Le blog d'eve anne, Madrid.

 

Noire d ecume

 


Nmahli.



 


Je regagnais la chambre de Nmahli. Elle était toujours assise sur son lit, immobile, la tête baissée, semblant être perdue dans un rêve lointain.
"Nmahli ? Je suis là, regarde moi, qué pasa? tu boudes ?"
Elle tourna la tête doucement et leva les yeux vers moi. Elle avait une larme sur la joue, elle était d'une tristesse infinie.
"Je pensais que tu allais t'occuper de moi...
-Tu as raison, c'est ce que je fais, ne me dis pas que tu es jalouse de me voir avec le Capitaine?
-Si tu es avec le Capitaine, tu ne t'occuperas plus de moi, et je serai expulsée.
-Mais pas du tout, le Capitaine m'a promis qu'il s'occupait personnellement de tes papiers.
-Je ne t'ai pas demandé de te prostituer pour me rendre service !
-Quest ce que tu racontes? je ne me suis pas prostituée. J'ai passé la nuit avec lui parce qu'il est beau garçon. Maintenant c'est fini, je ne le verrai plus. Mais il m'a juré qu'il s'occupera de tes papiers.
-Pourquoi le ferait il ? parce qu'il me l'a promis et que je sens que c'est un garçon honnête. "
Je retournais aux nouvelles auprès de l'infirmière. Elle parut heureuse de me voir. J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour ces femmes dont le dévouement s'accompagne d'efficacité, de gaieté et de politesse.
"Rassurez vous, votre protégée se porte à merveille. Elle est la seule des émigrés qui soit accompagnée de quelqu'un d'ici. Vous saviez qu'elle arrivait ? vous l'attendiez?
-Pas du tout. je ne suis pas d'ici, j'étais là en touriste pour la journée. J'ai assisté à l'échouage de la barque, en compagnie du Capitaine que j'ai rencontré par hasard sur la plage. J'ai remarqué la jeune fille, je l'ai trouvée très belle et complètement désemparée. Elle m'a émue, je vais essayer de l'aider. J'ai les moyens de la remettre sur ses rails, et si elle l'accepte, on le fera ensemble.

-Très bien, mais je ne sais pourquoi, j'avais cru comprendre qu'il y avait "quelque chose" entre vous deux !"
Je lui souris avant de répondre :"vous avez très bien compris."
-Hé bien Nmalhi a beaucoup de chance."
A cet instant une jeune femme arriva avec un dossier pour la "jefa". 
"C'est justement le dossier des émigrés.
Voyons....oui, sur soixante douze personnes, cinq ne seront pas reconduites et auront un permis de séjourner. Nmahli en fait partie. Motif: Niveau universitaire élevé.
Je sautai de joie, et embrassai l'infirmière comme une folle.
"Allez lui annoncer la nouvelle vous même. Elle a encore une analyse à faire, et c'est prudent qu'elle la fasse". Je compris, au regard de l'infirmière de quoi il s'agissait.
"Si elle est négative, je jure d'aller brûler un cierge à la "catedral Santa Cruz de cadiz"
-C'est la moindre des choses !
Je retournai auprès de Nmahli, et lui annonçait la bonne nouvelle. Elle l'accueillit  avec un sourire éclatant.
"C'est grâce au Capitaine?
-Peut être, mais surtout à tes diplômes universitaires. Il faudra que tu me racontes. Tu as encore beaucoup de secrets à me dire?
Je la vis retrouver son air pensif, et elle baissa la tête.
"Je ne te forcerai pas à me raconter tes secrets. Tu me parleras de toi, si tu en as envie.
-Alors on s'en va quand ?
-Il y a une analyse dont on n'a pas encore le résultat.
-Ah oui, je vois ! Ne te bile pas, je n'ai pas de crainte. Combien sommes nous à rester ? tu le sais ?
-Oui, cinq seulement et tu es la seule femme.
-Et les autres, ils vont être chassés?
-Ils seront reconduits.
-Nous étions deux bateaux. L' un s'est retourné au bout de cinq jours. il y a eu seulement 20 survivants. Ils sont montés dans notre barque. Avoir fait tout cela pour en arriver là. Dix jours de mer depuis Al Jadida au Maroc, après avoir traversé le désert. Nous sommes partis depuis trois mois. On m'avait promis que je ne risquais rien...........
-Mais pourquoi as tu été obligée de fuir? Si tu as des diplômes, tu devais pouvoir trouver du travail ? Oui, mais mon père a été arrêté par la police qui l'accuse de trafic de drogues. On nous a tout pris, la maison, nos affaires, tout. Et je ne peux plus trouver de travail, toutes les portes se ferment. Je n'avais pas d'autre solution. Si un jour j'ai de l'argent, j'irai chercher ma mère et ma soeur. D'ici là, elles vivront dans la misère."
J'étais atérrée. L'infirmière revint une petite heure après, le sourire aux lèvres.
"Négatif s'écria t elle". Nmahli esquissa un triste sourire :"Alors on s'en va?"
-Oui on s'en va". Et je la serrais dans mes bras. Le départ fut vite fait. Je demandai l'adresse de l'infirmière, au cas où je repasserai. Elle me la donna sans hésiter.
Sur le perron de l'hôpital, Nicolas était là, accompagné d'une superbe créature.
Sans complexe, il s'avança vers moi, m'embrassa sur la joue, fit de même à Nmahli qui marqua sa surprise, et il me dit:
"Je te présente Patricia mon épouse. Je lui ai raconté ce que tu faisais, elle a trouvé ça bien, elle a voulu te voir avant que tu ne partes. Patricia s'avança vers moi, m'embrassa la joue. Son parfum était léger et agréable. Elle était vraiment très belle. Elle embrassa Nmahli aussi, qui avait du mal à comprendre ce qui se passait. Moi je compris tout de suite que Nicolas n'avait pas "tout" dit. Mais peut être avait elle tout compris quand même. Elle m'adressa la parole.
"C'est bien ce que tu fais. Je suis heureuse de te renconter. Nicolas ne m'a pas menti, tu es une très belle femme. Il a eu beaucoup de chance de te rencontrer." Puis s'adressant à Nmahli: Ne crains plus rien Nmahli, tu es en de  bonnes mains, c'est le choix de Dieu qui te donne la liberté, prends en soin.
-Gil, si tu repasses par ici, n'hésite pas une seconde, appelle moi. Tiens voici ma carte.
Nicolas un peu à l'écart souriait, il paraissait heureux de nous voir comme deux amies. Quand je me retournais vers lui, il était avec Nmahli qui ne fuyait plus. Quand ils furent partis Nmahli me demanda:
"Mais elle ne sait rien ?
-Je crois que si, elle sait tout. Elle devine. Il y a beaucoup de femmes qui tolèrent que leurs maris aient des aventures à la condition qu'elles ne mettent pas le ménage en péril. Elles aiment que leurs maris soient heureux.
-Et tu as encore d'autres surprises à me faire ?
-Celle là n'était pas prévue. Mais je suis assez contente, Patricia est vraiment très belle, et Nicolas ne m'a pas menti.
J'ai encore trois choses à faire. Je vais allumer un cierge à la catedral, pour remercier Marie de t'avoir maintenue en vie.
Ensuite nous irons t'acheter une garde robe, et ensuite on ira chez un fleuriste. Ce soir on dîne en tête à tête, on passe la nuit au motel. On part demain matin. ça te va ?
-Et je dors avec toi ?
-Si tu veux...
-Alors vivement ce soir."
Je la trouvais de plus en plus belle.

On commença effectivement par la catedral Santa Cruz de Cadiz que l'on visita dans le plus grand silence. On alluma un très gros cierge, et je dis à Nmahli :
"Il va brûler pendant 100 ans, il ne peut plus rien t'arriver.
-Et toi ?
-Moi, il peut tout m'arriver. Avec moi, les cierges, ça ne marche pas."
On se dirigea à pied dans une ruelle voisine à la recherche d'un fleuriste. Ce fut une fleuriste, tout juste aimable. Nous avions le sentiment de la déranger. Il n'y eut que lorsqu'elle vit la taille du bouquet de roses que je voulais envoyer à l'infirmière, qu'elle est devenue aimable.
Et puis ce fut la période lèche vitrine. On acheta tout ce dont Nmahli aurait besoin dans l'immédiat. C'était l'été, c'était facile.
On fit un léger repas dans une bodega du centre ville. Puis on se dirigea vers le motel. Nmahli détailla toute la chambre, qui dans l'ensemble était assez ordinaire et rustique. Elle avait abrité mes amours avec Nicolas, peut être était elle gênée? Ca ne dura pas, elle fila dans la salle de bain, et j'entendis couler la douche. Je fis ce que dans ma vie, j'avais toujours fait. Je me déshabillai et j'entrai aussi dans la douche. Elle ne parut pas surprise. Elle se laissa aller à mes caresses, puis elle s'enhardit et commença à me toucher. Elle commença curieusement par le sexe, où ses doigts firent leur chemin. Il n'en fallait pas beaucoup plus pour me faire monter au x-ème ciel. Elle paraissait très adroite, ce n'était pas une première pour elle. Quand elle s'occupa de mes seins, j'étais déjà au bord du plaisir. Puis elle passa ses mains entre mes fesses, comment avait elle deviné que j'adorais cette caresse là ? Puis elle sortit de la douche, me laissa reprendre mon souffle. Elle se sécha et m'attendit sur le lit. Quand je sortis et que je la vis comme ça, j'étais au bord de l'infarctus.
On a fait l'amour très longtemps, très doucement. Rien à voir avec l'amour que j'avais connu la veille. Apaisée après quelque temps de récupération, elle se mit à me parler de sa voix douce:
"Dès que je t'ai vue, j'ai su que l'on ferait l'amour. Moi aussi, je préfère les caresses d'une fille. J'ai été très déçue de te savoir avec le militaire. Je n'ai pas dormi de la nuit. Te rends-tu compte du temps qu'il nous a fallu pour nous aimer? Mais cela méritait que j'attende, je viens de vivre des instants de bonheur, que je n'oublierai jamais. J'avais très peur que ça ne marche pas entre nous, parce que je suis noire. Et je ne sais comment te dire à quel point je suis heureuse d'être avec toi. Je te demande pardon de tout le tracas que je te donne, et j'espère que tu ne m'en voudras pas s'il en arrive d'autres. Quand on est une fille noire, la vie est plus difficile. J'espère que je ne poserai pas de problème avec ton mari. Je ne sais comment tu comptes t'y prendre, j'essaierai d'être transparente et de ne pas vous gêner.
J'ai fait beaucoup de bêtises, dans ma vie, déjà à vingt cinq ans, j'ai connu pas mal de misère, mais avec toi, je sais que plus rien ne peut m'arriver...
Avant de nous endormir, on décida que l'on resterait un jour de plus pour vivre encore une fois une telle intimité, nous n'étions pas sûres que cela pourrait durer. Le lendemain, il faisait un soleil prometteur. Elle accepta d'affronter de douloureux souvenirs, et l'on se rendit sur la plage, à quelques km de la ville. Il y avait des dunes, on y fit notre trou. Nous avons passé une journée magnifique.

Voir les photos de
Nmahli

En remontant sur le paseo maritimo, je remarquai que deux hommes nous regardaient avec insistance. Un Blanc et un Noir de grande taille. Nous sommes passées à quelques mètres d'eux. J'ai ressenti un profond malaise. Je n'en ai pas parlé à Nmahli. Elle ne semblait pas les avoir vus. Pourtant, une telle dégaine ne passe pas inaperçue.






     
Mar 25 fév 2003 Aucun commentaire