vous cela ?
Nmahli répondit: "je pensais que c'était prévu comme ça."
Le Capitaine Tavares demanda la parole.
"Je suis le Capitaine Tavares et je commande la compagnie chargée des affaires maritimes. C'est à ce titre que j'ai été recruté par l'organisation. C'est moi qui ai dirigé la récupération
des valises de drogue. Dans cette intervention, rien n'était prévu pour la voiture. Il fallait choisir la voiture la plus appropriée. C'est quand j'ai vu que Gil montait dans sa
Velsatis immatriculée à Madrid que j'ai décidé d'y mettre la Drogue. Pour ma part, j'ignorais totalement que c'était Nmahli qui était de surveillance, je ne l'avais jamais vue. Et
j'ignorais aussi que Gil était la femme de Roberto-Carlos.
-Mais comment avez vous connu Roberto-Carlos Alvares?
-Par hasard au bar Costa. J'étais un peu éméché, et je lui avais raconté que j'avais récupéré des émigrés. Ensuite il est revenu me voir, et m'a proposé ce plan qu'il m'a expliqué en
détails, pour parer à toute éventualité.....
-Vous ne trouvez pas qu'il y avait beaucoup d'imprévus dans votre plan?
-Pas du tout. Nous l'avions répété deux fois où nous avons chargé des voitures de sachets pleins de sable, et nous les avons récupérés à Madrid sans problème. Il nous reste les roues de
secours.
Roberto-Carlos a été très surpris de se rendre compte que la voiture choisie était celle de sa femme. Je ne pouvais pas savoir. Je te demande pardon Gil, j'ai été stupide."
"C'est le moins que l'on puisse dire répliqua la Juge. Quant au soi disant "sable", il faudra m'en dire plus ! Mais de toute façon vous étiez perdus, un informateur nous avait
prévenus, et nos agents étaient sur place. Ils ont remonté toute la filière. N'est ce pas madame Alvares?
-Oui madame le juge, ils n'étaient pas discrets.
-Ils exécutaient leurs ordres. Ils devaient se laisser deviner pour vous empêcher de faire d'autres bêtises au cas où.
- Et vous Nmahli ? comment se termine votre histoire ?
- Quand je suis arrivée à Madrid, j'ai été très surprise. Je me suis rendue compte que Gil n'était pas dans le coup. J'avais suivi à la lettre les instructions de n'en parler à personne.
Et j'ai eu mille fois l'envie de tout dire à Gil pour qu'elle m'aide à me sortir de ce pétrin. J'ai retrouvé Roberto avec plaisir. Il était content de moi. Je lui ai dit que j'avais
remarqué ses gardes du corps en BMW noire.
Il tomba des nues.
"Si ce n'était pas ses hommes, ça ne pouvait être que des flics. On ne s'invente pas une allure comme ça."A cette évocation la juge sourit.
-Et ensuite ? Ensuite Roberto m'a conseillé de fuir tout de suite. Il m'a donné de l'Argent, j'ai pris le train jusqu'à San Sébastian. J'ai pris une chambre à l'hôtel de la plage et
j'ai attendu Roberto. Il est arrivé avec la Velsatis, j'ai trouvé que c'était stupide. Je lui ai dit. Il m'a répondu qu'il y avait une fortune et qu'il voulait passer en France et
ensuite, avec l'argent nous serions partis tous les deux en Argentine."
- Ben voyons s'écria le Juge. Seulement il y a des gendarmes, et les gendarmes finissent toujours par arrêter les voleurs. C'est bizarre, il semble que seuls les voleurs l'ignorent.
Bien, je crois que nous savons tout ce que nous voulons savoir. Le tribunal fera le reste."
Avant de quitter la salle je m'approchais de la Juge Irina Carvallo Montagnes.
"Pardon, madame le juge, est ce que vous me croyez coupable? Ai-je une chance de m'en sortir?
-J'ai tendance à vous croire Madame Alvares, vous êtes de ces femmes qui me plaisent, dont j'aimerais être l'amie. Seulement, vous vous êtes mise dans une mauvaise situation. Ce n'est pas
moi qui vais vous juger. Je ne peux rien pour vous. Ayez confiance, et regardez les gens dans les yeux quand vous leur parlerez. Si vous êtes innocente, il ne vous sera pas pénible
de soutenir leur regard. Ne soyez pas agressive pour autant. Bonne chance Madame Alvares, J'espère que l'on se reverra dans de meilleures occasions. Que Dieu vous garde."
Ouf, ça n'a pas été si terrible. J'appelais Patricia pour lui raconter. Elle parut contente de m'entendre, mais ne fit pas de commentaires.
Je vis Nmahli monter dans le panier à salade, et Nicolas dans un autre. Le temps passant, je n'avais plus les mêmes sentiments à leur égard. Car même s'ils m'avaient fait jouir, ils
m'avaient aussi mis dans une drôle de situation !