« La Savoie » eut beaucoup de difficultés à se ranger contre
le quai. Le port de Saint Benoit n'aurait pu contenir un second paquebot de la même taille. Ce navire était tout récent. C'était une chance de le voir sur cette ligne Marseille
Sydney, qui était desservie habituellement par les rafiots les plus décrépits. Le navire amarré, une porte s'ouvrit dans le flanc du navire un peu au dessus du quai. Une passerelle fut
rapidement installée, et les voyageurs purent ainsi retrouver la terre ferme. Carmela avait le sourire aux lèvres, et Sarah se forçait pour garder un visage de circonstance. Mais au
fond d'elle-même, elle n'était pas tellement heureuse de l'arrivée de Paloma. Non qu'elle ne l'aimait pas, au contraire, leurs relations avaient toujours été des plus cordiales,
et leur complicité dans certaines circonstances, les avait liées. pour le peu de temps qu'elles s'étaient fréquentées, c'était déjà beaucoup. Mais instinctivement, elle pensait
que cette arrivée inattendue allait ternir les derniers moments de son séjour. Pour Sarah, ce séjour avec Carmela avait été un rêve qu'elle n'aurait jamais cru pouvoir vivre. Carmela et
Paloma étaient de grandes amies, elles allaient bien entendu se consacrer l'une à l'autre au détriment de Sarah.
Carmela dut sentir le désarroi de son amie, elle se rapprocha d'elle, et la prenant par les épaules se serra un peu
plus. « Ne t'en fais pas, ma
douce, c'est pour toi que je vis en ce moment. - Et quand je serai partie, elle prendra ma place ? - Peut être, peut être pas, Je dormirai sûrement avec Emeline pour avoir encore un peu de ton amour près de
moi. » Curieuses habitudes pensa
Sarah. Encore que depuis son arrivée, elle avait fini par intégrer cette façon créole de vivre et d'aimer. Elle s'était « créolisée » comme se plaisait à dire Carmela. Cette
situation, un mois plus tôt l'aurait mortifiée. Là elle souriait tristement, essayant de chasser les quelques traces de jalousie qui habitaient encore son
cœur. Paloma termina les interminables
formalités, et se dirigea vers les deux femmes qui l'attendaient avec le sourire. « Quelle bonne surprise mes amies, comment avez-vous su que j'étais dans ce bateau ? Je n'avais pas eu le temps de
prévenir. -La surprise est la même pour
nous Paloma, Nous étions venues voir arriver le bateau que Sarah prendra pour continuer son voyage vers Marseille. -Sarah ! J'ai un message pour vous, il est de Sophia Matilda, je craignais
d'arriver trop tard pour vous le remettre. -Merci Paloma, mais je pense que l'on peut se tutoyer, je ne sais pas si le « vous » existe dans le langage d'ici.
-Tu as raison Sarah, et puis on se connaît depuis si
longtemps ! -As-tu fait une bonne
traversée ? » Demanda Carmela. -Excellente. Ce navire est d'un confort qui frôle le grand luxe. Tu verras Sarah, tu n'auras pas à le regretter. » Les bagages récupérés, elles reprirent le chemin de la maison de
Carmela. Elles passèrent au salon, et devant
un cocktail rafraichissant, elles commencèrent à papoter. Il faut dire qu'elles ne se voyaient pas souvent !! « Et quel est le but de ton voyage Paloma ?
-Paris, comme toi Sarah, sauf qu'il n'y a plus de place, je devais prendre le bateau suivant, mais il restait des
places pour La Réunion seulement. Alors je me suis embarquée, pour attendre ici le prochain convoi. -Voilà une bonne nouvelle. Le départ de Sarah me sera moins dur à
supporter.
-A Paris, je veux voir le nouveau spectacle du Moulin Rouge, "Le French Cancan" et je vais voir si je peux le monter en Argentine ou
ailleurs. -Mais pour la nuit, il ne faut
pas te déranger pour moi Carmela, j'ai fait la connaissance d'une dame d'ici sur le navire, et je peux m'installer chez elle ! -Il ne manquerait plus que ça ! Tu me dis son
nom ? -Son prénom :
« Séraphina » -Je vois qui
c'est. Hummm! Jolie femme en effet ! Elle est veuve depuis peu. Tu as bien de la chance Paloma. -Je pense que tu n'as pas à te plaindre, Sarah pendant un mois, ce n'est pas mal non
plus ! » Même Sarah sourit à cette
plaisanterie. « Oui mais Sarah s'en
va, et Sarah est triste.
-Ne te laisse pas aller au désespoir, songe que tu pars retrouver
Florane. -Oui, et j'espère ne pas
arriver trop tard. » Sarah parvint
à retrouver sa bonne humeur. Si Paloma voulait aimer Carmela, pourquoi pas? Il ne restait que quelques jours, ce n'était pas si grave, elle dormirait avec Emeline, ou sa petite amie,
celle qui a une jolie poitrine ! Pas de risque d'être en manque chez Carmela. Mais cela va être dur de dormir seule comme avant, avant de connaître Carmela. Cette traversée allait
lui sembler très longue. A moins que... C'est vrai que souvent des femmes seules s'ennuient sur les "liners". Alors on verra bien. Sarah regardait Paloma, elle était surprise de la voir
aussi détendue, aussi enjouée, aussi belle. Il faut dire qu'elles ne s'étaient rencontrées que dans des moments difficiles. Ici, dans l'ambiance de l'île, tout était différent. Et le
visage Andin de Paloma reflétait une lumière aux reflets dorés. Au repas du soir, l'atmosphère était totalement détendue. Elles parlèrent de choses et d'autres, de mode de spectacles, des tournées de
Paloma colportant son spectacle à travers le monde ! « Alors Sarah ? Les nouvelles de Sophia sont bonnes ? -On ne peut pas vraiment dire cela. Côté santé, tout va bien, mais côté cœur tout est perdu. Son fiancé, l'Américain qui préside le
groupe financier, a disparu avec une grosse somme d'argent. Arthur a pris les commandes, et a prévenu l'armée des Etats-Unis. -Arthur ? Et pourquoi pas ton mari ?
-Lui, il s'occupe des moutons, et ça lui
suffit ! -Donc, ces magnifiques
tissus de laine que je reçois, c'est grâce à lui ? -Non, c'est grâce aux moutons. J'ai bien peur que Sophia soit encore jeune fille un moment. Pauvre fille, elle était si heureuse.
-Si elle veut se consoler, elle peut venir
ici ! -Bien sûr, en plus tu
l'aimeras, elle est très belle. Qu'en penses-tu Paloma ? -C'est vrai, elle est aussi belle que sa maman, d'ailleurs c'est une ressemblance étonnante, je l'ai trouvée assez sereine malgré cet
incident. -Il appartient aux américains
de régler ce problème. C'est curieux, j'avais confiance en ce garçon. -Il ne faut jamais faire confiance aux garçons. -Tu te trompes, Benjamin mon premier mari était tout ce qu'il y avait de plus
attachant. -Et tu lui as préféré
Florane ! -Oui, je suis une
mauvaise femme !» La conversation dura
jusqu'à la nuit. C'est Paloma qui y mit
fin. « Et si nous allions au lit
mes chéries ? Je vous quitte, je vais rejoindre Séraphina. » Comme ça tout était dit, et tout était clair. Sarah et Carmela passèrent la nuit enlacées. C'était peut être la première fois où la
tendresse avait participé aux jeux de l'amour. Comme si elles voulaient entasser le maximum de souvenirs des moments passés ensemble. Elles partageaient l'idée que Paloma était allée dormir à l'hôtel, pour ne pas les
déranger, sinon, elle serait partie plus tôt, ou aurait fait porter un message. Elle aurait pu aussi dormir dans la case, ce n'était pas la place qui manquait, et peut être qu'une
pensionnaire lui aurait tenu compagnie ? Le lendemain, elles se retrouvèrent toutes les trois pour le déjeuner. Sarah prit la parole. « Si j'ai bien tout compris, tu as pris ce bateau parce qu'il restait une cabine,
et tu prendras l'autre, dans deux ou trois semaines pour continuer ton voyage ? -C'est exactement ça. -Comme je l'ai fait moi-même. Sauf que pour moi il n'était pas prévu de continuer, je devais retourner à Adélaïde. Pour quoi y faire, je
me le demande. J'ai appris que Florane était sûrement en vie, donc je pars à sa recherche. Et le voyage continue. -Avant d'arriver ici, nous avons fait une escale à Pondichéry. Je n'ai eu aucun mal à
trouver la piste d'Amiya. -Amiya ?
Tu l'as vue ? -Non, je n'ai pas eu
le temps de la rencontrer, elle était en déplacement dans le nord du pays. J'ai appris qu'elle était mariée à un riche Maharadja, et qu'elle régnait sur un pays aussi vaste que l'île
Bourbon. Je retournerai là bas, et je prendrai le temps de la rencontrer. -Douce Amiya, comme quoi l'amour des femmes mène à tout..... -Oui, si l'on regarde ce que nous sommes, nous n'avons pas si mal
réussi. » -Je n'aurais jamais pensé
qu'elle ait pu se marier ! -Elle l'a
fait sans doute pour avoir une position sociale. Et si en plus elle a des servantes, c'est parfait. Sa beauté lui ouvrait toutes les portes, elle a eu raison d'en profiter. Et le
mariage, même pour une lesbienne, ce n'est pas la mer à boire! -Oui, mais il reste le mari. -Et ça, ce n'est pas toujours génial. J'espère bien passer toute ma vie sans avoir à connaître les caresses d'un seul
homme. -Quand je dansais en Argentine,
j'avais une relation avec mon partenaire. Pour bien danser, il faut bien se connaître. J'en garde un souvenir plutôt agréable. Je l'ai quitté quand il m'a proposé le mariage. Il a voulu
me tuer, Florane toujours sur ses gardes l'en a empêché. Je lui dois la vie ! -Charmant garçon, moi, je n'ai eu que deux hommes dans ma vie. Mon défunt mari, Benjamin, dont je garde d'agréables souvenirs et
Lusciano, que je n'ai jamais aimé. Je me suis donnée à lui pour que Florane se détache de lui et me revienne, et c'est le contraire qui s'est passé.
-On peut comprendre Florane. Que serait devenu votre couple si
l'enfant était né ? -Quel
enfant ? -Mais oui Paloma, Florane
était enceinte, c'est pour cela qu'elle a débarqué. Elle a perdu le bébé un mois après environ, elle n'en avait parlé à personne. Je ne l'ai appris que quelques années plus
tard. -Je l'ignorais
totalement. -Si je comprends bien,
des cinq femmes de notre cercle, je suis la seule qui n'ait pas reçu les honneurs masculins ? -Oui Carmela, et c'est sûrement toi la plus heureuse.»
L'après midi se passa sans Carmela qui était retournée à ses
affaires.
Sarah et Paloma allèrent prendre le soleil sur une plage déserte. A l'extrémité sud de la plage, quelques rochers les dissimulèrent à l'abri des regards. Elles se mirent nues pour
profiter du soleil. Dans l'île de la Réunion, la couleur de peau idéale, n'était pas blanche. Sarah avait déjà eu l'occasion de prendre quelques couleurs, tandis que Paloma était
naturellement très foncée. Sarah fut surprise en voyant Paloma dans le plus simple appareil. Elle avait un corps magnifique. La danse pratiquée durant toute une vie lui avait
sculpté un corps de rêve. Jolies jambes, jolie poitrine, fesses et cuisses musclées. Elle était mince, elle avait une morphologie d'athlète. Totalement épilée, elle exhalait une
féminité sans pareille. C'était Emeline avec quelques années et de la poitrine en plus. Sarah fut impressionnée par l'extraordinaire majesté qui se dégageait de son attitude.
C'était sans doute le lointain atavisme d'une descendance Andine. « Tu es magnifique Paloma, je ne m'attendais pas à voir en toi la Vénus ressuscitée. -Encore que la véritable Vénus a quelques petits bourrelets autour de la taille ! Je
ne suis pas Vénus, je suis la fille du soleil, une princesse Inca. -Tu as raison, tu es parfaite. De quoi ai-je l'air à tes côtés ? -D'une femme qui possède toute la féminité que je n'ai pas. Ce visage parfait, ces
seins magnifiques, ces hanches qui appellent les caresses, et des fesses sûrement plus douces que les miennes. -Pour ça, il faudrait vérifier..... -Je vais le faire Sarah » Sarah n'avait aucune arrière pensée. Elle avait appris très vite à obéir à ses
moindres désirs, sans la moindre retenue. Jusqu'en cet instant, Paloma ne l'avait jamais attirée. Peut être que son visage, aux traits un peu masculins l'en avait dissuadé. mais depuis
qu'elle avait débarqué dans l'île, elle s'était habituée aux visages de type indien. En ce moment ci, elle n'avait qu'une seule envie, que Paloma la serre dans ses bras. Elle
ressentait aussi de besoin de respirer le parfum de sa peau bronzée. C'est le baptême de l'île Bourbon sans doute, ou alors Carmela lui avait jeté un sort. En une fraction de
seconde, elle comprit que Carmela n'avait rien d'urgent à faire, et qu'elle les avait laissées ensemble délibérément. Décidément, ici, Carmela décidait de tout. Cette pensée s'évapora
quand elle sentit la main de Paloma sur sa hanche. «Vérification faite, c'est encore plus soyeux que je ne l'imaginais. -Tu veux me flatter ma belle amie, mais je sais que je porte bien mon âge, et que je ne devrais pas me conduire comme une jeune
fille. -Que dis-tu là ? Ne sommes
nous pas ensemble pour nous aimer sous le soleil ? Quand nous étions jeunes, nous n'avons pas eu l'occasion de nous connaître. Nous avons quantité d'années à
rattraper ! -Oui sûrement, mais
j'ai un peu honte de jouer les midinettes. -Il n'est pas question de cela, comme moi, tu as un grand besoin d'amour, tu as un corps qui sait donner l'amour, et tes sentiments sont purs. Qu'importe notre âge, si
nous nous trouvons belles et que nous avons envie l'une de l'autre ? » S'en suivit le premier baiser, sur des lèvres brûlantes mais avides de plaisirs. Sur la plage, sous le soleil filtré par le feuillage d'un palmier, elles se sont
aimées sans être dérangées. Ou alors, s'il y eut quelques regards indiscrets, ils profitèrent de la scène sans l'interrompre. D'ailleurs, il est possible qu'un spectateur n'eût pas été
suffisant pour interrompre une telle passion. L'après midi se passa en caresses, en amours, en plaisirs. Les deux femmes s'étaient trouvées avec bonheur. Elles avaient toutes les deux la connaissance parfaite de
leur corps, et des multiples façons d'arriver au septième ciel. A chaque fois que Sarah faisait l'amour, elle était persuadée qu'il ne serait plus possible d'aller plus loin dans
le plaisir. Et pourtant, à chaque fois elle avait l'impression de tout découvrir. Paloma se montra une amante imaginative, et elle n'eût aucune difficulté à dévoiler ses désirs
les plus secrets. Elle était tellement belle dans ses attitudes, que Sarah ne pouvait s'en détacher les yeux. La beauté de cet abandon donnait à Sarah des ressources
inépuisables. Le soleil était caché
derrière la montagne, quand, les lèvres rougies, la peau brûlée de soleil et les sexes meurtris, elles décidèrent de regagner la vie domestique.
Quand elles arrivèrent chez Carmela, celle-ci les attendait dans le
salon, en grande conversation avec Emeline. Echange de sourires et de baisers, Emeline était au summum de sa beauté. En les voyant s'approcher, Carmela se laissa aller dans une hilarité
inextinguible. « He bien mes
chéries, visiblement vous avez eu très chaud cet après midi !!! Il faut faire attention, le soleil est dangereux en cette saison, et de se baigner dans les vagues épuise rapidement. Je
n'aurais pas dû vous laisser seules, vous êtes imprudentes comme des gamines. -Le seul risque que nous ayons encouru, est d'être surprises alors que l'on se baignait nues.
-Entre autre chose je suppose. !! Mais vous ne risquiez rien,
j'avais placé des sentinelles pour que vous ne soyiez pas dérangées. -Carmela, tu penses à tout, tu prévois tout, avec toi il n'y a qu'à se laisser vivre. -Mais il faut aussi payer de sa personne quelques fois.
-Tu savais où nous allions ?
-Je sais tout ici. La police est moins bien renseignée que moi !
Heureusement sinon, en fait de jolies sentinelles, vous auriez eu l'armée au grand complet. Allez vous donner un coup de peigne, et revenez prendre
l'apéritif. En gravissant les marches de
l'escalier, Sarah eut la certitude que Carmela avait été l'une des « sentinelles » et qu'elle n'avait rien perdu de leurs ébats. Il faudra en parler à
Paloma Quand elles revinrent, la
serveuse aux seins nus préparait les cocktails. Sarah détailla la fille dans les moindres détails. Le pantalon blanc large et serré aux chevilles qu'elle portait était quasi
transparent, et l'on ne perdait rien de sa ligne incomparable. Le voile de mousseline vieux rose qui ceinturait ses cheveux, éclairait son visage d'une lumière cuivrée. Carmela suivit
le regard de Sarah et sourit.
-Celle-ci s'appelle Joséphine. C'est le plus joli minois de ma maison. Elle est très douce et très gourmande. Si vous la voulez pour
cette nuit, elle ne dira certainemen pas non. » A cette évocation, la fille gratifia les deux femmes d'un sourire engageant. Sarah et Paloma se regardèrent. Et c'est Paloma qui prit la
parole. « Pourquoi pas ? Si
nous n'acceptons pas cette proposition, nous le regretterons le reste de nos jours. » Carmela s'adressa à Joséphine dans le dialecte local. La fille reçut la nouvelle avec
un grand sourire et gratifia les trois femmes d'une superbe révérence. « Quant à moi, je vais être obligée de me contenter d'Emeline. Quelle
galère !!! »
Carmela tenait la grande forme. Ses plaisanteries sonnaient justes, mais n'y avait il pas au fond de son cœur quelque ambigüité qu'elle voulait dissimuler ? Pour ne pas laisser le
doute s'installer, c'est d'elle que vint la solution. « Je suis très heureuse que vous vous soyez trouvées. Très sincèrement heureuse. Chez moi la jalousie n'existe pas et heureusement. Assister à la liaison de mes
plus chères amantes me tuerait sur le champ. Aussi ai-je pensé à une solution qui vous permettrait de vous aimer quelques temps de plus, et qui rendrait peut être service à
Paloma ? Sarah a loué une suite
dans le paquebot, si vous n'avez pas peur d'être un peu à l'étroit, vous pouvez peut être la partager ? » Les deux femmes se regardèrent. Pourquoi n'y avaient elles pas songé plus tôt ?
Peut être pour Paloma le sentiment de rester redevable à Carmela d'un peu d'amour, peut être pour Sarah de ne pas priver Carmela d'un peu d'amour quand elle serait
partie. « C'est une excellente
idée. J'accompagnerai Sarah si elle ne dit pas non. Mon seul soucis et de t'abandonner, sans avoir réalisé ce pourquoi j'étais venue. -Ne t'en fais pas Paloma ce sera pour une autre fois. Je me consolerai avec la fiancée
du Vaudou.
-C'est qui cette nouvelle recrue ? -Sarah te
racontera !!! -Hum j'ai peut être
tort de partir alors. Si tu as encore de bonnes choses à m'offrir. -Tu sais bien que Dieu a créé le paradis des femmes à La Réunion. Mais si tu dois partir..... -Oui, il faut que je parte, j'ai pas mal de travail sur Paris. Et je ne pourrai pas
accompagner Sarah dans ses recherches. -Quand vous aurez compris que vous ne serez jamais plus heureuses qu'ici, vous reviendrez vivre sous nos palmiers pour le restant de vos jours. Rien ne vous retient
ailleurs, ici vous aurez tout, Amour Mer et soleil, des montagnes de fruits, et des filles à aimer par dizaine. Que demander de plus ?
-Tu as toujours raison Carmela, je me souviendrai du conseil.
Cependant je crains que les filles se lassent d'aimer une vieille femme comme moi. En attendant, Paloma me fera le plus doux des plaisirs en partageant ma
cabine. » La nuit avec Joséphine se
déroula dans un déluge de passions inattendues. Dire qu'elle était gourmande était en dessous de la vérité. Comment font toutes ces filles pour posséder à ce point la science des amours
les plus folles ? En très peu de temps, Sarah et Paloma demandaient grâce. Il faut dire que l'après midi avait déjà été plus qu'agité. Pour des femmes de leur âge, pouvoir caresser le
corps d'une fille de vingt ans, était un cadeau exceptionnel. Sarah et Paloma en avaient parfaitement conscience.
Sarah pensait que si on lui demandait ce qu'elle avait vu de son voyage à La Réunion, elle pourrait répondre qu'elle n'avait vu qie l'amour et que le rhum. C'était la débauche complète.
Elle le savait mais elle avait adoré cela. Paloma, bien que plus réservée sur ses sentiments, était toujours présente pour une étreinte, un baiser, une passion. Il faut peut être
imaginer que le parfum de toutes ces filles, vanillé? Poivré? (il était impossible de le cataloguer), était sûrement responsable de tous ces débordement.
Imaginons Sophia Matilda demandant à sa mère:
« He bien Maman qu'as tu fait tout ce temps à La Réunion?
-J'ai fait l'amour et je me suis saoulée!»
Le lendemain elles allèrent au port pour régulariser les détails du voyage. Le départ était fixé au surlendemain. Les heures qui restaient à vivre à Saint Benoit seraient sûrement les plus émouvantes jamais
vécues dans cet Eden. Le jour fatal
arriva. En fin d'après midi, Sarah était vêtue d'un costume pantalon d'un tissu très léger, et ce costume, fait à sa mesure, mettait en valeur un décolleté somptueux. Sarah portait le
« cadeau d'Emeline », une chaîne à la cheville formée de perles noires. Carmela remarqua ce détail et en fut bouleversée. C'était le signe de
soumission. Toutes les filles qui appartenaient à Carmela portaient fièrement cette chaine.. Sarah lui donnait ainsi la preuve de son amour, et de sa volonté de
lui appartenir. Le volume des bagages,
augmenté des présents de Carmela était absolument gigantesque. Il faudra en stocker une bonne partie dans la cale, pour qu'il reste un peu de place dans la cabine. Celle-ci,
comme l'avait décrite Paloma était divinement luxueuse. Le fait de voyager avec Paloma dispenserait Sarah de s'égarer dans les coursives du navire, elle n'aurait qu'à
suivre. Le plus dur fut évidemment pour
Carmela. De voir partir simultanément ses deux grandes amies, lui procura un choc inattendu. Elle, rieuse, si forte et tellement maîtresse de tout et d'elle-même, sombra dans un profond
malaise quand le bateau quitta le môle. Elle était là sur le quai, vêtue d'une magnifique robe de dentelle blanche, abritée d'une capeline, blanche également. Elle était accompagnée des
plus proches de « ses filles », quand soudain, ses jambes se dérobèrent sous elle, et elle glissa sur le sol. Elle fut bien évidemment secourue tout de suite, et les
suivantes firent ce qu'il fallait pour que le malaise de Carmela ne fût pas visible du bastingage. Sarah et Paloma furent un peu frustrées de ne plus apercevoir Carmela dans
la foule qui assistait au départ du paquebot. Puis celui-ci gagna le large, doucement, avec dans son erre, des tonnes d'amour qui allaient manquer cruellement à Carmela, mais aussi à Sarah et Paloma. C'était la
fin de la journée. Vers l'ouest, le soleil aveuglant éclipsait la terre qu'elles venaient de quitter. Comme si les adieux devaient se terminer au plus vite. Sarah se laissa tomber sur
un transat, et ne put empêcher ses larmes de s'épancher à gros sanglots. Paloma, ne pleurait pas, elle ne pleurait jamais. Elle se demandait pourquoi elle avait perdu de vue
Carmela. Pourtant, avec cette capeline blanche, elle aurait du être facilement reconnaissable.
Dans ce moment de tristesse infinie, son visage se faisait plus dur, et son regard sombre questionnait l'horizon.
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