La discussion s'arrêta là.
Le divorce d'Axelle fut prononcé quelques jours plus tard. Celui de
Liesse ne tarda pas. Ce qui était important, c'est que le début de la grossesse ait commencé dix mois au moins après la séparation, pour que Jullien ne soit pas considéré comme le
père. Quelques jours plus tard en fin
d'après midi, François débarqua. Axelle n'était pas rentrée de son travail. Liesse le trouva très « en beauté », bronzé, élégant, Il souriait sans arrière pensée. Visiblement il était heureux de revoir
Liesse et d'être reçu. Ils discutèrent de choses et d'autres, et Liesse le prévint. Je vis avec une jeune femme qui est très amoureuse et très possessive. Si vous avez des choses à me
dire, j'aime autant que ma femme soit là, cela évitera des malentendus. - Oui, je sais, elle s'appelle Axelle ?, on m'en a parlé, Il parait qu'elle est « canon » ! Comme vous
voudrez ». Elle servit deux jus
d'orange glacés. Sur ce, Axelle arriva
en coup de vent. Les bras chargés des emplettes qu'elle venait de faire, où les paquets de couches tenaient une place importante. « Axelle ? Voici François ! » Axelle ne répondit pas, ne tendit
pas la main. Et toisa le nouveau venu sans baisser le regard. « Je crois que je ne suis pas le bienvenu, il faudrait peut être que l'on se revoit une autre
fois ? - Mais non, Axelle est
surprise, ça va passer. C'est une amie prodigieuse. - Visiblement c'est un garde du corps efficace. - Comportez vous comme des adultes, et ça sera bien pour tout le monde. Quel bon vent vous
amène ? - Voilà. J'ai
rencontré Guillaume. Il m'a appris la naissance du petit garçon. Il prétend que je suis le père. Je pense que si c'était le cas, vous m'en auriez parlé ? Je ne crois pas qu'il y
ait de problèmes entre nous. - Aucun, en effet. Guillaume est bien le père, lorsque nous avons fait l'amour tous les deux, je n'étais pas dans une période de fécondité. J'ai toujours
été réglée, il ne peut y avoir aucun doute, rassure toi. - Je n'ai pas besoin d'être rassuré, si je suis le père, j'assumerai ma responsabilité. Il ya des choses bien pires dans la
vie !!! » Et son sourire laissa voir des dents éclatantes. Pourquoi ne demandez vous pas un test officiel ? - Parce que je sais très bien à quoi m'en tenir, et je ne veux rien demander
à Guillaume. - Vous
y réfléchirez quand même. - C'est tout
réfléchi, Guillaume est sorti de ma vie par la porte des salauds, le retour est impossible. » Et puis tournant la tête vers Axelle, « D'ailleurs maintenant je ne suis plus seule, j'ai tout ce qu'il me faut à la maison
- Alors je vous fais une deuxième proposition. Nous avons fait l'amour
deux fois ensemble et à chaque fois je suis resté pétrifié de bonheur. Je ne vous l'ai jamais dit, parce que je pensais que vous étiez heureuse avec Guillaume.
- Et alors ? - Alors, si le petit
n'a pas de père, je veux bien être celui là, ça serait le plus grand bonheur de ma vie. » Liesse écoutait François avec une grande émotion. Elle ne s'attendait pas à une
pareille proposition. « C'est très
généreux de votre part François, et tout à votre honneur, Mais un père ne peut pas s'inventer. Nous l'élèverons comme il faut avec Axelle. Il ne manquera de rien. Et peut être
oublierais- je un jour qu'il existe des hommes qui n'en méritent pas le nom. - Mais liesse, ce n'est pas une œuvre de charité que je vous propose. Je suis réellement amoureux de vous, et pour vous je suis prêt à changer de
vie. - François, on ne peut changer de
vie, on n'est comme on naît. Vous comme moi, même si l'on s'est rencontrés avec plaisir, nous resterons deux homos. Guillaume n'a pas choisi la main qui lui était tendue. Peut être a-t-il eu raison après tout
! - Guillaume ne veut pas de vous ni du
petit. Moi je suis prêt à vous épouser et à reconnaître le gamin. Vous êtes ma seule chance de devenir un homme comme les autres. Je ne proposerai
jamais le mariage à aucune autre. Je suis un garçon honnête, je termine mes études dans un mois, et j'aurai une belle situation. Vous n'auras pas à le
regretter. - Vous êtes vraiment très
gentil François, et ce que vous me dites là, me touche énormément. Mais je n'arrive pas à croire que Guillaume refusera d'être le père de son
enfant. Je suis très amoureuse de lui, encore aujourd'hui, et je sens qu'il va revenir.
Tout en disant ces mots à voix basse, elle regardait machinalement Axelle. Celle-ci,
rangeait méthodiquement ses courses. Elle avait le visage fermé. Il faut dire que la conversation dont elle était témoin, faisait fi de l'amour qu'elle avait pour Liesse. François ne se
rendait pas compte qu'il venait de pénétrer dans un couple et de proposer à l'un des deux époux, d'oublier l'autre et de partir avec lui. A entendre François, Axelle n'existait
absolument pas. Liesse qui ressentit cette dérision en fut atterrée. Elle regarda Axelle, qu'elle n'avait jamais vue avec cette expression là. Elle en fût subitement inquiète. Axelle
n'était plus la même; Ses gestes encore assurés quelques instants avant, devenaient plus saccadés, et aussi plus maladroits. Elle s'énervait autour du paquet de couches qu'elle
n'arrivait pas à ouvrir malgré la paire de ciseaux trouvée dans le tiroir. Elle ne se maîtrisait déjà plus. « Ecoutez Liesse » continua maladroitement François, « Je conçois
que tout cela est un peu trop rapide, et je vous demande d'y réfléchir avant de me donner réponse. Je suis dans la région pour quelques temps. Je vous laisse mon numéro, si vous avez
envie de m'en reparler. » A ce
moment Axelle s'arrêta subitement de s'acharner sur le pauvre emballage. Son visage était livide, les yeux étaient révulsés de haine. « Tu n'as pas compris ? Elle t'a dit
« NON ! » Liesse est MA femme ! Et maintenant dégage ! » Elle hurlait. Elle s'adressait à François avec une violence
inouïe. Avec la paire de ciseaux dans la main, elle gesticulait dangereusement. François recula d'un pas, impressionné par cette colère qu'il n'avait pas sentie venir. Axelle continuait
à proférer des menaces en avançant vers François. Celui-ci ne bougea plus. Il sentit le danger, et se prépara à y faire face. Quand Axelle, brandissant la paire de ciseaux s'élança
sur lui, Liesse poussa un cri et tenta de l'en empêcher. « Non Axelle, pas ça !!» Ce fut son dernier cri. Courageusement, Liesse s'était interposée entre François et Axelle. Celle-ci, aveuglée de colère frappa à
plusieurs reprises ............... Liesse s'écroula sur le sol. Son buste était déjà couvert de sang. François repoussa Axelle d'un violent coup de poing qui l'envoya valser à l'autre bout de la pièce.
Il se pencha sur Liesse, déjà inanimée et livide. Il sut tout de suite que c'était grave. Il chercha de quoi obturer les plaies béantes qui ruisselaient sous le sein gauche. Puis
de son portable il appela les secours. .........................................................................................Les secours sont arrivés très vite, et Liesse transportée aux urgences. La police
constata tout de suite que François était choqué, et qu'Axelle était dans un état de semi coma. Quand la police l'emmena, elle n'avait pas encore repris ses
sens.
Les autorités civiles intervinrent avec efficacité. Le bébé fut
placé immédiatement en nourrice. François en garde à vue, Axelle en cellule d'isolement.
Vingt quatre heures après, Liesse était encore maintenue dans un coma
artificiel, les médecins refusaient de se prononcer, le cœur avait été touché.
François n'eut pas trop de difficultés à expliquer ce qui s'était
passé. Il était conscient de sa maladresse, et ne "chargea" pas Axelle. On le laissa en liberté.
Au deuxième jour, l'état de santé de Liesse s'était aggravé. Malgré
l'opération qui s'était « bien passée, » les médecins étaient perplexes.
Axelle fut maintenue en psychiatrie. François essaya de contacter
Guillaume. On lui apprit à l'usine qu'il avait quitté son emploi depuis quelques temps. La nouvelle de l'accident consterna bien sûr tout le personnel de l'entreprise. Monsieur
Demartin partit tout de suite pour l'hôpital de Bayonne.
Liesse luttait de toutes ses forces pour survivre à ses blessures.
Elle était sortie de son coma, et souffrait énormément.
Son premier mot fut pour demander d'appeler Axelle. Les deux médecins
se regardèrent, et ne répondirent pas. François était présent, et il tenait la main de Liesse.
Les médecins sortirent sans faire de bruit. Seul François resta dans
la pièce, tenant toujours la main de Liesse. Celle-ci répétait avec difficulté le nom d'Axelle. Puis elle eut une lueur de lucidité, François se précipita. Liesse le regarda, esquissa
un léger sourire. Dans un souffle, Liesse prononça son nom :
« François....................
J'ai froid................... Dis à Axelle....................que je l'aime.»
François était à la limite de l'émotion. Il sentit une légère pression de la main de Liesse, et puis ce fut tout, Liesse était morte. Le sifflement lugubre du moniteur retentit comme le
glas. Tout le personnel disponible se précipita. Leurs efforts furent vains, Liesse n'était déjà plus de ce monde. Monsieur Demartin arriverait trop tard. Il ne reverrait plus la
collaboratrice qu'il avait secrètement tellement aimée.
François resta seul quelques instants. Il couvrit Liesse de baisers.
Il caressa son visage, ses épaules...
En découvrant la poitrine, il crut qu'elle allait se réveiller. Curieusement, les tétons étaient dressés vers le ciel, comme pour lui montrer le chemin à suivre pour la
retrouver.
A la suite du décès de Liesse, provoqué par les évènements que l'on sait, il y
eut une autopsie. Les médecins n'en voyaient pas l'utilité. Une autopsie n'a jamais fait revenir personne. Par contre, elle révéla un fait nouveau. Liesse avait sans le savoir une
malformation cardiaque. Le chirurgien ne l'avait pas vue. Et le constat fut que sans ce problème, il aurait été possible qu'elle eût survécu.
Axelle eût beaucoup de difficultés à retrouver un peu de raison. Son
traitement dura des mois. Elle n'apprit que bien plus tard ce qui s'était passé. Elle n'en avait aucun souvenir. Elle resta des mois incrédule, n'imaginant pas un seul instant
qu'elle ait pu, elle, Axelle, lever le bras sur Liesse. Elle recouvrit finalement tous ses esprits, et finit par retrouver quelques souvenirs, et de fil en aiguille, avec beaucoup de
patience, elle fut en mesure de faire une relation des faits, qui concordait avec la déposition de François.
François fut profondément marqué par cet évènement. Il ne réussit pas
à retrouver Guillaume. Et comme il n'était pas concerné par les faits, la police n'eut aucune raison de le rechercher. Il n'avait pas reconnu l'enfant, celui-ci resta aux bons soins de
l'administration. François prit soin de lui. Il le visita le plus souvent qu'il le put. Jérôme ne manqua de rien. Le procès eut lieu un an après les tristes évènements. François obtint
le non lieu, et Axelle fut condamnée à cinq ans fermes. Elle fut la première à dire que la sentence n'était pas en rapport avec ce qu'elle avait fait, et qu'elle méritait la peine
de mort. Elle déclara froidement que si la justice ne lui prenait pas la vie, elle s'en chargerait elle-même.
François reprit le cours de ses occupations. Les résolutions qu'il
avait formulées de changer de vie, ne tinrent pas longtemps, la raison en était simple, il fallait vivre, et comment aurait il pu poser le regard sur une autre
femme ?
Il resta célibataire, souffrit beaucoup de remords, et n'oublia pas
Liesse.
Axelle survit à ses cinq ans d'emprisonnement. Elle fit deux
tentatives de suicide, qui échouèrent grâce à la vigilance du personnel pénitentiaire.
Une assistante sociale trouva le remède pour la dissuader de
recommencer. Elle lui fit comprendre que c'était une sorte de lâcheté que de ne pas avoir le courage d'assumer ses actes. Axelle en convint. Plongée dans son remord elle ne tenta plus
rien.
Puis vint le jour de sa libération. Ce jour là, elle l'avait
appréhendé durant toute sa réclusion.
Sa famille ne s'était que rarement manifestée. Elle n'était pas là
pour l'accueillir. Seul Monsieur Demartin avait veillé à ce que, dès sa sortie, 'elle ne manquât de rien.
Il ne faisait pas très beau dehors, le ciel était gris, il faisait
froid. Axelle eut un énorme frisson en entendant la lourde porte se refermer derrière elle. Elle pensa que c'était plus éprouvant d'en sortir que d'y entrer. Physiquement, elle n'avait
pas tellement changée. Outre les traits fatigués, elle était toujours la même.. Loin devant, au bord du trottoir, un taxi l'attendait. Un Taxi ? Mais pour aller
où ?
Debout, adossé au taxi, un homme était là. A ses pieds, un petit
garçon s'amusait à lancer des cailloux. Axelle soudain fut prise d'un tremblement. Elle s'approcha : « François ? - Bonjour Axelle. Comment te sens-tu ? Je suis venu te dire que j'étais
conscient de ma responsabilité. Je sais que tout est de ma faute. Je suis venu pour que tu me pardonnes. Je voulais être le premier à te dire que les derniers mots de Liesse avaient été
des mots d'amour pour toi. Axelle baissa les yeux, et fixa le sol un long moment. Elle ne pleura pas, ses larmes étaient taries, elle avait déjà trop pleuré. Elle avança et prit la main
de François.
« Emmène-moi s'il te plait.....
« Si tu t'en sens la force, nous allons porter quelques roses sur
sa tombe ... Et après.... On parlera..... et puis....On verra. ... »
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