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  • : Le blog d'eve anne, Madrid.
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Heure d'Hiver

   

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   L'Hiver

 

 

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Vulnerant omnes
Ultima Necat

 

 

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Je suis comme je suis,
Je plais à qui je plais.

ego sum ego sum
sicut qui similis

 

 

 

 

Bonne Année



BonneA              

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Extraits

 

Rencontre en Forêt
carrefour11

J’ai fait une sortie hier soir en fin d’après midi, et je ne sais pas pourquoi, j’ai pris mon VTT au lieu du vélo. Dans les chemins de la forêt j’ai été doublée plusieurs fois par le même gros 4-4. J’ai eu l’impression que le mec voulait attirer mon attention. J’ai remarqué, au moment où il me doublait qu’il ne portait rien, il était torse nu. Nos regards se sont croisés, Puis il est parti loin devant. Il faisait doux, pas de vent, la forêt sentait bon. . . . . . . . . Un peu après, au coude du chemin, j’ai vu le 4-4 arrêté, dans un endroit où le chemin se rétrécissait, il n’y avait plus de place pour passer à droite, le taillis touchait la voiture, et un tout petit passage à gauche. 

La devise du Quebec
Hôtel du Parlement - Copie

Québec hiver 1876, en fin de matinée le soleil donnait à la ville gelée, les mille feux du diamant. Le froid était vif et les passants emmitouflés étaient peu nombreux. Pourtant, sur le trottoir ensoleillé, un homme ne semblait pas ressentir de gêne à déambuler tête nue, normalement vêtu, ou plutôt anormalement vêtu dans l’air glacé. Il n’avait pas de gants, et son regard bleu était perdu dans le rêve où il flottait. Il tenait à la main un petit rouleau de papier, et ce feuillet enroulé faisait de lui l’homme le plus heureux de la terre. Il suffisait de le regarder pour remarquer le sourire qui illuminait son visage d’homme intelligent et déterminé. Il venait d’avoir quarante ans, son allure était alerte, et son élégance impeccable attirait le regard.

Le testament de Benjamin  Briggs
Le testament de Benjamin Briggs

Les arbres du square Victoria commençaient à dérouler leurs feuilles. Florane-Marie D’Auteuil avançait à pas légers le long de la bordure du trottoir de la rue du Square Victoria. Malgré le soleil qui avait embelli la journée, l’air était encore frais. Elle tenait bien fermé contre sa gorge le col de fourrure de son manteau d’hiver. Florane était la fille d’un diplomate français décédé au cours de l’hiver dernier. Après un séjour de trois ans en Bavière. Elle vivait à Montréal depuis deux ans. Elle s’y plaisait mieux, et il y faisait moins froid qu’à Québec. Elle trouvait aussi la ville plus moderne et plus vivante. Elle ne venait pas souvent dans le parc, elle était généralement occupée dans l’institut où elle travaillait le plus souvent.

 Autoroute du Nord
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Autoroute du Nord, nuit de samedi à dimanche, 2 heures du matin, la chaussée est luisante, la pluie n’arrête pas de tomber, depuis des jours et des jours. Échangeur de Bapaume, les lumières de la cité toute proche se mêlent aux lumières bleues des gyrophares des ambulances et des voitures de gendarmerie. Les clignotants jaunes du Samu, et de puissants projecteurs éclairent une zone d’activité intense. De la fumée, des cris, des ordres jetés, des silhouettes fluorescentes s’agitent dans toutes les directions. Une très forte odeur d’essence s’est répandue, tout se déroule au milieu du bruit infernal des groupes électrogènes et des compresseurs. De l’autre coté du muret central les bolides ralentissent à peine sous l’œil préoccupé des gendarmes trempés.

            La Massane
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Les premières gouttes de l’averse s’écrasaient bruyamment sur les dalles de pierre. Lucile venait de refermer la porte du garage de l’hôtel, il était temps, à peine avait-elle reçu quelques gouttes. Elle adossa son vélo contre le mur et plaça avec soin l’antivol d’acier. Elle remonta directement à sa chambre par l’escalier de service. Il faut dire que l’équipement cycliste bariolé de réclames et de couleurs vives n’est pas tellement seyant pour les femmes habituées naturellement aux arcanes de l’élégance. Elle ouvrit tout de suite la fenêtre, et contempla avec ravissement l’orage au plus fort de sa fureur. Le tonnerre était d’une violence inouïe, et l’écho renvoyé par la montagne toute proche amplifiait les grondements incessants. 

Les Travers de Ms Philipson
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Le trajet entre Paris et Londres en Eurostar n’allait pas être suffisamment long pour calmer l’excitation de Magali. Elle regarda sa montre; dans 5 minutes ce sera le tunnel, et moins d’une heure pour arriver gare de Waterloo. Quinze jours auparavant, Magali avait quitté le lycée un peu plus tôt, pour absence de son professeur d’Anglais. C’est ce qui explique qu’elle ait elle-même ramassé le courrier dans l’entrée de l’immeuble cossu, rue de Turbigo, tout près de la place de la République. Au milieu d’un amoncellement de publicités, journaux, lettres etc, l’une d’entre elles lui était personnellement adressée. C’était une enveloppe anonyme, sans flamme ni cachet, ni marques reconnaissables. Elle attendit d’être à l’intérieur de l’appartement qui surplombait magnifiquement la capitale, pour ouvrir le pli qui, a priori, ne lui disait rien de bon. Elle monta directement dans sa chambre, d’où l’on découvrait toute la partie nord de Paris, jusqu’à la butte Montmartre, à demi visible dans la brume de printemps en cette fin d’après midi.

         La brosse à Dents
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Ce n’était pourtant pas un jour exceptionnel. Un samedi comme un autre, sauf que c’était l’été, que la chaleur était déjà accablante, et que je me sentais légère, en pleine forme et heureuse. Pourquoi ? Je ne saurais le dire, j’étais bien c’est tout. Madrid était une fournaise, mais cela faisait maintenant pas mal de temps que je m’y étais installée, et franchement, je ne regrettais rien. Ma fille était avec moi, et le samedi matin nous avions pris l’habitude de faire nos courses pour la semaine. Il était encore tôt, mais nous n’étions pas pressées, bien qu’étant attendues pour déjeuner à la finca où nous avions nos amis. Nos amis et nos habitudes, c’est là que nous avons logé avant de trouver cette petite villa du nord de Madrid, avec sa petite piscine et ses pins parasols. Cette villa, nous l’avons louée toute meublée. C'est-à-dire avec le minimum, ce qui lui donnait un genre particulièrement spartiate avec ses murs blancs et ses meubles foncés. On s’y était attachées, et pour nous, c’était le paradis. Nous n’avions plus que quelques achats de peu d’importance, mais je devais passer absolument à la pharmacie pour acheter de l’huile solaire.

 Résistance et Trahison
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Le 19 mai 1940 restera à jamais le jour le plus sombre de l’histoire d’Amiens. Tandis que le général de Gaulle, à la tête d’une division blindée, contient l’avancée des troupes allemandes dans le Vimeu et la région d’Abbeville, l’armée nazie bombarde la ville préfecture de la Somme. Tout le centre-ville et les gares de chemin de fer sont rasés. L’ancien secrétaire général de la Somme, Jean Moulin, apprend la nouvelle de la destruction de la ville, et revoit dans ses récents souvenirs la belle cité telle qu’il l’a connue, la préfecture d’Amiens et son propre bureau où il a travaillé au service de l’État. Il n’accepte pas que tout cela soit souillé par la présence ennemie. Amiens s’enfonce dans quatre années de souffrance et de terreur. La communauté amiénoise se divise. Certains acceptent la fatalité. D’autres la refusent et résistent. Et d’autres encore se mettent du côté des plus forts. Jean-Marc Laurent n’a que 16 ans en 1942 lorsqu’il entre dans le réseau “Centurie”. Simple cheminot, il intègre les FTP, unités combattantes clandestines. Il participe à de nombreuses opérations contre l’armée allemande.

  La Chapelle St Domice
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Depuis que Karen avait disparu, Adrianne vivait l'enfer. Elles étaient amies de longue date. Ce qui semblait être pour les autres une camaraderie d'adolescentes était en réalité un grand amour partagé. Karen et Adrianne poursuivaient avec brio leurs études de médecine. L'une serait Sage femme, et l'autre voulait être gynéco. Elles n'en étaient pas encore là, elles avaient encore quelques années à travailler comme des esclaves pour espérer arriver à quelque chose. Karen et Adrianne étaient des filles sans histoire. Discrètes, inséparables, Elles étaient admises et aimées par les étudiants de leur université. Elles étaient lesbiennes disaient quelques-uns, elles étaient amoureuses disaient les autres. Certains, les plus proches, disaient qu'elles s'aimaient passionnément. Toutes deux très jolies, leur sourire n'avait d'égal que le pétillement de leurs prunelles. Elles étaient gaies (joyeuses) elles aimaient la vie, elles aimaient le monde, les fleurs les animaux, elles étaient surtout le reflet du bonheur total. Mais tout cela, c'était avant. Avant ce terrible accident qui emporta en quelques secondes la vie de Karen. . .

              Aneseau
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Tout à côté du lieu dit « La Pierre aux Fées » à quelques pas du vieux château, à la lisière du grand bois qui bordait jadis le village de Folleville, elle vivait dans une pauvre chaumière. « La Vieille Dame » ! C’est ainsi qu’on l’appelait aux alentours, vivait en recluse, et ne sortait que le soir venu. On la craignait. On l’évitait .Elle possédait, dit-on, des pouvoirs démoniaques : « Elle jette des sorts, elle mène les loups les nuits de pleine lune …» C’est ce que l’on chuchotait, à l’abri des regards de peur d’être entendu de La Vieille Dame. Ou peut-être même des adeptes de ses remèdes ou de ses pratiques. En effet, on lui prêtait également bien d’autres pouvoirs, elle n’avait pas son pareil pour combattre la fièvre. De bon matin elle vous faisait marcher dans l’herbe d’un pré couvert de rosée, cueillir par-ci, quelques poignées de feuilles de plantain, les jetant par-là, derrière, sans vous retourner. La pratique était efficace, autant que celle qui consistait à guérir les maux de ventre en prenant à jeun une infusion de la deuxième pelure du sureau qu’elle avait cueilli à la nouvelle lune, en récitant une prière aux saints Côme et Damien.

     Destruction Massive
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Saddam est un homme qui doit être intelligent, et dangereux, Il a déclenché une guerre qu'il n'a pas su gagner, et s'en est pris plein les yeux. C'est maintenant un homme blessé, parce qu'il a perdu devant l'Occident et ça, il ne le pardonnera jamais. Il rumine sa vengeance et son esprit tordu imagine des milliers de scénarios tous plus terrifiants les uns que les autres. Il a beaucoup investi dans la fabrication des armes bactériologiques et chimiques, et les ateliers de fabrication de ces potions tragiques ont été vite reconstitués. Aujourd'hui il tient sa vengeance, il a convoqué ses fidèles pour leur faire part de son plan, leur demandant leur appui pour le mettre à exécution. En ressortant de son bureau, sur les trois "généraux" dans le secret, deux se sont suicidés, pour ne pas avoir à accomplir cette tâche, tant elle était terrifiante, irréversible et incontrôlée. Et le déroulement des opérations a commencé. L'arme absolue: Les Kurdes, et la compassion de l'occident pour les martyrs de l'Irak. Il fallait y penser.

  L'Infirmière d'Ambazac
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« Bonjour, excusez moi de vous déranger, je m’appelle Ghylaine, et je suis infirmière à Ambazac. » Laurence se retourna, et fut surprise de la vision qui s’offrait à elle. La jeune femme était assez jolie, la trentaine, brune et le visage assez fin. Elle était un peu plus grande, très mince, les cheveux mi-longs, coiffés « à la diable ». Le maquillage assez discret, un rouge à lèvres très rouge, les sourcils très noirs, les paupières ombrées. Un grain de beauté sur la lèvre supérieure gauche. Le premier examen était favorable. Ghylaine souriait, Laurence lui rendit son sourire. « Je suis Laurence, et je n’ai pas besoin de piqûres ! Que puis- je pour vous ? —Voilà, je vous ai aperçue au concert d’Aixe-sur-Vienne samedi soir. Je vous ai vue prendre des photos, j’en ai pris aussi, je vous propose que nous les regardions ensemble. » Le sourire ne l’avait pas quittée en prononçant ces mots. Laurence trouva l’idée excellente, quoique peut être un peu intéressée :

      Les Etoiles Eteintes
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Sarah restait dans le mausolée pour mieux méditer. Elle appréciait que le décor soit aussi sobre, que le lieu soit aussi calme, que la lumière soit diffuse, et la fraîcheur aussi agréable. Seul flottait dans l'air ce parfum de géraniums, mêlé à celui de la canne à sucre, omniprésent à Saint-Benoît de La Réunion. Elle tira la porte derrière elle. Coupée du monde extérieur, elle serait mieux pour prier et se recueillir sur la tombe de sa belle amie. Elle aimait ce mur de marbre brut, ce dépouillement de tout objet de culte: pas de croix, pas de Christ, pas de Maries. Dehors, les géraniums en fleur ceinturaient l'édifice, mais dedans, aucune fleur, que la pierre, le marbre, la lumière. Une plaque de bronze sculptée à l'effigie d'une jeune femme aux longs cheveux épars, au visage fin comme l'avait Florane quand elle était arrivée dans sa vie. Pour que cet endroit soit tel qu'il est, Florane avait dû en définir tous les détails elle-même. Sarah pensait que le service des pompes funèbres pourrait peut-être lui donner quelques détails sur les derniers jours de Florane, et peut-être, qui sait, lui faire rencontrer les gens qu'elle connaissait, ou même qu'elle fréquentait ?

      L'Adjudant Moreau
gendarmerie-nationale

Roger Lheureux arriva au 4 rue de Seclin. Il était 9 h 15. L’ouverture de la centrale était à huit heures. Quand il lança un « salut » à la ronde, aucun de ses collègues ne lui répondit. Roger n’était pas à proprement parler un bon copain, mais il était le numéro deux de la centrale syndicale départementale, et à ce titre, il était plus craint que respecté. Ce qui choquait ses collègues de travail, c’est qu’il arrivait régulièrement en retard, et généralement dans un état de violence éthylique mal dissimulé. Chaque matin, Roger faisait une halte au « Café de la Savonnerie » situé juste en face de l’usine qui produisait des millions de tonnes de lessive en poudre. Dans ce café, nul besoin de passer sa commande, le patron vous sert d’emblée un café accompagné d’une « bistouille ». La bistouille étant ce petit verre de genièvre qu’il fallait boire en premier lieu et vider le second verre dans le café. Souvent on remettait ça, et après la deuxième ou troisième bistouille, on allait travailler. À cette époque, les accidents du travail étaient nombreux, et bien sûr, l’employeur était toujours l’unique responsable.

        Un Douze Avril
Joëlle et moi

Un 12 avril …. Oui c’était un 12 avril, je m’en souviens très bien, c’était le jour d’anniversaire de ma maman, et j’étais allée déposer une potée de tulipes sur sa tombe, des tulipes perroquets rouges et blanches, ses préférées. C’était la fin de l’après midi, à l’heure où le soleil, bas sur l’horizon, allonge les ombres, et colore la nature du vert jaune des feuilles naissantes, du bleu de ciel et de blanc nuages. Il faisait beau, il faisait doux. Sur l’autoroute il y avait peu de circulation ou du moins elle était fluide. Pas d’excès de vitesse, j’étais en balade. Je rentrais chez moi, il me restait tout juste une demi-heure de trajet. J’arrivai à proximité d’une aire de repos : « Aire de Tilloloy Ouest » et machinalement je mis le clignotant, je ralentis dans la chicane et débouchai sur le grand parking. Je m’arrêtais souvent à cet endroit, d’abord parce que sur mon trajet habituel je n’ai pas tellement le choix, mais surtout pour le bois qui entoure ce parking, c’est vraiment très forêt, c’est superbe.

            Joyeuse Noelle
Joyeux Noelle

Pour moi, Noel est rarement joyeux. Ici, là où je vis, à Madrid, La Navidad se fête bien entendu, mais ce n'est pas le même Noel qu'en France. Les jouets pour les enfants sont offerts le jour de l'épi Fanny, La Navidad est surtout une fête religieuse, où la messe de minuit se paie l'intérêt général. Autre raison et pas des moindres, ma grande fille rejoint son père en France. Ainsi elle ne souffre pas d'un dépaysement total. Voir son père, c'est bien vite dit. C'est un homme orgueilleux, très occupé, pas du tout papa gâteau. Mais Axelle a le coeur sur la main et elle accepte avec le sourire l'accueil réservé de son papa. Heureusement, le papa s'est remarié, forcément, il avait besoin d'une esclave pour lui porter le café au lit. Cette esclave s'appelle Rachel. C'est une de mes amies, elle est très belle, nous nous aimons beaucoup, en secret bien sûr. Je crois qu'elle est plus jolie que moi, un peu plus jeune il est vrai, Nous nous voyons rarement maintenant que je suis expatriée. Elle s'occupe très bien de ma fille, elle l'adore, elle n'a pas d'enfant, tous ses efforts n'ont jamais abouti. Rachel est pharmacienne. Son officine n'était pas très loin de mon immeuble, ainsi je ne rechignais jamais à aller me chercher les rares médicaments que je prenais. J'ai toujours fait beaucoup de sport. Du vélo, de la piscine. C'est ce qui me vaut sans doute d'être encore présentable aux 44 ans que je viens de fêter il y a deux jours. Rachel aussi fait du sport, mais en vraie compiégnoise, elle a choisi de faire du cheval.

         Le Petit Laurent
Laurent (4)

Entre son bonnet bleu et son masque de chirurgien, on ne voyait que ses yeux noirs. Pourtant, quand il tournait son regard sombre vers l’une ou l’autre d’entre nous, on comprenait instantanément ses désirs, sans qu’il eût prononcé la moindre parole. J’étais devant lui, et j’étais l’assistante de l’autre chirurgien qui lui faisait face. L’entente des deux hommes était remarquable, c’était le meilleur « bloc » de tout l’hôpital. Je passais les instruments qu’on me réclamait, tout en essayant de ne pas regarder le champ opératoire, je ne m’y habituerai jamais. Pourtant, délimité par le drap bleu ciel et les linges blancs tâchés de rouge, l’ouverture ne ressemblait à rien que l’on puisse identifier, sans être du métier. Moi je ne l’étais pas, je passais les outils, comme une autre fille aurait pu le faire aussi bien. Et pour ne pas regarder l’opération en direct, je portais les yeux sur le chirurgien aux yeux noirs, ou sur son assistante qui me faisait face, dont les yeux étaient d’un bleu sauvage. De l’assistante on ne voyait que la proéminence de son imposante poitrine.

 Le Chaos de Targasonne
Le Chaos de Targasone

Sur les hauteurs des Pyrénées-Orientales, la Cerdagne est un vaste plateau ensoleillé, un encorbellement entre le mont du Carlit, et celui de Puigmal, tous deux culminants aux alentours de 3000 mètres. La Cerdagne est à une altitude de 1600 mètres en moyenne, et elle a la particularité d’être une région fertile, bien que de haute montagne, puisque l’on y récolte des céréales, du blé principalement. On y vient de Perpignan par la route qui monte à Font Romeu, ou par le côté Espagnol en traversant l’Andorre. Dans la partie occidentale de la Cerdagne, on trouve un lieu particulièrement mythique, « Le Chaos de Targasonne » Plutôt qu’un lieu, on pourrait dire un pays, voire une région, puisqu’il s’étend sur 50km. Le Chaos est un amoncellement de roches granitiques -par exemple- dont l’origine et la formation ne paraissent pas évidentes. Curieusement, on trouve aussi ce genre de relief dans la forêt de Fontainebleau ou dans la Lozère.

        Le Coupe Chou
Le coupe chou-1

S’il existe un lieu magique à Paris, c’est bien la gare de Lyon. Pas cette gare TGV souterrainement austère et sans âme, mais la gare de surface, la vraie, celle qui fait vibrer le cœur dès que l’on aperçoit l’horloge, du boulevard. J’ai toujours aimé les trains, depuis ma plus tendre enfance quand, avec mes parents et ma sœur, nous partions à la mer. La Gare de Lyon à l’heure des grands départs est habitée d’un esprit particulier. Peut-être est-ce simplement la concentration des voyageurs en attente. C’est cette odeur particulière, faite d’humanité, d’ozone et de poussière. Ce grand espace face aux quais, animé de ses panneaux affichant les horaires, et les milliers d’yeux, levés vers les chiffres verts qu’ils ne semblent pas comprendre. Et puis ce sont tous ces jeunes avec sacs au dos, assis sur les murets des escaliers descendant au sous-sol. Ils fument, ils mangent d’énormes sandwiches, vident quantité de boîtes de bière ou de Coca. Ils dorment ou s’embrassent, l’amour des fois, se fout du décor. En haut de l’escalier, ce superbe restaurant : « Le Train Bleu » qui fit briller de ses ors, la redoutable Nikita, alias Anne Parillaud.

            Jolie Luna
Lena Gercke

Sur les pavés de la place St Jacques, Rachel avait beaucoup de difficulté à marcher avec ses talons aiguilles, et se casser un talon maintenant, ne serait pas pour lui remonter le moral ! Rien n’allait vraiment bien depuis une semaine. Elle avait du mal à effacer de son esprit ce qui s’était passé, et ce soir-là, elle n’avait pas envie de rentrer chez elle, et de se retrouver seule avec ses idées noires. Sa petite fille était pour le week-end chez sa grand-mère. Elle entra dans le café le plus proche. Le Coq d’Or l’un des plus joliment décorés de la ville. Elle n’était pas une habituée des lieux, d’ailleurs elle entrait rarement dans un café. Il y avait du monde, de la musique jazzy, de la fumée, comme dans tous ces endroits-là, en fin d’après-midi. Elle s’approcha difficilement du bar et demanda un Tonic. Le barman la servit, puis, son verre à la main, elle chercha dans la salle un endroit libre pour se poser.

            La Mante
Les DrusCouleur

Je la reconduisis à la porte. Les quelques pas qu’elle fit devant moi suffirent à provoquer mes plus secrètes fêlures. Sa démarche, ses bottines à hauts talons, son jean élimé aux fesses, ses fesses rondes perchées sur des jambes interminables, ce perfecto, qui était choisi sans doute uniquement pour mettre ses fesses en valeur, et cette chevelure de jais, coupée court, très bas sur la nuque, avec cette mèche savamment rebelle qu’elle remettait en place d’un mouvement de tête des plus étudié. Deux anneaux dorés apparaissaient alternativement au rythme de son pas décidé…..Elle s’arrêta sur le palier, se retourna… Gros plan sur une poitrine agressive, moulée dans un pull col roulé blanc. Visage bronzé, ses yeux noirs lancèrent un éclair, histoire d’humaniser son sourire crispé. Elle commença à descendre les degrés, je fermai la porte appuyai mon front sur le chambranle, et je restai ainsi les yeux fermés, imprégnée de ces images qui repassaient en boucle, dans mon souvenir immédiat.

      Les Jeux de St Elme
Les Jeux de St Elme

Juin 1999 ! décès de mon père, puis en octobre, celui de ma mère. Après 63 années de mariage, la pauvre femme n'a sans doute plus estimé utile de continuer à vivre. Ils ont ainsi rejoint au paradis, leur fille décédée neuf ans plus tôt, à l'âge de quarante-huit ans. Il avait quatre-vingt-sept ans, elle en avait quatre-vingt-deux. Ils ont donc élevé trois enfants : deux filles et le garçon que je suis. Quelques mois plus tard, il fallut se décider à tirer un trait sur la matérialité de leurs existences : Vendre la maison où nous avons grandi, et la débarrasser de tous les meubles et objets leur ayant appartenu. Voir la maison de notre enfance complètement vide fut pour ma sœur et moi, une douloureuse épreuve. Au moment de charger les derniers cartons, ma sœur me désigna celui qui était resté un peu à l'écart.

     Les Jours de Liesse
Les Jours de Liesse

Il faisait un temps superbe ce jour-là. Dans la petite bourgade de Saint André, cette petite ville touristique de Haute-Provence près du lac du Castillon, la saison touristique était à peine commencée. Pourtant, il y avait pas mal de monde en ville, et déjà quelques nageurs courageux dans les eaux glacées. Pour certains c’était déjà les vacances, mais pour d’autres, le travail était encore d’actualité. Il faisait déjà chaud. Pourtant, la ville est à neuf cents mètres d’altitude. Le soleil comme toujours dans cette région était de la partie. Derrière les baies vitrées des bureaux, les employés commençaient à souffrir de la chaleur. Heureusement, la matinée de travail touchait à sa fin. Guillaume avait l’impression que ses clients étaient convaincus, et qu’il remporterait ce marché difficile. Il était assez fier de cette présentation. Bien sûr, il n’était pas seul à avoir réussi à établir ce climat de confiance, qu’il sentait maintenant installé chez ses interlocuteurs.

   Les Tricots de Marguie
Les Tricots de Marguie

Marguerite Dupain était une femme au grand cœur. Pourtant on ne peut pas dire qu’elle avait été gâtée par la vie. Née de parents miséreux de la région de Douai, à Goeulzin plus exactement, elle avait, toute sa jeunesse, traîné ses galoches le long du canal, trouvant dans cette campagne ouvrière tous les motifs qui pouvaient alimenter ses rêves. Elle s’imaginait par exemple qu’un intrépide marinier l’emporterait un jour sur sa péniche, et l’emmènerait ainsi de l’autre côté du monde, là où il n’y aurait que joies et que richesses. Son père, fut l’un des derniers ouvrier de la dernière brasserie du village, et comme bien souvent, il était le meilleur client de son patron.

   Le Miracle Impossible
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C'est ainsi que Jésus parvint dans une ville de Samarie appelée Sychar, non loin de la terre donnée par Jacob à son fils Joseph, là même où se trouve le puits de Jacob. Fatigué du chemin, Jésus était assis tout simplement au bord du puits. C'était environ la sixième heure.Arrive une femme de Samarie pour puiser de l'eau. Jésus lui dit: "Donne-moi à boire." Ses disciples, en effet, étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger.Mais cette femme, cette Samaritaine lui dit: "Comment? Toi, un Juif, tu me demandes à boire à moi, une femme samaritaine!" Les Juifs, en effet, ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains.Jésus lui répondit: "Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit: "Donne-moi à boire", c'est toi qui aurais demandé et il t'aurait donné de l'eau vive."La femme lui dit: "Seigneur, tu n'as même pas un seau et le puits est profond; d'où la tiens-tu donc cette eau vive?

          Noire d'Ecume
Noire d'écume

Voyager est sûrement ce qui me motive le plus. Lorsque j'ai choisi de faire ce métier, je n'y avais pas spécialement songé, ou alors, ce n'était pas l'élément fondamental de mon choix. Et pourtant, c'est ce qui m'apporte le maximum de joies. J'adore voyager. Me rendre au pied levé dans telle ou telle ville, dans ce pays ou un autre, est pour moi le plus grand des plaisirs. Ce n'était pas a priori évident. Il faut apprendre à voyager, comme il faut acquérir l'envie de voyager. Tout ce que l'on va rencontrer sera un étonnement. Je ne dis pas un enchantement, puisque sur notre terre, il se trouve malheureusement quantité d'endroits d’où l'on a plus envie de fuir plutôt que de séjourner. Quand j'ai su que je devais me rendre à Cadix (Cadiz en espagnol), j'ai ressenti ce petit pincement au cœur, signe de plaisir intense. Ce n'était pourtant pas la première fois. Je m'y étais déjà rendue, en coup de vent, une seule journée, et je m'étais juré d'y revenir. Cette fois, j'étais décidée à rester le temps qu'il faudrait pour la visiter, et pour en ressentir l’ambiance et le passé.

              Soledad
Roissy

Elle est moche cette voiture, avec cette inscription comme un tatouage ridicule à l’arrière « Taxis Lefèbvre » « Longues distances » « Roissy-Compiègne » C’était une Espace Renault, ce gros machin carré qui, à peine parti était déjà arrêté deux cents mètres plus loin au premier feu rouge. C’était comme une hésitation, cette voiture arrêtée. C’était la dernière chance, soit d’en descendre, soit de courir pour la rattraper. Mais Jane ne bougea pas, et personne n’en descendit. Les yeux pleins de larmes, elle ne distinguait plus nettement le véhicule. Elle le vit repartir, tourner au coin de la rue et disparaître. Axelle lui serrait la main comme pour dire, « ne pleure pas je suis là ». Ce n’était pas la première fois que sa « tata » partait en voyage. Mais Jane bien sûr ne lui avait pas dit que ce départ était le dernier, et qu’il n’y aurait pas de retour. Ainsi va la vie des gens qui assument leurs choix, la vie est unique, il n’est pas toujours écrit qu’une rencontre change forcément la vie, la vie se vit en suivant le chemin décidé. La vie ne change pas toujours de vie.

              Manon
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Quand la boîte aux lettres fut ouverte, les trois quarts de son contenu se répandirent sur le sol. Manon se baissa, difficilement, car les talons et la jupe serrée ne sont pas spécialement faits pour cet exercice. Elle ramassa un à un tous les journaux de pub de télé, toutes les propositions des mages de la région, toutes ces enveloppes pleines de factures, et d’autres feuillets divers. Au beau milieu de ce fatras, un document attira son attention. Elle le plaça sur le haut de la pile que sa main contenait avec difficulté. Puis elle referma la boîte, se dirigea vers l’ascenseur, après avoir pianoté le digicode. Elle retrouva avec délice l’appartement illuminé de soleil, avec son parquet brillant, ses jolis rideaux de voile de lin, ses fleurs et ses tableaux, sa bonne odeur de parfums et de cire, cette odeur si caractéristique des alcôves féminines. Manon posa le tout sur la table du salon, et partit dans la salle de bain au cas où quelque réparation serait nécessaire. Il fallait qu’elle se change pour aller faire quelques courses au Champion tout proche. Ceci étant fait, elle jeta un coup d’œil sur le document qu’elle avait ramassé.

            Fait Divers
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A 300km /heure, le Thalys filait vers Bruxelles en longeant l’autoroute du Nord. Dans le compartiment de première classe, confortablement installé, bercé par le ronronnement régulier du TGV, Albert se laissait aller à sommeiller. Il adorait ce train, où le confort était parfait, le seul endroit où il savait pouvoir réellement se reposer. Il faut dire que sa vie était quelque peu agitée, et le stress prenait souvent le relais de la volonté et de la détermination. Il était installé sur le fauteuil à coté de la vitre qui donnait coté autoroute. Il savait que les voitures qu’il voyait, roulaient au moins à 150km/h. Pourtant, il avait l’impression qu’elles allaient au ralenti. Il remarqua une BMW qui sur la file de gauche doublait toutes les voitures avec une aisance étonnante. Malgré tout il la perdit de vue très rapidement. Sur les fauteuils de l’autre coté de l’allée, il y avait deux jeunes femmes, qui se regardaient en se parlant à voix basse, quelques fois un sourire illuminait les visages.

 

Les Dryades

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J'ai déjà par mes nouvelles, abordé beaucoup de sujets. Peut être font-ils partie de "tout le reste". Je ne suis pas une fervente admiratrice de Simone de Beauvoir, (sauf quand le rôle est tenu par la divine Anna Mouglalis) et je ne me reconnais pas dans les féministes de tous bords. Pourtant, s'il y a un trait de ma personnalité qui surclasse tous les autres, c'est bien mon amour de la femme. Je suis lesbienne donc, puisque c'est l'étiquette que l'on colle aux tribades modernes, mais là encore, ce n'est pas vraiment ça, puisque je suis mariée, et j'ai une fille d'un premier mariage. Je tiens à vivre ma vie comme tout le monde, le plus simplement possible. J'allais dire le plus "normalement" possible, mais je sais que cela aurait fait bondir certaines âmes guerrières. Rassurez-vous, je ne vise personne. Une vie de famille, c'est ce que j'ai toujours souhaité, en faisant la part de ma vie et de mon autre vie. Mon alter ego est une entité qui existe, qui influe bien évidemment sur mon autre vie. J'espère simplement que personne autour de moi, n'en souffre. Si quelqu'un ignore ma bisexualité, c'est que ça ne l'intéresse pas, car je ne dissimule rien, je vis comme ça vient. Je vis au grand jour, et j'aime au grand jour. Je n'ai aucune arrière-pensée, aucune envie de dissimulation. "Je roule plein phares". Ma devise pourrait être le titre de ce blog, "O me quieres O me dejas. Ce qui veut dire en clair, "Ou tu m'aimes ou tu me laisses". C'est d'autant plus facile à comprendre que je vis en Espagne, banlieue de Madrid près de l'aéroport. Je suis en Espagne depuis 6 ans bientôt. Je m'y suis installée pour raison professionnelle, quand l'envie m'est venue de faire "autre chose, autrement". Ce n'est pas pour raconter ma vie, mais plutôt pour raconter mon histoire, ce qui bien sûr, est différent. Je ne suis pas une pro des blogs. Il y a encore quelques mois, j'ignorais tout de cette façon de s'exprimer. J'avais vu bien sûr les merveilles réalisées par ma belle amie Ana, et sans ce stupide accident qui m'a clouée durant quelques semaines, je ne me serais jamais lancée dans cet exercice. 

 

Chapitre 1

Les Demoiselles de St Ladre

 

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Samedi 15 décembre 2007 La petite route était noire et luisante au milieu de toute cette neige grisâtre. À peine dégagé, le ruban d’asphalte était étroit, et les voitures se croisaient avec difficultés. Il avait neigé fortement depuis le début de ce mois de décembre. Déjà, mi-novembre, quelques flocons avaient blanchi la campagne. Et depuis, une neige très fine, humide et pénétrante, n’arrêtait pas de tomber, virevoltante au moindre souffle de vent. Ce n’était pas suffisant pour recouvrir la route abondamment salée, mais assez pour effacer en une journée toutes les traces de la veille. La circulation n’était pas très intense, il semblait que l’activité, comme la nature, s’était endormie. Il faisait froid et humide, d’autres précipitations importantes, peut-être neigeuses, étaient attendues. Le ciel était gris bien sûr, et la nuit ne tarderait pas à accabler le paysage d’un sombre avenir. Les arbres des taillis tendaient désespérément leurs squelettes vers de gros nuages terrifiants. Depuis les quinze jours que la neige était omniprésente, la plupart des branches de ces arbres nus avaient perdu leur chargement de poudre blanche. Et pour d’autres, il suffisait d’un souffle de vent pour qu’elles se dévêtissent, dans un chuintement à peine perceptible. La petite route reliait la départementale à la petite ville de Cagny. C’était un raccourci bien pratique qui permettait de rejoindre le parking de la gare de Longueau. À quelques centaines de mètres de la station, la route était surplombée par cet immense viaduc qui enjambait la vallée marécageuse. Ce que l’on appelait la rocade, mais en réalité c’était l’autoroute qui contournait la ville par le sud en surplombant la vallée. Le flot des véhicules épargnait ainsi le centre-ville qui, à grands frais, avait été tristement abandonné aux piétons. Parallèlement à la route, sur un remblai de quelques mètres, la ligne de chemin de fer émergeait tout juste, elle aussi, de la couche de neige. On ne distinguait que les rails, les traverses n’étaient plus visibles qu’à de rares endroits. Comme la petite route, les voies s’engouffraient sous le viaduc dans la direction de Paris. De l’autre côté des voies, la falaise de craie du plateau picard ajoutait sa grisaille au décor ambiant. En face, dans la vallée, le marais. Cette immense étendue d’étangs constitue le lit de la rivière qui coule sa tranquillité dans la réserve Saint-Ladre, avant de se mêler à la Somme à Camon, entre Longueau et Amiens. 

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 Photo François Benveniste.Titre-1
 Les Jeux de Saint-Elme,  Emma

 

Emma-NB Depuis le départ de Marie-Claude, je me traînais un cafard monstre. L'ubiquité de sa présence me manquait énormément. Ses rires n'arrivaient plus à mes oreilles, plus de farces, plus de cette folle gaieté que j'ai adorée. Je ne sais pas comment je me serais intégré dans cet établissement sans elle, sans sa douceur, son parfum, le soyeux de sa peau, et ses formes généreuses. Il me faudra faire un effort considérable pour la chasser de mes souvenirs. Trois jours plus tard, quand Chloé vint pour me piquer, elle me lança:
«Alors, toujours malheureux? Sa petite chérie est partie, alors Monsieur nous fait une déprime?
–N'ayez crainte, ça ne va pas durer.
Dépêchez-vous, il doit y avoir plein de femmes qui attendent votre bon vouloir
Vous par exemple?»
Elle ne répondit pas, me jeta simplement un regard que je ne sus interpréter. En début d'Après-midi, je pris le parti d'aller chez Lysiane. Peut-être était-elle visible? Elle était la seule à pouvoir me changer les idées. En suivant le couloir, je passais dans le bloc qui séparait les chambres des femmes de celles des hommes. Je jetais machinalement un œil dans le «bureau» de l'infirmière d'étage. Je la vis de dos, elle était en train d'enlever sa blouse. Les bretelles d'un soutien-gorge blanc se détachaient sur sa peau brune. Je m'arrêtai net et sans faire un bruit, je regardai. Les cheveux montés en chignon, dégageaient la nuque, et j'eus subitement envie de déposer un baiser sur ces épaules nues. Je m'approchai sans bruit, et je déposai un baiser dans le cou de la jeune femme. J'étais préparé pour une réaction violente. Il n'y en eut pas. Au contraire, elle baissa légèrement la tête pour dégager sa nuque et me laissa l'embrasser. Toujours dans son dos, je dégrafai le soutien-gorge. Alors que je saisissais les seins, elle pencha la tête en arrière pour s'appuyer contre moi. La poitrine était ferme, douce, élastique, c'était un réel plaisir. Sans se retourner, elle me dit:
«Tu en as mis du temps !! »
Elle se retourna.
«Comment as tu deviné que c'était moi ?
– Il n'y a personne d'autre ici qui ait suffisamment de culot pour faire ça.
–Je te croyais lesbienne réellement !

– Oui et alors ? Marie-Claude est lesbienne et elle t'a fait l'amour quand même ! – C'est vrai !»
Je regardais son visage, ses yeux, ses seins aux grandes aréoles presque noires, ses épaules de nageuse. Mon dieu les seins !!!
«Tu es vraiment très belle» lui dis-je.
«Je te plais ? Hé bien prouve-le.»
Elle remit sa blouse, sans le soutif, me prit la main et m'entraîna vers ma chambre. Ce fut ce qu'on appelle une «sieste crapuleuse». J'avais beaucoup de chance, moi qui n’étais pas un héros, je tombais sur des femmes actives, faites pour l'amour. Sont-elles toutes comme ça ? Non, je ne le pensais pas. Nous avons passé un bon moment ensemble, jusqu'à ce qu'elle reparte pour ses occupations. Lysiane ne m'a pas vu ce jour-là.
Chloé était réellement belle, d'une beauté impressionnante, par son allure, sa poitrine, ses hanches. Elle était aussi grande que moi. C'est la première fois que j'aimais une femme comme elle. Le lendemain, elle entra discrètement, me déposa un petit baiser au coin des lèvres et me dit:
«J'ai bien aimé. Ta réputation est méritée.»
Je haussai les épaules, et je n'en croyais rien. Je n'avais pas eu tellement de femmes dans ma vie, et je n'avais ni l'expérience, ni les «moyens» d’une bête de sexe.
«On se revoit quand ?
–Je ne sais pas» dis-je, et regardant l'alliance qu'elle portait au doigt:
«Il faudrait que tu divorces pour avoir du temps libre !
– Oh ça va, n'exagère pas, à part la nuit, je suis libre tout le temps.
– Je disais ça comme ça. Tu l'aimes ton mari ?
– Évidemment !
– Il te fait bien l'Amour?
– Comme un dieu.
– Hé ben tant mieux, tu n'auras pas besoin de moi....
– P'tit con !!!! »
Je sortis avant midi faire une balade au village. Je revins juste pour me mettre à table. Les autres garçons étaient déjà là, et les deux filles aussi. Je ne sais pourquoi, mais ces deux là me laissaient de glace. A deux tables plus loin, il y avait Emma. Elle était assise face à Gilberte. Je les regardais. Je vis que la discussion ne devait pas être facile. Il n'y avait pas de sourires, ni la complicité que l'on voyait entre elles avant. Vers la fin du repas, Gilberte se leva brusquement et repoussa sa chaise violemment. Il y a de l'eau dans le gaz pensé-je. Emma était impassible. Elle regarda dans ma direction, esquissa un sourire et baissa les yeux. Nous avions terminé le repas. Alors que l'on se dirigeait vers le salon, je me retournai. Emma était encore là, songeuse, elle ne finissait pas son repas. Je fis demi-tour, et j'allais me planter en face d'elle.
«Je peux m'asseoir?
– Bien sûr» dit-elle avec un triste sourire. Je ne me fis pas prier. Je la regardais, elle plongeait ses yeux dans les miens. C'était une arme redoutable. Ce regard bleu pénétrait au fond de moi.
«Hé bien Franck ? C'est sympa de venir me voir, j'en ai grand besoin!
– Ha oui, j'ai vu que quelque chose n'allait pas !
– C'est Gilberte, elle est jalouse, elle voulait que je passe la journée avec elle, et j'ai refusé. Elle parlait d'une voix douce, le visage presque grave, mais ses yeux ne souriaient pas.
– Il fait trop beau pour s'enfermer.
– Justement, si je te propose une balade, ça te dit ?»
Là son visage s'illumina.
«Avec plaisir Franck, mais tu as peut être autre chose de plus important à faire....?
– Pas du tout, je suis tout à toi !
– Alors, banco ! Je vais me changer, tu viens avec moi?»
Emma était au 5ème étage aussi, deux chambres après Lysiane. En passant dans le couloir on croisa Chloé. Elle nous lança un regard noir.
«C'est ta dernière conquête? Elle a l'air furieux. D'habitude elle est toujours souriante.
– D'habitude, toi aussi.
– Bien répondu. C'est là, entrons.»
Sa chambre était la même que la mienne, mais inversée. Ca sentait l'eau de toilette, Il y avait beaucoup de fleurs. Sur la commode, une vasque d'osier avec quantité de lettres. Mais ce qu'il y avait de plus étonnant, c'était le nombre de peluches. Il y en avait partout. Elle suivit mon regard, et dit:
«Ce sont des cadeaux d'un peu tout le monde. J'ai besoin de ça pour remplir «mes vides».
– Et les lettres, ton amoureux ?
– Non, mon mari et mes enfants. J'ai trois garçons.
– Et moi deux filles.
– Oui je sais, Claudie me l'a dit.
– Claudie ?
– Marie-Claude, c'est son surnom de ce côté là! Tu la regrettes ?
– Oui, énormément. Je mentirais si je disais le contraire.
– Tu as raison, c'était une fille vivante. J'aime bien les hommes qui n'ont pas honte de leurs sentiments... J'en ai pour une minute.»
Le chemisier disparut. Le soutien-gorge était couleur chair, il était sans bretelle sur les épaules. Je pensais que j'aurai vu toute la gamme de formes et de couleurs.
«Il tient comment ?» Elle sourit.
«Justement, il ne tient pas. Mais j'ai des coups de soleil sur les épaules et je souffre le martyr.»
Elle fit descendre le pantalon, le slip était assorti. Elle enfila un jean blanc. Dégrafa le soutien-gorge, et enfila un polo rouge. Je la regardais faire, elle n'avait aucun complexe. Ainsi, nous étions tous les deux vêtus de la même façon.
«Tu as une très jolie poitrine !
– Tu n'es pas obligé de mentir. Je ne suis pas Marie-Claude! J'espère que tu n'es pas choqué, mais le cabinet de toilette est si étroit.
– Oui c'est beaucoup mieux comme ça ».
Elle me jeta un petit baiser sur la bouche. Elle paraissait avoir retrouvé son entrain.
«Où va-t-on ?
– Dehors, on va grimper un peu ?
– On peut prendre ma voiture, et aller plus loin, sinon on va rencontrer tout le monde. Emma NB2
– Pourquoi pas. »
Elle me tendit les clefs. Nous sommes partis dans la 4L en direction de Chamonix. Au hasard, je ne connaissais pas encore la région. On arriva après Chamonix à un Hameau qui s'appelait «Le Tour» Un petit chemin sur la droite. On s'arrêta et on continua à pieds. Le chemin montait ferme, Je remarquai que Emma avait un peu de difficulté à respirer, je ralentis le pas. Plus ça montait, plus l'horizon se dégageait vers les grands sommets. Il y avait par ci par là encore quelques congères. On marchait très doucement et on parla beaucoup. On se tenait la main, on se rapprochait l'un de l'autre. Par notre conversation, et notre proximité, l'instant était magique. On arriva avec beaucoup de peine à un chalet minuscule, perché sur un éperon rocheux. Le nom était écrit sur un bout de bois:
«Le Chapeau de la Mer de Glace». Le panorama était gigantesque, c'est la première fois que je voyais ce glacier. De blanc éclatant en altitude, il était malheureusement tout gris dans le bas. Nous étions en contemplation, sans voix devant une telle merveille. Emma se serrait tout contre moi, ça me paraissait naturel. Elle monta sur un gros caillou pour être à ma hauteur, et m'embrassa avec passion. Et d'une voix très douce elle me dit:
«Quoi qu'il puisse arriver maintenant, je te serai éternellement reconnaissante d'être là, avec moi. »
On s'assit sur la marche du refuge, et le bavardage dura. Tous les gens de Saint-Elme y passèrent. Tout le monde eut droit à la critique. Elle me raconta l'anecdote de David, lors de cette fameuse soirée, il avait remarqué que je ne les quittais pas des yeux, et avait déclaré:
«Je n'aime pas ce garçon, il a des «bedroom eyes». On se parlait, on s'embrassait, je caressais les seins libres sous le polo, elle me laissait faire avec le sourire. On se remit debout, on s'embrassa encore devant ce spectacle minéral unique. Elle avait les mains baladeuses, pendant que je l'embrassais, l'une d'elle s'arrêta sur mon bas ventre. Elle put constater l'effet qu'elle me faisait. Cela n'alla pas plus loin. On redescendit lentement vers Le Tour. On s'arrêta, elle s'assit sur une grosse pierre, et en me regardant de ses yeux de ciel, elle me dit:
«Je ne sais pas si on peut devenir amoureux en si peu de temps, je ne sais pas si l'amour ne peut durer que quelques instants. Je vais essayer de le savoir, et je te le dirai. En ce moment tu es la personne que j'aime le plus au monde.»
Je ne répondis pas, Mais je ressentais très nettement que Emma m'attirait, et que j'allais l'aimer comme un fou. Elle n'avait pas le corps ni le visage de Marie-Claude. Elle n'avait pas la belle assurance de Chloé, ni l'élégance de Lysiane. Elle avait quelque chose en plus qui remplaçait tout : Je l'aimais. Le retour fut plus calme, on profita des magnifiques paysages sous la lumière rasante du soleil. La remontée au Plateau était longue et sinueuse. La 4L marchait bien, et elle gravissait les lacets avec allégresse. Au restaurant, je m'installai à sa table, face à son regard amusé.
«Ça te dérange?
– Pas du tout» ne dit-elle en riant de toutes ses dents éclatantes. Les garçons me regardaient en coin, et souriaient. J’aperçus David qui me lança un regard de haine. On repartait pour la guerre de cent ans! En réalité, on trouvait tellement de chose à se dire, on avait tellement de petits fou-rires, que les gens nous regardaient intrigués. Certains même réprobateurs. Mais qu'importe, nous nous étions trouvés, plus rien de ce qui existait autour de nous n'avait d'importance. Le soir, nous étions fatigués de cette randonnée, et l'on décida de dormir sagement dans nos lits respectifs. Deux heures à peine, et je trouvais la situation ridicule. Et je me dirigeai vers la chambre d’Emma. Elle n'avait pas fermé la porte, elle ne dormait pas, elle m'accueillit avec plaisir.
«Je t'attendais, j'espérais que tu allais venir.
– Oui, je le savais.»
Le corps d’Emma contre le mien paraissait en être l'empreinte exacte. Elle me caressait doucement, m'embrassait à petits baisers, me chuchotait les mots bleus. J'étais très excité, et au moment crucial, tous mes moyens s'effondrèrent, et je ne pus lui faire l'amour. Elle ne sembla pas être chagrine de cet incident, mais malgré de savantes caresses, rien n'y fit. Je repartis dans ma chambre et m'endormis comme un loir. Elle avait peut être déjà vécu cette situation, mais moi, c'était la première fois. J'étais vexé mais aussi très inquiet. Emma n'y fit pas allusion de la journée. Notre balade à Plaine Joux et au Lac Vert fut des plus réussies. Le soir, j'allais dans ma chambre. Je n'osais pas renouveler la triste expérience de la veille. C'est Emma qui vint me voir. Elle avait sans doute compris d'instinct que dans mon cadre habituel, je me sentirais plus confiant. C'est exactement ce qui arriva. Nous eûmes une nuit d'amour comme on ne pouvait en rêver.
Emma maîtrisait parfaitement notre situation. Je ne pouvais pas m'empêcher en moi même de comparer avec le talent de Lysiane. Emma avait trente deux ans. Elle avait pour elle l'expérience d'une vie, peut être même de plusieurs vies. Il y eut beaucoup de changements dans nos habitudes: On ne se quittait plus. Quand je pénétrai dans la chambre d'Emma, toutes les peluches avaient disparu. Il ne restait que le bouquet de Baccaras que je lui avais offert la veille. Pour moi, tout était différent. Quand j'étais avec Marie-Claude, nous n'avions à partager que son temps libre, car son travail lui prenait beaucoup de temps. Il y avait, il faut le préciser, quelques malades qui nécessitaient beaucoup plus de soins donc beaucoup plus de temps. Peut être aussi avait-elle une autre liaison quelque part ? Emma me le laissa entendre. Sans vouloir la dévaluer à mes yeux, elle me dit qu'une autre femme se vantait d'être son amie intime. Peut être était-ce la vérité, mais cela m'était totalement égal. Le plaisir d'aimer Marie-Claude se concevait sans serment de fidélité. Il n'en était pas de même avec Emma, qui se montra extrêmement vigilante quant à mes fréquentations.
Cela ne me gênait pas, mais c'était visible pour tous, et je ne sais pas si une autre femme aurait pris le risque d'affronter Emma sur ce sujet précis. Chloé accepta la situation, avec facilité. (Peut-être contente de se débarrasser de moi ?)
De même qu'il y avait une femme de chambre du coté «femmes», il y avait un homme de chambre du côté hommes. Il était âgé, grand et efficace. Il aimait bien me tenir la conversation, et je lui offrais souvent quelques paquets de Gitanes. Il en était privé par sa femme. Il nous trouva dans sa «réserve», un lit plus large. Pas un lit pour deux, mais il devait faire 1.20m 1.25m C'était plus confortable je ne sais pas comment il s'était débrouillé. Il faut savoir que les patients ne devaient pas se mélanger ! Sans doute avions-nous, pour quelques raisons obscures, une protection efficace. Chloé accepta aussi de nous faire les soins en même temps. Je me souviens qu'un matin, elle nous fit notre perfusion deux heures plus tôt, parce que Emma devait se rendre à Genève pour le début de l'après midi. Il n'y avait pas d'autoroute à cette époque. Elle y rencontra son mari à l'aéroport, alors qu'il faisait escale à Cointrin pour se rendre en Afrique. Son mari n'était pas jaloux. Il était rassuré de savoir que Emma était heureuse. Je sus par la suite qu'il n'y avait aucun serment de fidélité dans leur couple, et que malgré tout ils se retrouvaient avec bonheur.
Bien sûr, il y avait d'autres «couples» à Saint-Elme, nous n'étions pas les seuls. Mais aucun ne se montrait en public. Nous sortions presque tous les jours pour une nouvelle escapade. Il nous arrivait quelques fois de rencontrer des gens de St-Elme ensemble, dans des situations sans équivoque, alors que tout le monde ignorait leur liaison. On les saluait, ils nous répondaient timidement, comme deux enfants pris en faute. Dans ce même chapitre, un autre couple eut un accident de voiture. Dans un virage sans problème, la Mercedes décapotée fit un tout droit dans le mur de soutien à l'extérieur du virage. Tout le monde en parla, et tint pour explication, que le conducteur avait été «distrait» de sa conduite. A cette époque là, la ceinture de sécurité n'était pas obligatoire. L'homme fut hospitalisé quelques temps, et la femme eut droit à un plâtre et une paire de béquilles pendant quelques semaines. Cette aventure nous fit sourire, cela aurait très bien pu nous arriver.
J'appréciais de plus en plus la modeste 4L d’Emma. C'était un modèle des plus ordinaires, avec boîte trois vitesses. Cette voiture était géniale pour la montagne. Elle valait largement la Jeep pour grimper dans les endroits impossibles. Il suffisait d'un chemin, et cela était parfait. Ainsi, nous sommes allés au Mont d'Arbois, au dessus de Saint-Gervais. Au signal de Bisane en haut des Saisies. Le barrage de Roselend (il n'y avait qu'un sentier pierreux à l'époque, maintenant il y a une trois voies), au col de Voza où l'on n'accède «que» par un train à crémaillère. Je crois que le plus étonné fut le gardien des Chalets d'Ayères, qui ne voulut pas croire que l'on était venu en voiture. Lorsque quelques années après, j'ai revu cette route, je me suis demandé comment j'avais pu être aussi inconscient de l'avoir suivie.
Nous avions acheté toutes les cartes que nous avions trouvées. Nous connaissions le pays dans tous ses recoins. Nous avons découvert des futures stations en chantier, Flaine et Avoriaz. Pas un sentier n'a échappé à notre curiosité. Quand on était parfaitement isolés dans les alpages, il nous est arrivé de faire notre «cure» en altitude. Nous avions une couverture, il faisait beau, et nous faisions l'amour au beau milieu de cette immensité. Pas besoin de nous dissimuler, la montagne était déserte, seules les clarines éloignées parvenaient jusqu'à nous. Nous avons inventé le naturisme de montagne. On s'est baigné nus dans des torrents glacials. On a fait l'amour dans la caverne que dissimule la cascade de la Pierre à Bérard pas loin de la frontière Suisse. On s'est baigné nus dans le lac d'Annecy, Nous n'avons pas cessé de nous aimer, partout, à toute heure, dans toutes les situations. On faisait l'amour deux à trois fois par jour, des fois quatre. Après je ne pouvais plus. Emma, quant à elle, avait pour l'amour une forme olympique. Je n'ai jamais connu, encore aujourd'hui, d'autre femme capable de s'investir autant dans une relation amoureuse. Et quand épuisés on s'arrêtait, on parlait d'amour, on parlait de l'amour.
Sur le sujet Emma était intarissable. Elle racontait facilement ses aventures passées, et je l'écoutais avec beaucoup de curiosité. Elle me posait aussi quantité de questions. Du genre:
«As-tu déjà eu des relations homosexuelles?» Cette question là, je ne l'attendais pas. Et je mis un temps avant de répondre:
«Si je dis non, tu ne me croiras pas, si je dis oui, tu me traiteras de pédé, si je ne dis rien tu croiras que c'est oui, si tu me poses la question c'est que tu connais la réponse.
– Peut être, en effet. Mais il n'y a aucune honte, moi-même je suis bisexuelle. Toutes mes amies le sont également. Et je pense que beaucoup d'hommes le sont aussi. Je connais un homme à St-Elme qui est homo, et qui m'a parlé de toi.
– Et alors?
– Il dit que tu es homo, et qu'il ne se trompe jamais.
– Alors je dois être repoussant car il ne m'a jamais fait de proposition. En tout cas, moi je ne sais pas de qui il s'agit. Et puis il faut un commencement à tout !
– Il te contactera sûrement. – Ok, je te le dirai de toute façon, je ne te cache rien. – Sauf que tu ne m'as pas répondu» dit-elle malicieusement.
«Je pense avoir répondu. De toute façon ce n'était pas une question, quelle que soit ma réponse, tu voulais me le faire dire.» Emma éclata de rire.
«Je te charriais. Tu as très bien répondu, Et je t'aime à la folie.
– La seule chose que j'ai faite avec un autre garçon, c'est l'amour avec une très jolie fille, qui a préféré deux garçons ensemble à la nécessité de choisir. J'en garde un très bon souvenir.
– Je veux bien te croire. Elle était jolie?
– Très jolie, très gourmande, infatigable.
– Ça a du être une expérience intéressante !»
Emma était une femme extrêmement cultivée. Elle était incollable sur les arts en général, et sur tout ce qui touchait la littérature, et la poésie. Emma parlait couramment l'anglais et l'espagnol. Elle connaissait la littérature et les poètes de ces deux pays aussi bien que ceux de France. Emma écrivait. Ses recueils de poèmes sont publiés, ce sont de vraies merveilles. Emma faisait de la peinture, ses créations sont aussi très cotées. Elle m'apprit à aimer la musique classique, on acheta un tourne-disque, et elle choisit les disques. Lorsque je me souviens aujourd'hui des jours et des nuits passés avec Emma, je me rends compte qu'elle m'a tout appris, et que je lui dois tout. Et ce qui est le plus heureux dans mon souvenir, c'est qu'elle l'a fait par Amour. Alors que je n'avais jamais quitté mon village, elle avait parcouru le monde. Elle savait ce que je n'aurai jamais dû savoir. Emma m'a laissé des recueils de poèmes dont j'aurais ignoré l'existence toute ma vie. Je collerai en fin de texte quelques poèmes d’Alain Borne, que j'ai relus mille fois, et qui m'ont apporté la sensibilité durant toutes ces années. C'est aussi Jean Paul Guibbert, avec son recueil Alyscamps, entre-autres. Plus tard, je me suis rendu aux Alyscamps, j'ai aimé, j'ai pleuré. Mes pensées vers elle, étaient si puissantes qu'il est impossible qu'elle ne les ait pas ressenties. Quelle bizarrerie de la vie de s'être connus à Saint-Elme. Dans un endroit agréable, confortable, vous installez en même temps des femmes et des hommes, séparés seulement par une frontière immatérielle. Que peut-il se passer ? Pour moi, il s'est passé que j'ai rencontré Emma, et qu'aucune femme au monde, fusse le plus joli des mannequins, n'aurait su m'apporter autant d'amour que, loyalement, elle m'a donné.
Plus le temps passait, plus nous étions déconnectés de ce qui pouvait se passer autour de nous. Nous dormions toutes les nuits ensemble. Nous étions au restaurant ensemble, seul endroit où l'on pouvait rencontrer les autres. Le reste du temps était fait de balades et d'amours, d'Amours et de balades. Au cours de ces virées quotidiennes, nous sommes allés dans tous les restaurants, les chalets, les bars et même les boîtes. Nous avons fait la connaissance de tous les «patrons» d'hôtels restaurants, et les patrons de bar de la région. Beaucoup d'entre-eux sont devenus mes amis, ils le sont encore aujourd'hui.
A Cordon, petit village dominant la ville de Sallanches, tout près de Megève, il y avait ce magnifique chalet hôtel, qui ouvrait ses portes. Les propriétaires étaient de notre âge, Et nous avons participé à tous les évènements de l'établissement. À Cordon également il y avait un autre chalet en cours d'aménagement qui avait été acheté par un couple de jeunes femmes. Bien sûr, et comme souvent, parait-il, le courant était passé tout de suite entre les trois femmes. Je ne me souviens plus de leurs prénoms, mais je les revois encore : Une grande femme un peu masculine de visage, et très féminine pour le reste, et l'autre plus petite, et qui était un canon de beauté. De type italien, elle avait un décolleté très avantageux, et des fesses à peine dissimulées dans un mini short effilochés. Elle était absolument craquante, et d'une beauté ravageuse. Là aussi nous avons apporté notre aide à la finition de la déco. Généralement nous étions bien accueillis par tous ces savoyards, qui ont pourtant l'habitude de rester distants.
Mais notre relation était tellement transparente, que tous ces gens enviaient un peu notre bonheur. Ce jour là, nous étions en balade à Megève. Il faisait beau, mais comme toujours à Megève, l'air était frais. On déambulait dans la rue principale, on allait au bowling. Il était nouvellement ouvert, on m'en avait dit beaucoup de bien. On entendit un bruit de fenêtre ouverte avec brutalité, des éclats de voix, et quelque chose passa par la fenêtre, et atterrit à nos pieds, en plein milieu de la chaussée. Ce quelque chose, c'était un petit chien, qui ne devait avoir que quelques semaines. C'était une petite levrette, minuscule, couleur beige et blanc. Elle semblait complètement KO par l'atterrissage plutôt brutal. Emma ramassa l'animal, et le garda contre elle un moment.
«Il est encore vivant dit elle.» C'était un vrai miracle.
 
«On va aller le porter à la gendarmerie, et signaler d'où il vient 
– De où ELLE vient, c'est une chienne. Pas question, une petite chienne nous est tombée du ciel, on la garde!
– Du ciel tu exagères, du premier étage serait plus exact !
– Oui, on ne va pas chipoter.
– Et qu'allons nous en faire ?
– On va la garder avec nous.
– A St-Elme ?
– Bien sûr ! C'est bien là que l'on habite ? Alors le chien habitera chez nous!»
C'était logique, sauf que Chloé ne voulut pas en entendre parler, elle en avait marre de nos conneries, etc... etc…
«J'ai plus de problèmes avec vous-deux qu'avec tous les autres réunis»
On chercha une solution, on la trouva, on demanda aux filles de Cordon de nous la garder.
Quand nous sommes arrivés chez elles, tout était grand ouvert. Il n'y avait personne. Inquiets nous sommes entrés dans la maison, nous les avons trouvées encore endormies dans leur lit. Il était presque midi. La plus grande se leva, Elle portait une nuisette, totalement transparente, et pas de culotte. L’autre attendit que sa copine soit sortie, et se leva, elle était entièrement nue. Nous avons pu vérifier ce que l'on croyait, elle était vraiment très belle. Et vision étrange pour moi, elle était totalement épilée. C'est la première fois que je voyais ça. J'ai trouvé que c'était plus joli, plus vrai, plus intime. Je demandais à Emma:
«Elle a fait ça pour toi ou pour moi ? Pour moi j'espère» me répondit-elle.
«Tu ne t'es jamais épilée comme ça?
– Si, quelques fois. Je le ferai si tu veux !
– Oui, j’aimerai beaucoup ! » De retour à notre chambre, Emma prit mon rasoir, et tint sa promesse. J'étais ravi ! J'en fis autant. Elles acceptèrent de nous garder la chienne. On lui avait acheté une laisse, et l'une des filles a demandé:
«Et son nom ?»
Quinta-NB On s'est regardé, on n’avait pas choisi de nom. Emma décida qu'elle s'appellerait «Quinta» ! Va pour Quinta, je ne me souviens plus pourquoi. A la suite de cela, nous allions à Cordon tous les jours, rendre visite à Quinta, et aux filles bien entendu. Je me rendais compte qu’Emma leur faisait beaucoup d'effet. Mais Emma me resta fidèle. Nous allions souvent visiter les endroits les plus sympas du massif. J'avais, quant à moi, sympathisé avec quasiment tous les barmen, dont l'un particulièrement qui draguait Emma, à tel point que cela en devenait drôle. On y allait, on payait notre verre, mais le second nous était toujours offert. Heureuse époque ! Nous pouvions vivre nos envies avec 50 francs par semaine. Essence, boissons, restaurants (quelques fois) fringues.... On partageait tout.
Un changement dans la vie privée d’Emma, fit qu'elle dût placer ses trois fils dans un chalet. Nous avons cherché et trouvé ce chalet, fort agréable. Les propriétaires se sont habitués, comme les enfants, à nous voir ensemble tous les jours. Nous vivions notre vie, Saint-Elme était loin. On y allait dormir, se faire piquer, et tout de suite, on disparaissait dans la montagne. De jour en jour, je voyais Emma devenir de plus en plus à l'aise, heureuse, dynamique. Elle a vécu notre histoire comme on vit une vie. J'ai été l'amant comblé, aimé, adoré. Jamais il n'y eut le moindre coin sombre dans nos relations.
Un midi, c'était peut être un Dimanche, on vit apparaître dans la salle de restaurant, deux personnes en couple, une jeune femme aux cheveux noirs, à la peau mate, assez grande, très mince, très belle, et son mari sûrement, un homme assez grand, assez beau, le tout faisant un très joli couple. On se posa bien évidemment la question duquel des deux resterait. Je pariai pour la femme, et je gagnai. Le Dimanche soir, elle était seule. Je vis l'un de mes «copains» aller lui parler. Ils ne perdaient pas de temps. Il arriva que je croise le regard de la belle arrivée. Elle avait des yeux sombres extrêmement pétillants et le sourire facile et engageant. J'eus l'impression que l'échange de regard dura plus qu'il n'était nécessaire. Emma s'en rendit compte et ajouta:
«Je dormais tranquille, c'est fini. En voilà une qui n'aura de cesse que tu lui fasses la cour !
– Et pourquoi le ferais-je ?
– Parce qu'elle est belle, que tu es beau, et que vous ferez le couple idéal. »
– Elle n'en a peut-être pas envie, son mari est un bel homme.
– Oui, certainement, mais il n'est plus là !»
Notre discussion s'arrêta là. Quelques jours après, un garçon de la bande que l'on appelait Max, apparut au restaurant au bras de la jolie Hilda, puisque c'était son nom. Enfin, pas exactement, mais Hilda fera l'affaire. J'eus malgré moi un réflexe de jalousie. Max n'était pas à proprement parler un bel homme. On ne peut pas dire qu'ils formaient un beau couple. Ce jour là, j'eus droit à la seconde œillade appuyée. Elle n'échappa pas à Emma, pas plus que la première.
«Cela veut dire que la place est encore libre.»
Je la regardais. Emma disait cela sans méchanceté. Une simple constatation qui n'enlevait rien aux sentiments qu'elle avait pour moi. Mais le sort s'est acharné. Un soir nous étions allés à Chamonix. Nous ne sommes pas rentrés à St-Elme pour dîner. Nous sommes allés dans une boîte assez classique, (qui existe toujours) là où l'on savait que l'on aurait du slow à profusion. Il y avait quelques couples, auxquels je ne fis pas attention. Quand tout à coup, Emma serra ma main et me dit:
«Regarde».
A deux pas de nous, Hilda et Max dansaient langoureusement. Cela ne me fit aucun effet sur le moment. Puis je me rendis compte qu'Hilda ne me quittait pas des yeux. Max essayait de l'embrasser, et elle détournait la tête, toujours de mon côté. Je les regardais et je dis à Emma,
«Tu as raison, ils ne font pas un beau couple.
– Oui, elle serait mieux avec toi. Mais elle doit penser la même chose de nous. Cette surveillance pointilleuse d’Emma m'agaça un peu.
«Mais pourquoi me répètes-tu ça sans arrêt ? Je n'ai fait aucun geste et dit aucun mot qui puisse te laisser croire toutes ces choses !
– Parce que c'est la vérité. Écoute-moi : Je dis cela avec lucidité, sans jalousie, et sans méchanceté. J'ai encore un mois à passer à Saint-Elme. Toi tu as encore trois mois à rester ici. J'en mettrai ma tête à couper qu'elle sera dans ton lit, que je ne serai pas encore arrivée dans la vallée.
– C'est pire que de la méchanceté ce que tu dis là.
– Non, c'est de la lucidité. J'en sais quelque chose. Il a suffit que tu m'adresses la parole pour que je laisse tomber tous mes amis, mon amie, et mes prétendants. Ça sera pareil avec Hilda. Toi ici, elle ne couchera avec aucun autre.»
Cette discussion me mit extrêmement mal à l'aise. Surtout que je ne ressentais rien de ce qu’Emma prédisait.
«Tu comprendras vite, à chaque fois qu'il voudra l'embrasser, ça te fera de plus en plus mal. Moi je t'ai vu vivre avec Marie-Claude. Je sais de quoi je parle. Sauf que je n'aurais jamais imaginé que tu t'intéresserais à moi.
– Parce que tu attendais quelque chose de moi !
– Toutes les femmes ici, attendent quelque chose de toi. Elles doivent même se demander comment j'ai fait pour te séduire.
– Et comment as tu fait ?
– Je ne sais pas, je n’ai pas compris.
– Tu m'as simplement regardé au fond des yeux, et tu as les plus beaux yeux de la terre. (Ce qui n'était pas faux, Emma a des yeux démentiellement magnifiques) Pour la première fois, le retour en voiture fut morne, et la nuit tragiquement banale. Comme si le malaise s'était installé, Emma ne parla plus jamais d'Hilda et de Max. Mais nous avions maintenant en point de mire la date fatale où Emma récupérerait sa voiture, ses enfants, ses valises, la chienne, et me laisserait là. Emma emporterait aussi, tout son amour, mais partirait sans se retourner. Pour éviter de nouvelles rencontres, nous avons trouvé une boîte à Combloux. La patronne s'appelait Juliana. Elle était seule, plus âgée que moi, assez jolie, court vêtue et décolleté d'enfer. On dansait toujours le même slow, il n'y avait quasiment personne dans la salle. Le titre de ce slow était «TILL» Je ne l'ai jamais retrouvé. Comme les autres, elle nous remarqua tout de suite. L'amour est-il si rare que lorsqu'il apparaît on le remarque tout de suite? Après quelques discussions avec la dame, extrêmement agréable. Elle nous fit une proposition.
«Je pars trois jours dans ma famille. Je vous laisse mon appartement.» On ne s'y attendait pas, mais on accepta. On s'arrangea à Saint-Elme. La bonne Chloé camoufla les choses. On s'est retrouvés seuls dans cet appartement, complètement désorientés. On avait perdu nos repères. On a eu du mal à se retrouver. J'ai profité de ce séjour pour faire quantité de photos d’Emma nue. Photos que j'ai retrouvées lors du déménagement ; (Ma maman me les avait subtilisées aussi) Nous avons voulu conjurer notre séparation prochaine. Emma m'a fait l'amour comme jamais, osant des choses, en inventant d'autres. J'étais dépassé par une telle énergie. Comme si elle avait voulu faire d'immenses provisions d'amour. On ne vit quasiment pas le jour durant tout ce temps de vacances. Nous sommes sortis une seule fois où nous avons découvert au dessus des Carroz, un immense chantier de construction. C'était la future station de Ski, «Flaine». Il n'y avait que des cailloux et des grues, des baraquements, tout cela était lugubre, et comme en plus le temps était gris, ce n'était pas bon pour le moral. Et puis, le temps passait inexorablement. Nous n'avions plus la joie de vivre, on se parlait comme sur un quai de gare. On savait que notre fin était proche, et que pour mille raisons il n'y aurait jamais plus d'après.
Quand Emma ferma la porte de sa voiture et démarra, je sentis avec une puissance inouïe, le malheur qui était le sien. Quelques heures après je rectifiais, je voulais dire le malheur qui était le mien. J'étais totalement désemparé. Toutes ces heures passées sans autre envie que de les vivre avec Emma, qu'allais-je en faire maintenant ? Emma partie, que me restait-il ? Que saurais-je faire ? Qu’aurais-je envie de faire ? Séduire une autre femme, en aimer une autre ? Je n'en étais pas sûr. Je n'avais plus d'envie. Il fallait qu'elle ait disparu pour me rendre compte que le vide était immense. J'avais conscience que l'amour physique avait joué un rôle capital dans notre relation. Bien sûr, j'avais follement aimé Marie-Claude, Agréablement aimé Chloé, et aimé avec émerveillement Lysiane. Mais Emma m'avait appris à faire le lien entre le plaisir physique, et l’amour.


«Je l'aimais. Les jours n'étaient que des escales sur des îles de fond de mer
Et la lumière de la nuit était celle du fond des eaux
Et nos corps étaient des vaisseaux;
Le lent et perpétuel voyage de nos mains, nos découvertes.»

Emma m'avait laissé «La nuit me parle de toi» d’Alain Borne, «Les Alyscamps» de Jean Paul Guibbert, et l'Adagio, d'Albinoni. Comme pour me dire : Je t'aurais fait toucher du doigt ce qu'il y a de plus beau.


tn renault r3


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Par eve anne
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