|
||
Folleville |
||
|
||
Tout à coté du lieu dit « La Pierre aux Fées » à quelques pas du vieux château, à la
lisière du grand bois qui bordait jadis le village de Folleville, elle vivait dans une pauvre chaumière.« La Vieille Dame », C’est ainsi qu’on l’appelait
aux alentours, vivait en recluse et ne sortait que le soir venu .On la craignait. On l’évitait .Elle possédait dit-on, des pouvoirs surnaturels : « Elle jette des sorts,
elle mène les loups les nuits de pleine lune » C’est ce que l’on chuchotait, de peur d’être entendu de La Vielle Dame.
Le 14 Juillet 1880, deux évènements importants vont se succéder. Le
premier instaure pour la première fois la date du 14 Juillet comme fête Nationale. Voté par Jules Grévy le 6 précédent, Cette nouvelle loi rencontre une vive
oposition.
Ce sera
pourtant un succès populaire indéniable. Le beau temps du mois de juillet favorise tout d’abord les festivités en plein air. Grâce à ses rites qui
prennent place sur la voie publique (retraite aux flambeaux, défilés, bals, inaugurations de statues, etc.), la République reprend à l’Eglise un espace que celle-ci investissait avec ses
processions, et offre au peuple une fête dont il est un acteur, contrairement aux fêtes monarchiques et impériales. La mâtinée est dévolue aux
officiels. Par les discours, les inaugurations et les défilés militaires, la République exprime sa force et exalte son passé, ses vertus et les principes taillés aux frontons de ses
édifices. Elle réquisitionne pour ce faire la participation du clergé (pour faire sonner les cloches) et de l’armée qui, malgré les convictions monarchistes d’une partie de ses officiers,
va bientôt fournir le « clou » du spectacle officiel avec son traditionnel défilé.
|
||
|
||
Le même jour, c'est l'arrivée à Folleville, petit village de la Somme, d'une jeune femme de la capitale, Alida, qui venait tout juste d'avoir 25 ans. Artiste peintre reconnue et lasse de la vie mondaine, elle décida de séjourner à la campagne, au calme, pour y exercer son art. C'est sur Folleville qu'elle jeta son dévolu, et qu'elle s'installa pour travailler. On lui avait vanté le calme de ce village, les ruines empreintes de mystère du vieux château médiéval, les ciels ennuagés et romantiques de Picardie, le climat, bien que rude, épatant pour sa santé. De plus le village avait le privilège de ne pas être trop loin de Paris, situé près de la route fréquentée par les chasses marées. Elle prit penson dans la seule auberge du lieu : « L’auberge du vieux Castel» , seule auberge du village, où, magré la rudesse des clients habitués, on ne lui manqua jamais de respect |
||
|
||
Dès le lendemain, rassemblant son matériel,
palettes et chevalets, elle s’engagea sur le chemin qui partait vers le couchant, en direction de « La Faloise » village voisin à une lieue d’ici. S’arrêtant en un site qui lui
semblât propice, elle se mit à peindre, sans se soucier du temps qui passait. La journée s’écoula rapidement, concentrée sur sa toile et sa palette. Elle eût à plusieurs reprises
l’impression d'être l’observée, mais n’y prêta pas plus d’attention que cela. Une jeune femme solitaire pratiquant l’art de peindre était une curiosité rare en campagne, mais elle en
avait l’habitude. Le soir même, alors qu’elle dînait dans la salle de l’auberge, le patron lui demanda si elle n’avait pas aperçu une jeune fille. « Pourquoi cette
question ? » lui répondit l’artiste ? Et l’aubergiste, en veine de confidences, lui raconta à voix basse, les rumeurs qui couraient sur « l’ensorceleuse ». Elle
partit en éclats de rire. » Des histoires à dormir debout ! Je ne vois pas en quoi je serais concernée, et je n’ai qu’un seul amour: l’art de la peinture » - « Prenez
garde tout de même ! » La jeune femme répondit d’un haussement d’épaule aux conseils du tenancier. |
||
-Tu aimes ou tu aimes
beaucoup ?
-J’aime, et j’aimerais que tu me donnes un
tableau ! Celui que tu as peint près de la fontaine, là, tout à coté, c’est mon coin préféré, je viens de m’y baigner!
-Et que me donneras-tu en
échange ?
-Rien ! Je n’ai rien à
donner ! » Dit-elle en détournant la tête tristement.
« Si dit la jeune femme, tu peux me
donner un baiser. Un tableau contre un baiser !
-Tu es folle ! Tu serais bien la
première à qui je donnerais un baiser ! Adieu » et elle disparut avec une rapidité déconcertante.
La jeune femme demeura un instant songeuse,
pourquoi avait elle dit ça ? C’était stupide ! Oui stupide, il est vrai, mais c’était spontané, elle avait vraiment eu envie de ce baiser.
Vraiment.......
Doucement, elle se leva et retourna lentement
à l’auberge, troublée…..beaucoup plus qu’elle ne l’aurait avoué.
|
||
Et de la nuit elle ne put fermer l’œil,
incapable d’oublier, ne serait-ce qu’un instant, l’image obsédante de la jeune fille penchée sur elle, cette nudité lumineuse, cette apparition miraculeuse. Ainsi les villageois
avaient raison, elle aussi était tombée sous le charme.
C’est avec précipitation qu’elle repartit dès
le lendemain matin pour peindre, avec pour seule idée de revoir Aneseau, espérant qu’elle lui aurait pardonné son audace.
Elle avait sous le bras la petite toile
peinte au bord de la fontaine, et de toute façon, baiser ou pas baiser, elle lui offrirait le tableau. Elle voulait lui offrir, de toutes ses forces, de toute son âme lui offrir ce
qu’elle avait créé sans le savoir, pour elle. De cela elle en était sûre.
Elle s’installa, déploya son chevalet, ses
pinceaux, ses pastels, mais le cœur n’y était pas, aucune inspiration, une seule pensée la tourmentait, la jeune fille, son regard vert pâle comme les eaux de la fontaine, ses lèvres
roses comme les nuages du matin, ses cheveux blonds comme le soleil, sa jeune poitrine pointant sous l’étoffe légère, et sa taille aussi fine que le foulard qui
l'enroulait..
Deux petites mains se posèrent tout à coup
devant ses yeux ! Malgré le silence elle ne l’avait pas entendu s’approcher « Qui est-ce ? demanda une petite voix rieuse »
Elle était derrière elle, ses petits seins
collés contre ses épaules, c’était une brûlure. Elle desserra les mains, aperçut le tableau de la fontaine posé sur le sol.
« C’est pour moi ? Tu l’as amené
pour moi ? » L’émotion perçait dans sa voix…
« C’est pour toi, oui, bien sûr »
dit elle en se retournant « Mon dieu que tu es belle !! »
« Tu veux toujours un
baiser ? » C’est elle qui avait prononcé ces mots, Alida n’en crut pas ses oreilles. Elle n’eût pas à répondre, Aneseau lui sauta au cou avec fougue et l’embrassa, petit baiser
sur la joue, puis se reprenant colla ses lèvres aux lèvres d'Alida.
Les jours suivants elles se revirent des
heures entières, personne ne savait, personne ne se doutait. Au bord de la fontaine quelques curieux auraient pu découvrir quelques vêtements épars... Surprendre quelques
soupirs.....
Quand la jeune fille traversait le village
chaque soir, elle était méconnaissable, elle paraissait étrangement sereine, les yeux dans le vague, comme en extase…..Et elle souriait……ensorcelée………….
|
||
|
||
Et puis, par une belle matinée d’été, Alida
l’Artiste peintre, boucla son bagage et déclara que son travail était fini. Sans attendre, elle repartit pour Paris. Le Jour même, Aneseau disparut, Jamais plus on ne la
revit…
Avec le temps, les langues se délièrent. On
chuchotait, on détournait la tête quand on voyait passer « La Vieille Dame ».
Certains disaient que l’artiste peintre pour
se libérer du charme –car on était sûr qu’à trop fréquenter la forêt, elle aussi avait dû succomber- la femme ensorcelée avait tué la belle. D’autres affirmèrent (c’était l’avis de l’Abbé
Martin, Chanoine de Moreuil) que dans le péché, il lui était arrivé malheur et que le diable l’avait rappelée à lui.
Mais quelques uns pensèrent humblement, sans
oser toutefois l’avouer, qu’à son tour, l’amour les avait touchées et que tout simplement, toutes les deux, elles étaient parties .............
Allez donc
savoir…….
|
||
|
||
|
Derniers Commentaires