IV-Michèle |
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L'amour n'est que le roman du cœur, |
J'étais heureuse, totalement heureuse. On se revoyait souvent, nous recherchions toutes les occasions possibles de nous rencontrer et de nous aimer. Il me semblait que nos désirs devenaient de plus en plus forts, et nos amours plus exigeantes. Nous avions beaucoup de chance. Je m'en rends compte aujourd'hui, car personne n'essaya de nous nuire. Excepté Ludovic, qui mit sa menace à exécution, mais cela ne lui apporta pas le résultat attendu. Ma maman voyait bien que j'avais changé. Je faisais très attention à mon allure, mes vêtements, ma coiffure, je passais deux fois plus de temps dans la salle de bain. Je sortais souvent, je passais tout mon temps libre hors de la maison. Je voulais devenir tout de suite la jolie femme qui saurait retenir Michèle. Elle aussi avait changé, et l'on était bien ensemble. Maman souhaita rencontrer « mon amie » comme elle disait avec le sourire et les yeux pétillants. Quand je la voyais comme ça, je savais qu'elle était contente pour moi, et je lui aurais sauté au cou. Michèle accepta tout de suite la rencontre. A mon grand étonnement, ce fut une Espagnole qui en rencontra une autre, et les « retrouvailles » furent chaleureuses. Ma maman avait enfin trouvé une amie à qui parler dans sa langue maternelle, et Michèle avait trouvé le même plaisir à avoir cette conversation. Il n'était pas courant à Compiègne, pour elles deux, de pouvoir s'exprimer de cette façon. Je parlais parfaitement la langue, mais n'ayant jamais vécu en Espagne, je n'en maîtrisais pas toutes les subtilités, toutes les finesses, les sonorités, et cet accent féminin inimitable. Je ne reconnus pas la voix de Michèle, qui avait retrouvé un accent enfoui dans les profondeurs de ses origines : « La voz ronca » (la voix rauque) qui fait ce parler des femmes andalouses. Ma maman aussi avait changé son expression, et toutes deux devinrent en un instant les meilleures amies du monde. Elles parlaient très vite, avec des intonations qui, quelques fois, m'empêchaient de suivre la conversation. Tout cela entrecoupé d'éclats de rire. On se serait cru dans les figones de la Barcelonetta. Cette rencontre fut un vrai bonheur pour nous trois, et ma maman me confia être rassurée. Elle pensait que j'avais beaucoup de chance d'avoir rencontré cette « jeune Andalouse. ». Ludovic eut moins de réussite. Il ne parlait pas l'espagnol, et la discussion qu'il eut avec ma mère tourna court. Mon père, quant à lui, refusa de lui parler. Que l'on puisse critiquer sa grande fille était hors de son entendement... Par contre il fut reçu par « le proviseur » du Lycée. A cette époque, on n'avait pas encore pris l'habitude de féminiser à outrance toutes les professions. Michèle était professeur, et le proviseur était une femme : Madame Denise D. Elle devait avoir la quarantaine, elle était mariée, avait deux enfants. Elle était assez « class », c'était une blonde aux cheveux courts, très féminine, élégante et mesurée dans ses propos. Toutes les filles du Lycée l'adoraient, et l'on parlait de « Denise » avec admiration, sympathie et respect. Elle m'invita dans son bureau, un soir, à la fin des cours. J'attendis quelque peu dans le couloir, avant que la double porte capitonnée ne s'ouvre. J'avais un peu la gorge serrée, je craignais le pire. Elle m'accueillit avec le sourire, et sans hésiter m'embrassa sur la joue. Elle m'invita à m'asseoir à ses côtés sur un canapé, et de sa voix douce, commença à me parler en me détaillant de son regard affûté. Moi aussi je la regardais. C'est vrai qu'elle était belle, j'étais très impressionnée.
« Comme tout le monde ici, je n'ignore pas ta liaison avec le
professeur Michèle M. » Il parle sans détours de relations amoureuses et même sexuelles, qui auraient eu lieu dans sa propre maison.»
A ce moment là, Denise s'interrompit, et me regarda intensément. Je ne vis
que de la douceur dans ses yeux, et le léger sourire de ses lèvres, m'encouragea à la franchise. Je me sentis sourire également, mais j'avais besoin d'être plus en confiance, pour
répondre à ces affirmations. Denise dut sentir mon hésitation, et dans un geste des plus naturels, elle me prit doucement la main.
Quand je racontai ça à Michèle, elle s'en amusa, et me dit : De tous ces instants, je garde un souvenir flamboyant. Je me sentais grandie, adulte, considérée, prise au sérieux. J'étais joyeuse, toujours en forme, seule ma petite sœur se plaignait de cet état de chose. Alors qu'avant, j'étais un peu sa nounou, Il est vrai que je l'oubliais un peu pour vivre le bonheur qui était le mien.
Ma passion pour Michèle n'altéra en rien mes résultats scolaires. Le soir
après les cours, elle corrigeait des copies pendant que je faisais mes devoirs. Il me semblait qu'elle était savante en toutes matières. Elle me faisait travailler aussi bien les maths
que les sciences, l'anglais, et même le latin. Elle avait avec moi une patience d'ange, mais aussi suffisamment d'autorité, pour que je me concentre sur mes études. Comme mon niveau
d'espagnol dépassait largement celui de la classe où je me trouvais, elle me fit un cours spécial de littérature, ce dont j'avais grandement
besoin. Une autre chance se présenta. La prof d'Anglais avait obtenu sa mutation, et Michèle qui enseignait aussi l'anglais, fut désignée pour lui succéder. Je reconnus là, le coup de pouce de Denise, et j'en fus bien heureuse. J'imaginais le sourire qu'elle avait eu, en prenant cette décision.
Le temps s'écoulait avec douceur. Seule dans mon lit le soir, je repassais
en boucle tous mes souvenirs. Il m'arrivait de songer que peut être une nuit nous dormirions ensemble, et même, nous partagerions une maison ou un appartement. C'était fou, mais il me
semblait que tout ce qui était heureux, devait fatalement nous arriver. J'étais surprise de me sentir aussi à l'aise. En sa compagnie, pas de « hiérarchie » amoureuse, Michèle me considérait comme son égale, elle avait pour
cela beaucoup de tact, et tout me paraissait naturel. La seule crainte qui me hantait parfois, était qu'elle se fatigue de moi, qu'elle se lasse de mon amour, de ma présence, de mon regard, de mes
formes. Parallèlement, il me semblait qu'elle
appréciait de plus en plus nos étreintes. Ses orgasmes étaient plus violents, plus fréquents, quelques fois même ils se succédaient très vite. Elle se donnait jusqu'au bout de ses forces.
Et cela m'impressionnait beaucoup. Je ne pense pas que l'on m'ait fait un cadeau plus somptueux dans ma vie que cette simple phrase. C'est vrai, c'était tellement évident...
« A moins que tu n'aies pas envie de me supporter »
roucoula-t-elle sournoisement. Voilà ce que je te propose : Nous n'irons pas en Amérique du Sud. Je ne veux pas faire des frais si ce n'est pas indispensable. Je
dois aller voir ma famille, et je t'emmènerai avec moi. Il y a une petite maison là-bas où nous serons tranquilles. Et nous y resterons deux semaines, peut être plus...Ensuite nous irons
aux Baléares, à Formentera, c'est sauvage et magnifique c'est le paradis de tous les homos de la terre.» (C'est la première fois que je l'entendais employer ce
terme)
« Et ton mari ? Que va-t-il en dire ? »
Ma maman ne parut pas tellement enchantée de cette proposition. Mais sachant
l'immense plaisir que cela me procurerait, elle n'eut pas le cœur de refuser. Elle savait aussi qu'à bientôt seize ans, je n'étais plus une enfant, et que déjà je m'étais éloigné du
nid familial: La cause fut entendue. Mes parents me donnèrent l'autorisation de partir en vacances aux bons soins de Michèle M. L'année scolaire était terminée. J'avais bien travaillé et j'étais arrivée première de la classe. Je me sentais transformée, j'étais plus sûre de moi. Je m'étais fait couper les cheveux chez le meilleur coiffeur de Compiègne, je me mettais un peu de noir aux yeux. J'avais changé totalement de look. Il faut dire que pour le moindre chiffon, nous étions deux à choisir. Lucie me disait ne pas me reconnaître. Gentille Lucie, Je ne la reverrai peut être plus, ses parents allaient s'installer en Bretagne. J'avais un peu maigri, et ma taille affinée faisait ressortir cette poitrine dont j'étais si fière, et mes hanches de femme affirmée. Je faisais toujours du vélo le Dimanche matin avec mon père. Si je lui avais dit non, je sais qu'il en aurait beaucoup souffert. Et finalement je ne m'en plaignais pas, cela me faisait de jolies jambes, et m'évitait de prendre des kilos. Le jeudi soir, nous allions à la piscine Avenue de Huy, et là, Michèle n'avait rien à m'envier. Pendant que je pédalais, elle faisait du footing avec une amie dont j'étais un peu jalouse, et qui portait sur moi un regard appuyé qui me mettait mal à l'aise. Quelques fois, nous sommes allées dans une boîte, écouter les nouvelles musiques de Reggae, Bob Marley et Ijahman Levi. On dansait des slows, on ne buvait pas d'alcool, on ne fumait pas, on se regardait dans les yeux, on s'embrassait, et cela n'en finissait pas.
Je me sentais belle, je me sentais aimée et désirée. Je ne faisais
aucun complexe. J'étais adulte, j'avais conscience qu'on me regardait, et,
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