Sarah restait dans le mausolée pour mieux
méditer. Elle appréciait que le décor soit aussi sobre, que le lieu soit aussi calme, que la lumière soit diffuse, et la fraîcheur aussi agréable. Seul flottait dans l'air ce
parfum de géraniums, mêlé à celui de la canne à sucre, omniprésent à Saint Benoît de La Réunion. Elle tira la porte derrière elle. Coupée du monde extérieur, elle serait mieux pour
prier et se recueillir sur la tombe de sa belle amie. Elle aimait ce mur de marbre brut, ce dépouillement de tout objet de culte: pas de croix, pas de Christ, pas de Marie. Dehors, les
géraniums en fleur ceinturaient l'édifice, mais dedans, aucune fleur, que la pierre, le marbre, la lumière et cette plaque de bronze sculptée à l'effigie d'une jeune femme aux longs
cheveux épars, au visage fin comme l'avait Florane quand elle était arrivée dans sa vie. Pour que cet endroit soit tel qu'il est, Florane avait dû en définir tous les détails elle-même.
Sarah pensait que le service des pompes funèbres pourrait peut être lui donner quelques détails sur les derniers jours de Florane, et peut être, qui sait, lui faire
rencontrer les gens qu'elle connaissait, ou même qu'elle fréquentait ? Une amie, une amoureuse, pourquoi pas, cela faisait trente ans qu'elles s'étaient séparées, bêtement,
stupidement, à cause .... d'un homme. C'était le comble, c'était triste à hurler. Mais Sarah ne pleurait pas, Sarah ne pleurait plus. Elle avait versé ses dernière
larmes en Janvier 1873, elle ne savait plus le jour, elle savait seulement que cela s'était passé là, tout près, derrière elle, au large. C'était après un terrible ouragan. Du pont du
navire, elle avait vu la chaloupe s'éloigner. Florane était debout dans la barque et regardait s'approcher la cote. A son côté, Paloma lui tenait la main. Paloma, qui avait su lui
donner le réconfort dont elle avait besoin. Florane ne s'était pas retournée. Sans doute pour que personne ne voit ses larmes. Sarah n'avait pu voir la barque accoster aux ruines qui
restaient debout après le passage de la tempête, tant ses larmes brouillaient sa vue. C'est à ce moment sans doute que ses forces l'ont abandonnée, et qu'elle s'est écroulée sur le
pont, inanimée. Quand elle sortit de sa
torpeur, le navire avait repris la mer, elle était sur sa couche, Amiya, sa fidèle amie lui tamponnait les tempes d'un linge humide imprégné de fleur d'oranger. Amiya pleurait elle
aussi. Sans doute souffrait-elle autant que Sarah de cette brutale séparation. Amiya, qu'est-elle devenue ? Pourquoi l'avait elle quittée elle aussi ? Pour retourner dans ses Indes natales ? Qui y
avait-il de mieux là-bas que Sarah n'eût pu lui donner ? Sarah, gardait les yeux secs. Elle essayait de se concentrer sur les souvenirs qu'elle avait gardés depuis tout ce temps, mais
elle n'y parvenait pas vraiment. Quelque chose l'empêchait de se recueillir comme elle s'attendait à devoir le faire sur la tombe de son amour de tente
ans. Il est vrai que trente ans, c'est
une vie, c'est une grande partie de la vie, et bien qu'ayant eu l'image de Florane perpétuellement à l'esprit, elle se rendait compte en ce lieu que ce souvenir n'était pas celui
qu'elle croyait. Mais si c'était le cas, pourquoi aurait elle vécu cette vie sans amours ? Sarah ne pouvait plus répondre à toutes ses interrogations. Avec d'infinies
précautions, comme pour ne réveiller personne, elle referma la porte de l'édifice, se promettant de revenir quand elle aurait retrouvé son humilité, et que sa pensée serait plus
disponible. Elle sortit du petit
cimetière, referma la grille de fer forgé, remonta dans sa voiture et se fit conduire à son hôtel. Au réceptionniste de l'hôtel, elle demanda qu'il lui prenne rendez vous avec le
responsable des pompes funèbres, puis aussi avec le notaire qui avait eu la charge des affaires de Florane. Elle se réfugia ensuite sur le balcon de sa chambre, s'installa sur la chaise
longue, et plongea son regard dans l'horizon marin. Sarah se sentait mal à l'aise. Elle ne comprenait pas pourquoi. Elle avait fait ce pèlerinage sur la tombe de Florane pour apaiser
ses regrets, et elle se sentait au contraire plus agitée. Quelque chose avait insidieusement pénétré son ego déjà fortement mis à l'épreuve. De ne pas se sentir au bord du
désespoir sur la tombe de Florane avait quelque chose de frustrant comme si on l'avait privé de sa mélancolie. Elle pensa avec horreur que toutes ces années, toutes ses responsabilités, tout ce
qu'elle avait créé, construit, lui avait endurci le cœur de façon irréversible. Plus rien maintenant ne semblait pouvoir l'émouvoir. Elle pensa à Lusciano, son mari, l'homme qu'elle
avait pris à son amie Florane, ce qui avait motivé leur séparation. Au cours de sa vie, elle a toujours reproché à Lusciano de s'être conduit comme un vil séducteur, et d'avoir profité
de son désespoir pour en faire sa maîtresse. Mais comment avait-elle pu ? Lusciano l'aura payé aussi, toute sa vie. Liés tous les deux par des intérêts communs, ils se sont mariés par convenance, dès que
Lusciano eut quitté la marine marchande. Mais pas une seule fois Sarah ne s'est donnée à lui, depuis ce jour funeste à Saint Benoît. Elle sut bien évidemment qu'il avait eu de
nombreuses aventures, mais cela lui était égal. Peut être était-ce la véritable raison pour laquelle Amiya s'était enfuie. Amiya et sa beauté surnaturelle, ne pouvait laisser
indifférent un matelot portugais méprisé par son épouse. Amiya, était follement amoureuse de sa maîtresse, elle avait eu aussi quelques tendresses pour Florane, quand, malicieusement
elle participait à leurs ébats amoureux. Mais là, nul doute, Lusciano avait abusé d'elle, et elle était partie. Sarah décida qu'elle prolongerait son voyage pour retrouver Amiya. De toute façon
elle avait le temps : son futur gendre dirigeait maintenant son « empire », elle pouvait profiter de sa retraite bien méritée. Le soir tombait doucement, mais à Saint Benoît, il n'y a pas de coucher de soleil. La cote étant orientée à l'est, seule une brume sombre engloutissait peu à peu la ligne d'horizon.
Quelques coups discrets furent frappés à la porte. Le réceptionniste entra et tendit à Sarah un petit billet sur lequel était noté le rendez vous avec les pompes funèbres. Pour le
notaire, trouver celui qui était en charge des affaires de Florane d'Auteuil, allait demander plus de temps. Le responsable de l'établissement reçut Sarah avec déférence. Celle-ci se présenta
comme étant la seule amie de Florane-Marie d'Auteuil, et qu'elle voulait avoir, si possible, des détails sur les derniers jours de la
défunte. L'homme la regarda avec
étonnement, le visage ouvert et souriant de l'accueil, avait fait place à un masque de déception qui intrigua sérieusement Sarah. « Aurais-je dit une incongruité pour que vous me regardiez de la
sorte ? - On peut dire cela de cette
façon madame. Comment avez-vous appris le décès de Madame d'Auteuil ? - Il y a quelques mois par un enquêteur qui s'est fait passer pour son fils, pour des raisons sur lesquelles je ne m'étendrais
pas. -Je vois de qui vous voulez parler.
Nous avons eu également la visite de ce monsieur. Sa curiosité et ses questions insidieuses nous ont paru suspectes. Si j'avais eu connaissance de votre existence, je vous aurais
prévenue de cette visite. - Oui c'
eût été utile. - Je dois rétablir la
vérité. Florane Marie d'Auteuil n'est pas inhumée dans ce cimetière. La tombe qu'elle nous a chargé de préparer est vide. Si vous vous êtes rendue sur place, vous avez pu
constater que sur la plaque de bronze, il n'est pas gravé de date de décès. Alors que pour chaque deuil, cette formalité est réglée dès le lendemain des
obsèques. - Est-ce possible ?
Florane serait donc toujours vivante ? Savez vous où elle se trouve ? -Je n'ai pas dit que Madame d'Auteuil était toujours vivante. Je vous ai simplement dit qu'elle n'était pas inhumée dans ce mausolée.
Celui-ci a été réalisé selon ses instructions très précises. Il comporte trois places, j'ignore pour quelle raison, mais dieu soit loué, elles ne sont pas
occupées. -Mais alors où peut se trouver
Madame d'Auteuil ? -Je l'ignore.
Elle était souffrante, gravement atteinte d'un mal mystérieux, elle est peut être décédée dans un autre lieu, et inhumée sur place, ou peut être, ce que j'espère, elle a recouvré la
santé et se trouve dans une autre ville, ou dans un autre pays. Toujours est-il qu'elle était satisfaite du travail que nous avons fait pour elle, et nous a payé rubis sur l'ongle. Elle
a payé également les obsèques qui seront les siennes quand l'heure aura tristement sonné. - Ce pourrait-il, qu'elle soit inhumée dans cette tombe et que vous ne soyez pas au
courant ? - C'est impossible madame.
Le caveau est scellé avec notre sceau, et je peux, en votre compagnie, aller vérifier qu'il est intact. - Madame d'Auteuil ne peut être dans le cimetière de Saint Benoît, je vous le
garantis. Si vous le souhaitez, nous pouvons enquêter dans toute l'île, mais je pense que c'est inutile. Madame d'Auteuil était universellement connue dans Bourbon, pour ses affaires
florissantes, et pour ses œuvres, elle n'a pu quitter ce monde dans cette île sans que nous ne l'ayons su. » L'homme était très typé, de race indienne sûrement, il s'exprimait dans un français
impeccable. Vers la fin de l'entretien, un semblant de sourire sembla éclairer son visage coloré comme l'était celui d'Amiya jadis. « Une dernière question monsieur, si cela ne vous dérange pas, Madame d'Auteuil
devait avoir un ou des hommes d'affaires qui travaillaient pour elle, et qui assument son absence ? -Parfaitement, j'allais vous conseiller de prendre contact avec Maître Nemours, qui
assure la gestion de son patrimoine. Voilà son adresse. Merci mille fois Monsieur, de votre amabilité et de vos révélations. Si j'apprends d'autres nouvelles, je ne manquerai pas de vous le faire
savoir. - Je vous en remercie madame, que
dieu vous garde. » Sarah se retrouva
sur sa chaise longue quelques instants plus tard, après avoir prévenu la réception qu'elle avait les coordonnées du notaire. Voilà le pourquoi de ce sentiment bizarre. La tombe était vide.
Inconsciemment elle l'avait ressenti, et c'est pour cela qu'elle n'avait pas éprouvé ce sentiment de tristesse auquel elle
s'était préparée. Sarah
comprenait que le lien entre elle et Florane ne s'était pas établi. Elle était sûre que si Florane avait été là, elle aurait ressenti d'autres
sentiments. Florane n'étant pas sous
cette dalle, tout devenait possible, elle était encore de ce monde, cela ne faisait pour elle aucun doute ! Peu à peu, un sentiment de sérénité vint envahir son esprit qui fonctionnait à toute
vitesse pour remettre toutes les choses dans leur ordre logique. Elle décida pour commencer de ne pas informer Lusciano de la nouvelle. Elle décida également de laisser sa fille et son gendre dans
l'ignorance, finalement, ce n'était pas leurs affaires. Elle allait se retrouver avec Florane, et elles iraient vivre Square Victoria, à Montréal, là où elles s'étaient
connues. Pour le lendemain, elle obtint
un rendez vous avec le Notaire. Elle aurait le temps de visiter un peu la « ville », qui n'en était pas vraiment une, elle ressemblait plutôt a une banlieue avec ses petites
maisons de planches et de tôles, bariolées de toutes les couleurs. La végétation était luxuriante, et la vue sur les montagnes enneigées du centre de l'île, était magnifique. Elle se
promit de prolonger son séjour pour quelques visites notoires, le volcan par exemple, s'il pouvait être approché. La température était douce, seule l'humidité était perceptible.
L'église semblait mériter quelqu' attention, mais c'est à peu près tout ce qu'il y avait à voir. Le seul véritable attrait de Saint Benoît était l'océan qui était un bon apport de
nourriture. Il paraissait même qu'il n'y avait pas de requins, ce qui semblait à peu près improbable. Il y avait une immense plage de sable fin. Sarah s'était laissé dire que des gens
passaient des vacances en bord de mer, à prendre le soleil, nus sur la plage. Elle pensait qu'elle aurait aimé pratiquer cela avec Florane, au temps béni de leur
amour. « Faire l'amour sur la plage,
nues, sous le soleil, dans le vent, mais que m'arrive t il pour songer à des choses pareilles ? Et Amiya, j'oublie la douce Amiya et son corps de rêve. Je me demande pourquoi
Florane m'a choisie moi, plutôt qu'elle, elle était plus jolie, plus jeune, et la couleur de sa peau, mon dieu quelle était belle à
voir ! » Le lendemain matin, Maître Nemours ne la fit pas attendre. Dans son bureau immense aux murs de boiseries
foncées, il la pria de s'asseoir dans un profond canapé. Sur un meuble, la traditionnelle "Horloge de Notaire". Il prit place dans l'autre canapé qui lui faisait face. C'était un
homme d'une cinquantaine d'année, très typé, d'une amabilité apparemment sincère.
« Voulez vous boire quelque chose ?
Demandez n'importe quoi,on vous l'apportera. - Je voudrais un cocktail de fruits s'il vous plait. - Vous avez raison, les fruits dans ce pays sont un don de dieu. - Je suis heureux de vous recevoir Madame .... D'Aveiro ? Excusez-moi, je ne suis
pas sûr de votre état civil. -Appelez moi
Sarah voulez vous ? -Comme il vous
plaira. Je dois vous dire d'emblée que j'attends votre visite depuis quelques années déjà. - Excusez-moi, le temps passe vite, et les affaires nous en prennent la
totalité. - Vous avez entièrement raison.
Je suis heureux de vous voir pour de multiples raisons. La première est que Madame d'Auteuil m'a souvent parlé de vous comme étant sa plus fidèle et sa plus tendre amie. Elle ne
tarissait pas d'éloges sur votre beauté, je vois qu'elle n'a rien exagéré. -Merci ! -Je suis très lié avec Florane d'Auteuil. Je m'occupe de ses affaires, je suis son conseil et aussi un peu son ami. Aussi, si vous le
permettez, je parlerai d'elle en l'appelant « Florane » comme j'ai l'habitude. - Avez-vous de ses nouvelles ? Où se trouve-t-elle ? - Cela va faire bientôt un an que je ne l'ai pas vue. Mais je ne crois pas qu'il fasse
en tirer des conclusions aussi malheureuses qu'hâtives. Je sais, pour avoir insisté souvent, qu'elle porte avec elle une lettre à mon adresse, et une à la
vôtre. -Elle a donc mon
adresse ? -Elle savait que vous
étiez en Australie, à Adélaïde sans savoir où exactement, mais elle insistait en disant qu'une femme de votre élégance devait être connue de
tous. » Sarah était un peu agacée de
toutes ces manières. Elle pensait que le notaire était beaucoup trop flatteur pour être honnête. Mais elle avait besoin de lui, elle prit
patience. « Mais alors pourquoi
n'a-t-elle pas pris contact ? -Je
l'ignore. Je ne puis vous répondre, nous étions proches pour ce qui est du présent, mais de son passé, elle ne m'a jamais rien dit. - Donc, selon vous Florane est toujours de ce
monde ? - Je le crois, enfin pour le
temps qu'aurait mis une lettre à me parvenir. - Et où pourrait-elle se trouver ? Dans quel pays ?
-Florane était malheureusement très affectée par un mal mystérieux qui
laissait nos médecins dans l'incertitude la plus totale. Elle a quitté Saint Benoît pour prendre des soins en France, et elle aurait pour cela été conseillée par le gouvernement
Français pour qui elle travaillait dans les plus sereines conditions. Vous dire où, je ne le puis, mais le gouverneur qui la remplace, pourra sûrement vous
renseigner. - Excellente idée, je vais
m'en occuper sur le champ. Mais dites-moi Maître, pourquoi ne m'avez-vous pas écrit ? - J'étais son homme d'affaire Madame, pas son confesseur. Florane était souffrante,
mais elle avait toute sa raison, et c'est elle qui décidait de tout. - Oui, ça je le sais ! Je vous remercie mon cher Maître, je vais me mettre en quête au plus
tôt. - Ce n'est pas tout, si vous
permettez. J'ai encore quelques détails à vous confier. Florane d'Auteuil a reçu la visite d'un homme jeune se présentant comme votre fils. Elle n'en a pas cru un seul mot. Elle assurait, qu'en présence de votre fils, elle
aurait ressenti quelque émotion. L'enquête que nous avons menée discrètement vient de nous révéler que ce garçon est en réalité un enquêteur de l'armée des états unis. J'ignore le sujet
de cette enquête. Mais vous êtes américaine, peut être que cela explique tout. - Très bien, je m'en souviendrai. - La seconde chose est le testament de Florane d'Auteuil, qui est un document libre qui fait de votre fille et pour un quart,
l'héritière des biens de Florane, en partage avec madame Amiya Ramshamy dont j'ignore tout, Madame Marchale, ainsi que madame Paloma Maya Vargas, dont je n'ai pas les
coordonnées actuelles. Peut être pourrez vous m'éclairer sur ces personnes. - Ma fille est immensément riche, et n'a pas besoin de cet héritage. Si par malheur je ne retrouve pas Florane, je verrai avec vous ce
qu'il faut en faire. - Comme vous
voudrez, mais après. Je dois d'abord exécuter les ordres qui me sont donnés. -Et la troisième chose dont vous deviez me parler ? -C'est un document que Madame d'Auteuil a laissé pour vous, au cas où je vous
rencontrerais. -Un document de
Florane ? Pour moi ? Mais pourquoi ne pas me l'avoir fait parvenir ? - Florane d'Auteuil voulait qu'il en soit ainsi, j'exécute ses ordres Madame. - Vous avez raison Maître. Nul ne pourrait vous en tenir
rigueur » Maître Nemours ouvrit un
pan de mur boisé, qui dissimulait la porte d'un coffre, une armoire forte plutôt. Après avoir manœuvré le système d'ouverture, il sortit une épaisse enveloppe scellée. Il referma le
tout, et avant de remettre le document à Sarah, il lui présenta une feuille écrite dans une cursive de toute beauté. « Veuillez lire et signer ce document, s'il vous agrée, bien
entendu. » Sarah parcourut le texte,
plus pour le plaisir de lire une si belle écriture, que pour en prendre connaissance. Puis elle signa. « Une dernière chose Madame. -Je vous écoute. - Florane Marie d'Auteuil appartenait à la diplomatie Française, en conséquence, elle
bénéficie toujours du dispositif « Mercure » du ministère qui peut dans tous les cas faire suivre le courrier qui lui est destiné. Ce système est codé. Ce qui signifie hélas
que personne ne sera en mesure de vous donner la dernière adresse de madame d'Auteuil. En plus, cela fait partie des règles de discrétion ministérielles. Ne vous attendez pas à obtenir
facilement ses coordonnées. Par contre, je peux lui faire parvenir tout document que vous me remettriez à son intention : Pour lui fixer rendez vous par exemple. Ceci partira par
la « valise diplomatique ». -Je
vous tiendrai au courant de mes projets Maître. » « Pour en terminer et pour votre information, je dois vous faire savoir que
Florane D'Auteuil possède le monopole de la canne à sucre sur le territoire de Bourbon, ainsi que la plupart des exploitations de géraniums.
-De géraniums ? Grand dieu ! A part les œillets, elle n'aimait pas particulièrement les fleurs ! -Il s'agit là, de production d'essence de géraniums, qui sert de base à quasiment tous
les parfums, comme la lavande ou encore le musc. Le géranium a été implanté en Réunion dès mille huit cent quatre vingt. - Je suis très impressionnée. - Tenez, prenez cette fiche. Vous y trouverez les adresses de ses propriétés ici,
et à Saint Denis où se trouve le siège de sa compagnie, et sa maison de repos à l'île Maurice. Et puis celle de Madame Carmela Marchale qui était sa couturière et je crois.... sa
meilleure amie. » Sarah garda le sourire, remercia poliment, prit congé du Notaire et regagna son hôtel.
Elle déposa le document sur la petite table du salon de la suite, et
se fit monter du Champagne. Elle se le fit servir sur le balcon donnant sur l'horizon. Il y avait au loin semblant immobile, un navire aux voiles gonflées. Depuis trente ans, c'était
toujours le même frisson quand elle apercevait une voile à l'horizon. Et pourtant, elle était sûre maintenant de ne plus attendre personne, et que personne ne viendrait plus à elle, qui
plus est, dans un navire à voiles.
Pour franchir les longueurs du temps, c'était maintenant à elle de
parcourir l'espace. Elle ferma les yeux et se mit à vagabonder dans ses souvenirs. Le champagne l'emportait dans une douce langueur, où elle retrouvait l'air frais de la vague, et les
bruits du gréement. Les yeux à demi fermés, elle devinait le dossier sur la table dans l'autre pièce, et plutôt que de l'ouvrir et de lire ce qu'il renfermait, elle se plût à l'imaginer
avant de sombrer dans un profond sommeil. C'est la fraîcheur de la nuit qui la réveilla. De son balcon, elle ne voyait plus que les halos lumineux des pêcheurs à la lampe, comme le
reflet des étoiles des constellations australes.
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