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Rien n'est plus vivant qu'un souvenir. |
Cet anniversaire passé, rien, dans ma vie, ne fut plus jamais pareil. Je n'avais plus qu'une idée en tête, Michèle, Michèle et Michèle. J'étais impatiente. Je savais, j'espérais, j'attendais, j'étais sûre qu'il y aurait une suite. J'étais une gamine, mais au plus profond de moi, je ne pouvais admettre que ce que nous avions fait ensemble n'aie pas de suite. Ce qui m'avait frappée durant ces quelques minutes d'intimité, c'est le naturel avec lequel Michèle avait réussi à gommer les treize années qui nous séparaient. Treize ans, cette expression me faisait perdre le souffle, et je sentais mon cœur s'accélérer dès que, dans mes pensées, je venais à les évoquer. Michèle s'était adressée à moi comme à une femme adulte, elle n'avait pas eu le ton condescendant que l'on a envers les tous jeunes. Michèle m'avait aimée, elle avait aimé mon corps, mes seins, mes hanches, mes lèvres, mes caresses aussi, sûrement. Ce que nous avions vécu, c'était un rendez vous de femmes amoureuses. J'avais oublié qu'elle était mon prof, elle avait oublié que j'étais son élève, Il s'agissait d'un échange de gestes amoureux, elle avait aimé mes seins dans sa bouche, elle avait aimé mes caresses. Nous avions été totalement l'une à l'autre, et consciemment ou non, je savais qu'il y aurait une suite, que l'on n'en resterait pas là, et que notre rencontre était une promesse. Pourtant, à mon grand étonnement, il se passa une bonne semaine, encore après les vacances de Noël, sans que nous ayons le moindre contact. Je savais que je n'avais pas rêvé, j'interceptais de temps à autre un regard furtif, mais pas un mot, pas un geste, pas même un frôlement, un effluve de parfum. Mon optimisme commençait à se laisser aller. J'avais beau me dire que nous n'avions que quelques heures de cours d'espagnol par semaine, j'étais très inquiète. Lucie qui avait bien sûr tout compris, et tout accepté sans la moindre trace de jalousie, me réconforta, me sourit, et me conseilla de patienter encore. Après tout, il n'y a pas si longtemps, quelques jours, quelques heures, oui, mais que cela semble long quand on a sur les lèvres le goût de sa bouche, lorsque l'on caresse en rêve la finesse de son corps, et que l'on effleure la douceur de sa peau. Et puis un beau matin, (ce fut vraiment un beau matin,) à l'intérieur d'une copie qu'elle me rendit, il y avait un tout petit mot griffonné à la hâte :
« No te olvido, no lo podría, mi cariño se aburre. » Ce que je traduisis par : « Je ne t'oublie pas, je ne le pourrais pas, mon amour s'ennuie. »
Ces quelques mots me firent l'effet d'une brûlure, je fermai les yeux, tant
le soleil soudain réapparu, me parut éblouissant. Mais ce n'est pas cela qui changea grand-chose, enfin dans l'immédiat. Bien sûr, on renouvela nos rencontres, desquelles je sortais
toujours un peu, non pas déçue, mais avec l'impression de passer à côté de quelque chose qui, je le sentais, serait important pour moi. Une chose était sûre, c'est que Michèle me restait
fidèle, et qu'elle n'éludait jamais les propositions que je lui faisais, de se rencontrer ici ou là. Nous passions ensemble le plus de temps possible, et cela me paraissait encore bien
peu. Michèle me proposa de venir faire mes devoirs chez elle, elle pourrait ainsi m'aider me disait elle. C'est ce que je fis. Elle prit au sérieux sa nouvelle occupation, et elle réussit
à merveille la relation travail, sentiments. Chez elle, un soir, je fis la connaissance de Ludovic, son mari. Il arriva alors que Michèle était sortie pour une course. On ne peut
pas dire que la rencontre fut chaleureuse.
C'est en larmes qu'elle me trouva en revenant. Je passais une nuit agitée. Ma maman ne posa pas de question, comme à son habitude, mais comme d'habitude j'étais sûre qu'elle avait tout deviné. Quelle chance j'avais d'avoir des parents comme ça.
Depuis ce jour, l'attitude de Michèle envers moi, changea radicalement. Elle
ne tentait plus de dissimuler notre liaison. Elle me prenait la main, les épaules ou la taille. Elle venait fréquemment me retrouver entre deux cours, nous parlions à voix basse, de tout
et de rien. Je trouvais souvent un mot dans mes copies, elle me sortait du lycée, bref, nous nous étions installées dans la lumière, et apparemment, ça ne gênait personne. Tout le
monde maintenant, m'appelait "eve anne", c'était venu comme ça, sans vraiment d'explication. Un matin, quand nous arrivâmes en cours, une grande inscription était écrite au tableau:
Et puis un jour, un beau jour, on se retrouva seules pour toute une journée.
Michèle me reçut en déshabillé, et me dit tout de go : Je crois que j'ai su. J'ai trouvé les gestes, j'ai trouvé la façon de la faire gémir, elle eut plusieurs orgasmes violents, et enfin, après un moment qui me parut bien long, elle me fit ce que jamais personne ne m'avait fait. Les choses dont on parle, les histoires que l'on raconte, tout cela n'était rien, j'ai dû perdre connaissance, tant mon plaisir fut grand. Nos corps étaient luisants de sueur, nos cheveux entremêlés, et nos bouches rougies. Nos sexes avaient donné, ils avaient reçu. La fusion de nos désirs avait été totale. A bout de souffle, ébouriffée, Michèle me regardait fixement avec un visage que je ne lui connaissais pas.
« Tu as été merveilleuse » me dit-elle, « Comment ferais-je
maintenant si je ne t'avais plus ? » « Voilà, nous sommes arrivées au point où tu dois choisir. Je ne t'ai pas violée, c'est toi qui es entrée nue dans la cabine de douche, souviens toi. Je t'ai rendu l'amour que tu as inventé par instinct, pour moi, et c'était merveilleux. Tu as satisfait mon corps, avec ce petit quelque chose en plus, qui doit être de l'amour. On ne peut aimer comme ça s'il n'y a pas d'amour. Alors, il faut que tu partes, que tu me quittes, que tu te sauves, maintenant, tout de suite, parce que moi, je ne te quitterai plus. » Elle me mit les larmes aux yeux, je n'avais pas besoin de ça. On alla se tremper dans un bain de mousse, dans cette grande baignoire. J'avais le sentiment d'avoir pris la place de quelqu'un, et je n'en avais aucun remord. Pourtant, je savais que ce quelqu'un existait, et que je devrais dompter ma jalousie naissante. Alors que je quittais l'immeuble, je vis Ludovic qui arrivait. Cela me fit sourire. Je ne sais pas s'il m'a vue. Mais je savais qu'il rentrerait dans un appartement qui avait gardé les marques de nos amours parfumées.
La scène, d'après ce que me raconta Michèle, fut
épouvantable. Aucune des traces de nos heures de passion n'avaient disparu de son visage. Ludovic le vit et vit le lit défait, et sa colère fut très violente. « Je ne peux pas
tourner les talons sans que tu t'envoies en l'air avec des gamines !! Je vais aller trouver ses parents, le proviseur, on ne va pas en rester là !
Michèle était amoureuse, passionnément amoureuse, et personne
n'aurait pu l'empêcher de vivre cet amour. Michèle représentait à mes yeux, une force inouïe, et je m'étonnais sans cesse que toute cette énergie fût dépensée pour moi.
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